Un diacre, Clément de Blic, a été ordonné en vue du sacerdoce le 31 août dernier; le diocèse de Cambrai met en ligne l’homélie de Mgr Dollmann à cette occasion, centrée sur le thème de l’humilité :
L’évangile d’aujourd’hui pourrait être intitulé : leçon d’humilité. Invité à un repas, Jésus assiste à une course aux premières places. Il saisit l’occasion pour enseigner. Il s’insère dans la grande tradition des maîtres de sagesse dont nous avons eu un écho dans la première lecture : « Mon fils, écrivait Ben Sira le Sage, accomplis toute chose dans l’humilité et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur » (Si 3,17).
Jésus ne reste cependant pas à des leçons de politesse ; l’enjeu pour lui, est l’accueil même du Royaume de Dieu. D’ailleurs, à la fin de son enseignement, un des convives s’exclame : « Heureux qui prendra part au repas dans le Royaume de Dieu ! » (Lc 14,15).
Ainsi pour le Christ, la recherche de la dernière place et l’accueil du pauvre sont l’expression d’une attitude d’humilité qui ouvre l’accès au Royaume. Cette humilité-là ne s’apprend qu’au contact de Dieu. D’ailleurs par deux fois, Jésus renvoie à l’agir de Dieu : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14,11) et « Cela te sera rendu à la résurrection des justes » (Lc 14,14). Seul Dieu peut abaisser et élever, seul Dieu peut donner en retour à la résurrection. Le psaume de ce jour le chante admirablement à travers la litanie des titres : Père des orphelins, Défenseur des veuves, Dieu qui est bon pour le pauvre (Ps 67).
En Jésus, Dieu s’est non seulement tourné vers les humbles, il a pris le chemin de l’humilité jusqu’à l’extrême, afin de sauver l’humanité. Cette manière dont Dieu agit, ce renversement des situations et des valeurs qu’il opère, est une bonne nouvelle. Elle révèle que Dieu veut sauver l’humanité entière, que son Royaume est pour tous. Car si le pauvre y a sa place, tout homme a sa place !
Cette Bonne Nouvelle de l’abaissement et du relèvement révèle également que le salut est bien don de la vie de Dieu. Car si l’humble est honoré et élevé, toute vie même la plus insignifiante aux yeux des hommes, est honorée et accueillie dans l’Eternité. Cet abaissement et ce relèvement opérés par Dieu n’ont ainsi rien à voir avec les révolutions politiques ou sociales où, trop souvent, le pouvoir et les privilèges des uns sont remplacés par ceux des autres.
En abaissant et en relevant, Dieu révèle que son Royaume est un don universel et une promesse de vie. C’est en prenant le chemin de l’humilité à la suite du Christ, que nous pourrons déjà vivre selon ce Royaume et nous laisser élever par Dieu.
L’humilité est d’abord une attitude du cœur qui sait reconnaître que tout ne dépend pas de nous, et que pour progresser en humanité, nous avons besoin des autres et du tout Autre. Elle est un véritable antidote à l’égoïsme qui ronge les cœurs et donne cours aux forces du mal et de la mort. Cela ne va pourtant pas de soi, cet idéal est à contre-courant des sociétés humaines, et se heurte à bien des obstacles en nous et autour de nous. Comment pourrait-il en être autrement quand l’apparence et la beauté physique sont idolâtrées, quand la richesse est la norme de la réussite et quand la vie d’un être humain est comptée pour rien ?
Il est urgent que les chrétiens fassent l’expérience du bonheur de vivre dans l’esprit d’humilité et en témoignent. Je pense au récent pèlerinage diocésain à Lourdes. Nous étions un millier, jeunes et moins jeunes, valides et malades à avoir vécu ensemble des temps de prière et de partage. Cette expérience devrait susciter des initiatives dans nos paroisses et nos groupes pour manifester aux plus petits qu’ils sont les membres à part entière de l’Eglise.
Avec le Christ, l’attitude d’humilité nous engage à promouvoir dans la société, l’attention à la personne et le respect de la vie.
Puissions-nous souvent implorer le Christ pour cette humilité !
Clément, votre saint Patron, Pape du premier siècle, vénéré à Frasnoy non loin de votre lieu d’origine, a écrit une lettre à la communauté de Corinthe en proie à des dissensions. Il a su accompagner cette communauté avec l’humilité du pasteur et la fermeté du serviteur de l’Evangile. La « grande prière », qui conclut sa lettre, reflète ce cœur humble et courageux que je vous souhaite de cultiver comme diacre et futur prêtre.
Ayant rendu grâce à Dieu pour sa merveilleuse providence d’amour, le Pape Clément prie : « Ne compte pas les péchés de tes serviteurs et de tes servantes, mais purifie-nous par ta vérité et dirige nos pas pour que nous marchions dans la sainteté du cœur et que nous fassions ce qui est bon et agréable à tes yeux » (n. 60).