Lu dans la dernière lettre de Paix liturgique:
Jérôme Fourquet, avec son talent habituel de disséqueur de la société française, vient récemment de proposer une étude fouillée et chiffrée des bouleversements considérables qui ont traversé la France depuis un demi-siècle. Pour mieux comprendre ce pays qui perd pied, cet hexagone aux allures de table renversée, le directeur du département Opinion à l’IFOP distingue quatre ébranlements majeurs : L’américanisation, l’immigration, la désindustrialisation et …la déchristianisation (Métamorphoses françaises, Seuil, 29,90€).
« La France, qui fut, jadis, la “fille aînée de l’Eglise” est majoritairement devenue un pays déchristianisé ou redevenue “achrétienne” » écrit-il. Dans le Figaro Histoire, Vincent Trémolet de Villers commente : « Le monde occidental, qui a éteint les étoiles du Ciel, banni les idéologies, remplacé la métaphysique par le développement personnel, s’interdit toute destinée collective ». Les étoiles du ciel, celles-là même qui donnent à croire à un au-delà de la mort et qui offrent un sens à la vie, sont-elles éteintes à jamais ? Déchristianisée, la France fait en effet l’expérience douloureuse d’une perte de sens inédite dans son étendue. Sans phare, la navigation dans la nuit n’est pas seulement dangereuse, elle devient suicidaire.
Tout le drame réside précisément là. Selon l’auteur de L’archipel français, le monde de Don Camillo s’est écroulé pour laisser place à une culture « hydroponique », l’hydroponie consistant à cultiver des plantes sur un substrat neutre et inerte. L’expression, tout à fait intéressante, dit bien l’ampleur du mal-être missionnaire qui pèse sur les épaules du clergé actuel. « Neutre et inerte » ou « sel de la terre et lumière du monde » ? « Pour le culte de l’homme et l’avenir de la planète » ou bien « pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes » ? Ces deux voies, résumées à grands traits, ne sont pas aussi caricaturales qu’elles n’y paraissent. Depuis la grave crise doctrinale et cléricale qui a suivi le concile Vatican II, l’univers ecclésiastique se trouve bouleversé dans son identité même. Sans provocation mal-placée, on serait presque tenté de constater que l’identité sacerdotale fait face à un dilemme de genre.
Tétanisés par la crise des abus, marginalisés au sein de la société, dilués dans la synodalité, lâchés bien souvent par leurs évêques dès la première difficulté essuyée (principe de précaution oblige) : les prêtres, ad intra, s’interrogent ou subissent. Le doute comme la fatalité deviennent leur compagnon du quotidien. Ad extra, l’image d’Epinal du prêtre, elle, se trouve fâcheusement écornée. Le sacerdoce ne fait plus rêver. La littérature ou le cinéma avaient pu offrir, en s’appuyant sur la réalité exemplaire d’une partie notable du clergé, des Mgr Myriel dans Les Misérables, des curés Chélan dans Le Rouge et le Noir ou des jésuites infatigables dans le film Mission. Aujourd’hui, quand la figure du prêtre n’est pas ridiculement efféminée comme dans le film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, elle est officiellement déboulonnée à l’instar d’un abbé Pierre, dont les scandales de vie s’avèrent avoir été gérés par le corps épiscopal d’une façon pathétique du vivant du fondateur d’Emmaüs.
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Hier comme aujourd’hui, le peuple des fidèles est en droit d’attendre de ses prêtres autre chose que de sempiternels questionnements sur l’Eglise ou sur le monde. Le prêtre est d’abord là pour indiquer la lumière, mettre le feu sur la terre tel l’allumeur de réverbères du Petit Prince dont Saint-Exupéry souligne : « Cet allumeur de réverbères, se dit le petit prince, tandis qu’il poursuivait plus loin son voyage, celui-là serait méprisé par tous les autres, par le roi, par le vaniteux, par le buveur, par le businessman. Cependant c’est le seul qui ne me paraisse pas ridicule. C’est, peut-être, parce qu’il s’occupe d’autre chose que de soi-même. »
La voilà assurément, la vie du prêtre : s’occuper d’autre chose que de lui-même. L’état sacerdotal se résume ainsi : se préoccuper de la plus grande gloire de Dieu et du salut des âmes. (…).
