A peine ont paru les affaires d’abus et de violences à Saint-Stanislas et aux Angreviers qu’une autre émerge dans un enseignement catholique du diocèse de Nantes visiblement très problématique par le passé, puisque des problèmes sont signalés dans 25 établissements, près d’un sur 11. Cette fois il s’agit de Notre-Dame de l’Abbaye à l’ouest de Nantes, aussi connu comme le collège Sacré Coeur, qui a fait l’objet de plusieurs reportages où des victimes se confient à Télénantes notamment.
Des abus et violences dans plusieurs établissements mennaisiens dans le diocèse de Nantes
Cet établissement dépend des Frères de l’Instruction chrétienne de Ploërmel (mennaisiens) – une congrégation qui a eu d’autres cas d’abus et de violences dans ses établissements, en Bretagne et au Canada où une action collective de victimes a eu lieu contre eux.
Mi-novembre, le diocèse de Nantes reconnait, dans les signalements reçus par la cellule d’écoute pour les établissements mennaisiens du diocèse :
- A Notre-Dame de l’abbaye (Nantes) : 1 religieux désigné dans trois signalements et 2 autres religieux une fois chacun, le tout pour des faits de violences
- A St Jacques de Compostelle (Nantes sud) : 1 religieux désigné deux fois, pour abus
- A Théophane Vénard (Nantes nord-ouest) : 1 religieux désigné deux fois, pour abus
- A St Louis de Saint-Nazaire : un religieux et deux laïcs désignés une fois chacun, pour violences
Le collectif des victimes de Saint-Stanislas, qui a étendu son action à toutes les affaires d’abus et de violences dans le diocèse de Nantes, constate qu’il y a « visiblement quelque chose de systémique puisque plusieurs établissements de la même congrégation connaissent les mêmes problèmes de violences et d’abus. De plus, le diocèse de Nantes n’a visiblement pas les informations pour les cas de violences au Juvénat de Derval [lire ci-dessous], l’autre affaire connue à Théophane Vénard, et les affaires d’agressions sexuelles, de voyeurisme et de comportement déplacé à Notre-Dame de l’Abbaye« .
Le frère A.B : violences et agressions sexuelles
Dans le dernier reportage paru, ce 4 décembre, un ancien élève de l’établissement, interne en 1984, accuse le frère André B., surveillant de l’internat, puis professeur d’EPS, d’abus : « pendant deux ans, toutes les nuits, il choisissait des élèves qui n’avaient pas de caractère, sans aucune pudeur. Il me touchait les [parties] ou me faisait prendre [les siennes] dans ma main. Il disait que c’était normal d’avoir un nonosse dans le kiki ».
Dans le reportage paru mi octobre, Lionel Blaudeau, qui tient à témoigner à visage découvert, l’accusait de violences physiques. « Il faisait faire le tour à des élèves à quatre pattes, en donnant des coups de pied au derrière, et des tours de cour en portant des pavés« . Il laisse entendre qu’il y a eu plus grave : « deux élèves m’ont rapporté qu’il avait des gestes de privauté, totalement inadaptés à une relation éducative, dans le dortoir« . D’autres témoignages, de 1981 et 1985 parus sur Trombi.com mettent en cause le frère A.B, qualifié de « pédophile » par un ancien élève scolarisé en 1981.
Des faits de violence et de voyeurisme vers 2000, mais la direction ignore les alertes
Si les faits relatés par Télénantes remontent aux années 1970 et 1980, le frère A.B semble avoir continué bien plus tard. Nous avons reçu le témoignage de deux anciens élèves du début des années 2000.
Elise, élève en 2000-2001, se rappelle des « coups de pied aux fesses pour faire courir plus vite » et qu’il « restait dans les vestiaires des filles quand elles se changeaient ». Frère A.B était alors professeur de sport. Mais aussi « une main qui remontait trop haut, quand un élève s’était blessé à la cheville ».
Des « élèves s’en étaient plaints à la direction« , mais le signal d’alerte a été ignoré. Pire, « on leur a demandé de s’excuser de leurs accusations auprès de lui« . En 1996 déjà, un religieux, le frère Régis, avait été « témoin de choses qu’il n’aurait pas du voir dans une classe de neige, où il y avait le frère économe et le frère A.B. Il donna l’alerte, et l’année suivante il n’a plus été là« .
D’autres auteurs de violence à Notre-Dame de l’Abbaye ?
Les élèves des années 2000 se rappellent aussi d’un certain Y.R, qualifié de « très violent », mais aussi d’un professeur de dessin, G, « dont tout le monde savait les sévices qu’il infligeait à son fils, scolarisé dans l’établissement – il finit par mettre fin à ses jours« . Ou encore un sous-directeur, B, qui « avait la baffe facile » – lui aussi serait décédé de nos jours.
Un élève qui y a passé quatre ans, R (1996-2000) se rappelle bien du « frère économe, un peu trop tactile et voyeur. Il allait à l’infirmerie quand des filles y étaient, et s’il y avait des garçons les faisait sortir pour rester seul avec elles« . Le frère A.B l’avait « fait faire des pompes avec un parpaing sur le dos« , et un autre encadrant, R, l’avait « fait passer à travers une porte« .
Le frère A.B envoyé à Derval, dans l’ancien Juvénat où des faits de violence ont eu lieu
Nous avons interrogé Lionel Blaudeau. Elève de 1973 à 1977 dans l’établissement, il confirme les faits dont il a été témoin qu’il relatait en octobre à Télénantes et son étonnement lorsqu’il l’a retrouvé sur une photo du corps enseignant de l’institution Saint-Donatien de Derval en 2017 – celle-ci a fermé en 2020 faute d’élèves en nombre suffisant (cinquante), mais appartient toujours à la communauté. En 2021 il fêtait ses soixante ans de vie religieuse – il a donc été ordonné en 1961.
Sur la page Facebook de l’institution, il y a cinq ans, celle-ci confirmait qu’il s’agit bien du même frère A.B :


Des faits de violence dans cet établissement – alors le Juvénat de Derval, une sorte de petit séminaire, ont eu lieu à la fin des années 1950. Ils ont été fixés pour la postérité par un ancien élève devenu par la suite enseignant, Pierre-Marie Bourdaud, dans un récit intitulé Mes biens chers frères paru en 1998.
Il y relate notamment qu’ayant des problèmes d’écriture, il est condamné à faire un tour de cour à chaque faute, puis à manger debout. « Je ne mets plus les points sur les i, les barres sur les T, les accents. Devant un tel refus des repères frère Alphonse n’hésite pas, pour chaque négligence, à me faire faire un tour de cour […] et vers la fin de l’année vous avez parachevé votre oeuvre en faisant manger le silencieux debout.
[…] Entrant en cours de latin, j’avais sottement lancé, »ah encore ce sale lapin ». Privé de cours et consigné trois jours à l’étude, mon premier directeur, le frère Eugène, m’y surprit. Pif paf, deux claques. J’apprends par la suite que dans quelques écoles tenues par ces frères la paire de gifles était l’alpha et l’oméga« .
Quelques pages plus tard il indique qu’un frère Bureau assène des gifles à deux élèves qui se sont chahutés. Il finit par être exclu de l’établissement pour indiscipline, sans avoir le droit de saluer ses camarades.

