L’importance des révélations d’abus et de violences sur les enfants de Notre-Dame de Bétharram libère la parole d’anciens élèves d’établissements voisins… qui ont eu à subir les mêmes tortionnaires parfois, ou qui ont été victimes dans plusieurs établissements – un certain nombre ont abouti à Bétharram qui avait la réputation de redresser les fortes têtes. Ainsi, des abus sexuels anciens et des violences sont relatées par d’anciens élèves du collège Saint-François Xavier d’Ustarritz au Pays Basque, entre Cambo-les-Bains et Bayonne, et des plaintes déposées.
Il s’agit de l’ancien petit séminaire du diocèse de Bayonne, construit entre 1924 et 1926. Il a fêté ses cent ans l’an dernier et inauguré son musée d’art sacré le mois dernier.
France Bleu relate l’une d’elles, pour des abus commis par d’autres élèves, en 1983 à Saint-François Xavier, par un homme ensuite victime à Bétharram : “dans sa plainte pour tentative de viol contre l’établissement Notre-Dame de Bétharram envoyée au procureur de la République de Pau le 17 février dernier, Cyril Ganne entame sa déposition écrite par des faits antérieurs à ceux qu’il a subis, en tant qu’interne au pensionnat béarnais à la rentrée de 1987 en classe de 5e. Aujourd’hui âgé de 51 ans, résidant en Suisse, l’ancien Bayonnais n’a rien oublié de l’année 1983 et des sévices dont il affirme avoir été victime à Ustaritz, au collège Saint-François Xavier. Un établissement contre lequel il a déposé plainte pour viol, maltraitance et coups”.
Un autre ancien affirme, sur le groupe des anciens élèves de Bétharram où d’autres témoignages affluent, “j’ai subi de la 6e à la 3e coups de poing, pied, maltraitance, privation de nourriture et autres en 1972/73″.
Un article est aussi paru dans Sud-Ouest, axé sur les violences subies par les élèves : “« Des brimades, des humiliations, des coups pour rien », des lits humides et glacés, des repas insuffisants pour « laisser les élèves la faim et la peur au ventre », témoigne l’un, qui y était dans les années 1970. Daniel C., élève au petit séminaire de 1962 à 1966 de la sixième à la troisième, décrit « des baffes à vous étourdir, des coups de baguette en bois sur les jambes ou la tête, un climat permanent de peur et des violences psychologiques. » Ou encore “ce professeur de physique, qui vise les têtes avec sa brosse en bois”. Les punitions. “A genoux sur une règle de bois. Interdiction de poser les fesses au sol […] L’un des curés était champion de chistera. Au moindre bruit il nous mettait des baffes monumentales avec ses énormes mains”.
Il révèle aussi les abus subis de la part du directeur de la fin des années 1970, un ecclésiastique, par un élève, qui témoigne en donnant son nom : “parmi les victimes […] Renaud Fabier. Scolarisé entre 1977 et 1979 à Ustaritz, ce Biarrot dit avoir subi des attouchements à 12 ans. ”C’était un mercredi. Je redescendais du foot après m’être blessé quand je croise le directeur. En l’absence de l’infirmière, il m’invite à monter dans ses appartements pour s’occuper de moi. J’ai été naïf”. Le garçon souffre du tibia, mais le prêtre applique la pommade sur la cuisse. ‘‘Il appuie très fort, au point que je vire du rouge au bleu. Il remonte de plus en plus…” L’enfant trouve la force de fuir. Devant les parents de l’élève, l’ecclésiastique nie avoir dérapé. L’affaire ne va pas plus loin“.
Un autre élève a témoigné dans un livre de ses quatre années à l’internat de Saint-François Xavier, et du “préfet de discipline. Entre 1962 et 1966 ce surveillant a fait de son passage à Saint-François Xavier un enfer. “On sentait une forme de jouissance à faire mal. Sa colère pouvait exploser à tout instant. Avec sa baguette en bois, le préfet frappe la tête ou les jambes“.
Un groupe des anciens élèves créé sur Facebook
Comme à Bétharram, un groupe des anciens élèves a été créé sur Facebook pour collecter les témoignages. Le créateur explique sa démarche dans l’un des posts, en réagissant au propos du procureur qui aurait qualifié “d’effet de mode” dans MediaBask la publication de révélations sur d’autres établissements du secteur : “aucune recherche de buzz dans mon cas, je n’aime pas les réseaux sociaux, j’ai 63 ans, je ne veux ni me venger, ni salir, ni porter plainte. Je n’ai pas pour ma part subi de violences sexuelles, et ceux qui en ont subi ont évidemment la possibilité de porter plainte […] avec ce groupe, je ne fais absolument pas la chasse au clergé, il ne faut surtout pas croire que ce n’était que dans les écoles privées ou catholiques, j’ai été scolarisé à Anglet dans une école laïque à Jean-Jaurès en primaire, il y avait deux instituteurs qui utilisaient la violence pour enseigner. L’un des deux en CM1 était vraiment une sombre brute sadique qui prenait plaisir à faire mal et à humilier […] il nous cassait des règles en bois sur la tête […] il avait un petit jeu pervers qui consistait à faire monter un élève sur un petit tabouret pour écrire tout en haut du tableau, et à ce moment il dévissait une petite vis sur le côté, donnait un coup sur le tableau qui tournait et projetait lourdement l’élève par terre.
Ces groupes de parole pour dénoncer les violences dans les écoles ne sont pas un effet de mode, peu importe les années ou les écoles, aujourd’hui on peut parler et surtout on nous écoute. Et les gens réalisent que ce que nous avons subi n’était pas normal et que ça ne doit pas se reproduire. C’est une des raisons pour laquelle j’ai créé ce groupe“.
La direction de l’établissement réagit
Sur sa page Facebook, la directrice Mme Lopepe de l’établissement a publié un communiqué sur le sujet : “depuis quelques jours, notre établissement est cité dans des témoignages d’anciens élèves concernant des faits présumés de violences physiques et psychologiques dans les années 1960 à 1980.
Je ne croix pas que nous puissions détourner rapidement notre regard, ni nous dire que cela ne nous concerne pas sous prétexte que ces faits seraient anciens. Ces témoignages ne sont pas qu’un regard sur le passé, ils nous obligent aujourd’hui à écouter, comprendre et agir. Je condamne sans réserve toute forme de violence, qu’elle soit physique, psychologique ou sexuelle, infligée à des jeunes, en particulier lorsqu’elle est perpétrée dans un lieu qui aurait du être un espace de confiance et de construction. Il n’y a jamais de prescription pour les résonances de ces crimes sur une vie humaine.
Il y a une honte à être éducateur et à voir surgir ces révélations. Une honte qui n’est pas celle de la culpabilité de ce que nous n’avons pas commis, mais celle de voir trahie la mission même de l’éducation, cette promesse d’accompagnement et de protection, souillée par ceux qui auraient abusé de leur autorité ou qui n’auraient pas assuré un cadre de sécurité suffisant. Cette honte, nous devons l’accepter comme le signe de notre conscience éveillée, de notre refus de détourner le regard et de notre engagement à reconstruire ce qui a été brisé“. Elle a réagi de nouveau sur le site de l’établissement cette fois après la parution de l’article de Sud-Ouest :