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La solitude actuelle du clergé n’est pas d’abord physique. Elle est intellectuelle, spirituelle et morale. Elle s’explique avant tout par l’incompréhension non avouée par la plupart des prêtres de la mission qu’ils ont à remplir. Comment affirmer la sainte doctrine si toutes les religions se valent ? Comment vivre la charité si la bienfaisance est admise sous réserve que le Christ ne soit pas proclamé ? Comment parler avec conviction de la vie éternelle si l’on va tous au paradis ? Comment articuler son autorité curiale si elle est disputée par une synodalité confuse ? Comment, enfin et surtout, rester soi-même quand le discours dominant en interne contraint à rentrer dans le rang ?
« Beaucoup de gens sont des originaux et finissent par devenir des photocopies » affirmait Carlo Acutis. Sans aucun doute, le renouveau de l’Eglise en France passera d’une part, par la fidélité sereine quoique courageuse de chaque prêtre à son charisme propre, et ce en dépit des oukases, des intimidations voire des abus de pouvoir épiscopaux. Et d’autre part, par une conscience retrouvée de son irremplaçable mission : donner Dieu aux âmes et des âmes à Dieu, loin, très loin des hors-sujets pastoraux auxquels les fidèles n’ont que trop souvent droit.
“Nous avons arraché les consciences humaines à la croyance. Lorsqu’un misérable, fatigué du poids du jour, ployait les genoux, nous l’avons relevé, nous lui avons dit que derrière les nuages il n’y avait que des chimères. Ensemble, et d’un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu’on ne rallumera plus ! Voilà notre oeuvre, notre oeuvre révolutionnaire.» ( André Viviani, président du Conseil socialiste, c’était il y a un siècle déjà, nous en goûtons les fruits amers).
Il y a une responsable écrasante des évêques dans ce délitement !
Des évêques souvent incompétents et avec une doctrine à la limite de l’hérésie , qui usent de l’épiscopat comme carrière et pouvoir n’ont aucunes estimes de leurs prêtres et seront les premiers à les condamner ou les laisser tomber dans le cas de problèmes avec des fidèles ou demandeurs de sacrements…
Triste réalité d’un épiscopat déconnecté de la réalité qu’est l’Eglise et en recherche de respectabilité (mondanité, pouvoirs, argents….)
” Tétanisés par la crise des abus, marginalisés au sein de la société, dilués dans la synodalité, lâchés bien souvent par leurs évêques dès la première difficulté essuyée (principe de précaution oblige) : les prêtres, ad intra, s’interrogent ou subissent.”
Voici le véritable constat repris par Torquemada.
Croyez-vous que dans ces conditions des jeunes peuvent donner leur vie ?
Rémi Rive
Il y a bien un lien entre le concile Vatican II qui a remplacé la sainte messe catholique par un culte protestant désacralisé et la disparition progressive du sacerdoce catholique.
Vatican II n’a promulgué aucune réforme de la messe et la seule modification adoptée respectait les grands traits de l’ordo dit tridentin. Si on lit Sacrosanctum Concilium, le texte ne prône pas de lectionnaire en trois ans et n’autorise que des changements prudents. Il y eut certainement de la naïveté de la part des Pères concilaires et peut-être une méconnaissance de la situation de l’Eglise, mais une destructuration aussi nette ne peut être liée à des intentions claires et à une volonté déterminée.
Certes la constitution Sacrosanctum Concilium prévoyait pour la forme le maintien du latin afin de rassurer les conservateurs (NOTA: c’était bien une volonté de tous les pères et pas que des conservateurs).
Le terme « refonte » est lui-même polysémique. Après tout, saint Pie X avait bien refondu le bréviaire.