Fervent défenseur de la langue bretonne, le père Job an Irien du diocèse de Quimper a été rappelé à Dieu le 2 février dernier à l’âge de 87 ans. Né le 15 octobre 1937 à Bodilis, Job an Irien, Joseph Irien selon l’état-civil français, est entré au grand séminaire de Quimper en 1954, a été ordonné prêtre en 1962 à Pont-Croix. De 1967 à 1982, il exerce comme aumônier au lycée de l’Harteloire, En 1984, Joseph Irien, de son vrai nom, est appelé par l’évêché à créer à Tréflévénez le centre spirituel bretonnant Minihi Levenez. Il est l’auteur de livres de cantiques et d’ouvrages sur la spiritualité et les saints bretons.
Il fait partie des prêtres qui ont consacré leur vie pour maintenir la messe en breton, sauvegarder les traditions et les cantiques qui n’étaient plus transmises et faire en sorte que la messe en breton ait encore un avenir – le concile Vatican II devait permettre la messe en langue vernaculaire, mais au lieu du Breton qui était encore la principale langue parlée dans la moitié ouest de la Bretagne au début des années 1960, c’est le français qui s’est imposé partout. De même avec les autres langues régionales – à l’exception notable du basque – qui ont été chassées des églises, et les rares demandes de messes dans ces langues qui font partie de l’Histoire et de la tradition des régions de France sont souvent encore plus maltraitées par les diocèses que les demandes de messes traditionnelles. En Corse, maintenue à bout de bras par quelques confréries, la messe en corse devait bénéficier à partir de 2018 de la traduction officielle du missel, mais visiblement il n’en est encore rien – c’est l’Université de Corse en 2024 qui a fait la même proposition à Mgr Bustillo, y ajoutant la traduction de la Bible, pour faire avancer les choses.
Ar Gedour, blog d’actualités catholiques breton, a publié le nécrologue du père Job an Irien : “nous venons d’apprendre qu’à l’âge de 88 ans, Job an Irien s’est éteint, en ce 2 février où se chante plus particulièrement, comme chaque soir lors des complies, le Nunc dimittis, le cantique que proclama le vieux Siméon lorsqu’il a vu Jésus lors de sa Présentation au Temple :
« Bremañ, o Mestr, lezit ho servijer, hervez ho komz, da dremen e peoc’h; Rak gwelet o deus va daoulagad ho silvidigezh, an hini hoc’h eus aozet dirak an holl bobloù, Gouloù da sklêrijennañ ar broadoù ha gloar evit ho pobl Israel »
Pour ce prêtre du diocèse de Quimper et Léon, la culture bretonne devait servir de tremplin pour faire découvrir la foi chrétienne aux habitants de la Bretagne. Si sa vocation est plus ancienne, notons qu’en 1954 il participe à un événement du Bleun Brug (« Fleur de bruyère »). Ce rendez-vous est décisif. Ordonné en 1962, il exerce comme prêtre à Pont-Croix, devenant aussi animateur de loisirs, tel un Jean Bosco bretonnant. Job An Irien fait participer les enfants et les adolescents aux concours scolaires du Bleun Brug et y fait la connaissance de Michel Scouarnec avec qui il écrit des chansons. « Par le biais extra-scolaire, les enfants apprenaient le breton car la place de la langue à l’école était nulle ». Nommé aumônier de lycée à l’Harteloire à Brest, il essaie d’imprégner les jeunes de ses valeurs concernant l’histoire, la langue, la musique et la littérature bretonne. Job An Irien est aussi l’un des initiateurs des « Cahiers du Bleun Brug » en 1978. Dès le départ, il a en charge la littérature bretonne, présentée en breton et en français. « Quelquefois je n’avais pas de texte, alors je prenais ma plume. J’ai ensuite adapté certains écrits sous forme de chansons » se souvient-il.
L’aventure pourrait s’achever là puisque la revue s’éteint en 1984. Cependant, des jeunes ayant souhaité lors d’une récollection à Landevennec, avoir un lieu de ressourcement bretonnant, l’idée plait à Mgr Barbu et Mgr Gourvès (à l’époque vicaire général), qui créent avec Job an Irien le Minihi Levenez, lieu de transmission de la foi et du breton, soeur et frère, fréquenté par de nombreux enfants, adolescents et parents d’élèves, notamment de Diwan (dont il est l’aumônier). En 1997, Job an Irien publie un missel en langue bretonne, sous l’autorité de l’évêque de Quimper et Léon. Le centre Minihi Levenez a depuis publié également une revue ainsi que des traductions de textes liturgiques, particulièrement une partie du bréviaire « Prière du Temps Présent » ou encore plus récemment le psautier en breton. Tous les deux ans, la maison d’édition publiait également les billets de Job an Irien dans un recueil en langue bretonne traduit en français. Sans oublier ce qui se fait au niveau du chant pour banaliser leur usage dans les paroisses, la diffusion du missel en breton (Leor Overenn) et du nouveau testament en breton, etc… Vous pouvez même retrouver la BD Loupio e brezhoneg ! Le centre Minihi Levenez devient également au fil du temps une bibliothèque riche en ouvrage sur la langue, la foi, l’histoire… de Bretagne.
Job est aussi à l’origine des ensembles vocaux Allah’s Kanañ et Hekleo qui, si ce ne sont pas des formations clairement « estampillées catholiques », participent cependant au témoignage chrétien par le breton, tout comme le travail effectué avec René Abjean et l’Ensemble choral du Bout du Monde. L’Institut culturel de Bretagne ne s’était pas trompé en lui décernant donc en 2007 le Collier de l’Ordre de l’Hermine, récompensant son travail d’une vie pour Dieu et la Bretagne.
Alors qu’il y a un peu plus de 50 ans, on chantait encore en breton dans les églises, on enseignait le catéchisme en breton, et tout comme on élevait les enfants dans la foi, on permettait à la langue de vivre, certains ont mal appliqué le concile en considérant que tout devait être en français désormais, reléguant le breton aux antiquités du passé. Le breton avait disparu des écoles… il disparut aussi des églises. Job an Irien a nagé à contre-courant, comme l’ont fait l’abbé Marcel Blanchard à Quistinic et quelques autres prêtres, en considérant que le breton devait et doit être ce tremplin pour évangéliser. Aujourd’hui, même s’ils ne sont pas légion, il a pu voir de jeunes prêtres et diacres prendre le même chemin, entourés par des bretonnants qui participent à cette œuvre”
Breizhoweb avait réalisé il y a quelques années une vidéo sur ce prêtre (en breton) :