L’ex père Noel Ato Nohotemorea, déjà révoqué en 2022, puis interdit de sacrements par le Vatican en octobre 2024 et finalement renvoyé à l’état laïc pour concubinage notoire et insoumission, fait face à la justice des hommes pour le détournement de 13 millions de francs pacifique (108 000 euros) au profit de plusieurs de ses proches, eux aussi mis en cause, aux dépens du CAMICA (conseil d’administration de la mision de Tahiti et dépendances).
Bien qu’il ne soit plus prêtre et a donc interdiction d’en porter le attributs, comme le relève la presse locale, le mis en cause « s’est présenté vêtu de noir, portant le col romain propre aux prêtres. Et pourtant, il ne l’est plus, depuis le 11 octobre 2024 lorsque le pape François avait pris un décret pour lui signifier son « renvoi de l’état clérical. » Le décret pontifical retenait plusieurs « délits graves », dont le « concubinage », le « gain illégitime sur les offrandes de messe », « l’abus du pouvoir ecclésiastique », et la « désobéissance ». Il se présente encore comme l’abbé Ato : « parce qu’au fond de moi je suis toujours prêtre. » C’est aussi l’avis de certains de ses paroissiens, qui lui ont fourni une maison gracieusement lorsqu’il a dû quitter le presbytère ».
L’enquête sur les détournements de fonds a permis de constater « 367 chèques et davantage de virements, représentant 62 millions de Fcfp en mouvements bancaires depuis les comptes paroissiaux en un peu moins de 6 ans, et 13,7 millions retrouvés sur les comptes personnels du père Ato. Des « indemnités » venant des paroisses ou des fidèles, répond l’ancien prêtre qui affirme : « C’est un système où j’ai droit à un tiers de la quête. Si on divise par les 8 paroisses (5 à la presqu’île et 3 dans les Tuamotu, ndr) et les 5 ou 6 ans je pense que c’est très peu. »
Il a aussi « embauché son frère et sa belle-sœur pour assurer la garde du presbytère, la préparation des cérémonies, la gestion du registre des baptêmes et de la page Facebook (pour « évangéliser les catholiques »), le secrétariat, la cuisine et le ménage. Ils sont payés de façon irrégulière, via des comptes différents. Sauf que personne n’a jamais eu de contrat de travail« . Et pour cause, seul le diocèse avait le droit de les embaucher avec un contrat de travail.
Un voyage aux Etats-Unis et une grosse voiture pour chasser le démon
On apprend aussi que le père Ato avait des lucratives activités d’exorciste : « une jeune mère sur le point d’avoir son 2e enfant et dont le couple est en péril vient chercher du réconfort dans le groupe de prière du père Ato. Qui lui dit qu’elle est habitée par des démons. Contre rémunération, le père Ato parle en langues – « c’est un don du Saint-Esprit » – et fait des prières de libération pour chasser les démons.
Il monnaye aussi des « trentains », des séries de 30 messes consécutives pour sauver les âmes du purgatoire (qu’il n’a pas le temps matériel de célébrer selon le témoin du Camica). Mais chasser les démons, c’est fatigant, et pour se ressourcer le père Ato demande à la jeune femme de financer un voyage aux États-Unis de plus d’un million ; elle paiera aussi un vol en hélicoptère à 300 000 Fcfp pour l’anniversaire du prêtre ».
Et en plus, il lui extorque un 4×4 : « un F150 d’occasion que la jeune femme achète à crédit 3,5 millions de Francs et qu’elle lui confie. Quand elle demande où est la voiture, le prêtre lui répond qu’elle est en panne. À la barre il expliquera sans ciller qu’il y a des maisons hantées à Afaahiti qui font tomber les voitures en panne lorsqu’on passe devant« .
Condamné à 4 ans dont un ferme
Pour l’ensemble de son oeuvre, « le Camica demande un million de Fcfp pour préjudice moral – l’atteinte à l’image de l’Église catholique – et l’interdiction de toute activité commerciale. L’avocate de la jeune femme qui avait fourni la voiture, et qui se dit quasiment ruinée aujourd’hui, demande 3,5 millions, soit le montant du prêt qu’elle paie encore.
La procureure estime que cette affaire ne concerne que « le sommet de l’iceberg », puisque 60 millions se sont évaporés. Elle rappelle que le père Ato risque 5 ans de prison, et requiert 4 ans ferme assortis de deux ans de sursis probatoire, l’indemnisation des victimes, une interdiction de gestion définitive et la parution de la condamnation dans la presse ».
L’ancien prêtre a été condamné à quatre ans d’emprisonnement, dont un ferme, ainsi qu’à indemniser le Conseil d’administration de la mission catholique de Tahiti (CAMICA) à hauteur des sommes détournées (13 millions de francs pacifiques) et lui verser quelque 8.300 euros de dommages et intérêts. Il devra aussi rembourser la paroissienne flouée (plus de 4 millions de francs pacifiques). Il a fait appel.
Un dossier de concubinage notoire encore en instruction
Dans un dossier distinct, l’ex père Ato est accusé de violences sur sa maîtresse : « les faits que l’Église avait pudiquement décrits comme du « concubinage » sont plus graves que ça, et comme dit Me Nougaro « le père Ato n’a visiblement pas respecté son vœu de chasteté non plus ».
Les accusations viennent d’une femme qu’il avait chargée de faire son ménage et sa cuisine, et de la fille de celle-ci. Elles font l’objet d’une autre procédure, encore en cours d’instruction. Elle était enceinte lorsqu’elle l’a rencontrée, et elle a parlé aux enquêteurs de « relations sexuelles non consenties ». Le juge lit ses déclarations : « Ça a commencé quand j’étais enceinte. J’avais peur de lui, c’était plus que de la pression, je ramassais le soir quand ma fille dormait, il me forçait à le faire à côté d’elle. »
