Dans le dernier trombinoscope des évêques, l’acquittement d’un prêtre d’origine africaine du diocèse de Belley-Ars, par l’officialité de Lyon en 2023 est remis en question. Ce prêtre est issu de la Fraternité Marie Reine Immaculée, récemment mise en cause par un rapport du dominicain Paul-Dominique Marcovits, notamment en lien avec sa fondation par une fausse mystiquen, Clémence Ledoux, et sa gestion dans les années 1980 à 2000 par un ex-frère de la communauté saint Jean, Marie-Pierre Faye.
Pour rappel, après avoir reconnu la vraisemblance des faits en 2019 et suspendu ledit prêtre, Mgr Bagnard a publié un communiqué lors de son acquittement par l’officialité de Lyon : ”
Par communiqué du 11 novembre 2019, je vous avais informé d’accusations graves à l’encontre du Père Dieudonné M’Vuatu. La vraisemblance des faits m’avait contraint à prendre des mesures conservatoires importantes en suspendant ses missions.
J’avais pris le soin de préciser que « le retrait de la mission ne constitue pas une sanction, mais une mesure prudentielle » et qu’« on doit considérer qu’il y a présomption d’innocence tant que la justice ne s’est pas prononcée ».
Par jugement du 26 mai 2023, le tribunal collégial de l’officialité de Lyon « a acquitté l’accusé des délits qui lui étaient reprochés ».
De ce fait « les fortes mesures de restriction de ministère prises en 2019…tombent avec l’absence de condamnation ».
Le P. Dieudonné M’Vuatu retrouve donc automatiquement les mêmes droits et devoirs que tout autre prêtre du diocèse de Belley-Ars. Une nouvelle mission lui sera confiée prochainement.”
Comme l’indique le trombinoscope des évêques dans le portrait de l’actuel évêque de l’Ain, “suite à l’acquittement d’un prêtre abuseur (ordonné naguère par Guy Bagnard) par l’officialité de Lyon le 26 mai 2023, Roland a dû se fendre d’un communiqué officiel8 le 8 juin suivant pour réhabiliter ce prêtre, alors qu’il avait reconnu la vraisemblance des faits dans un communiqué datant du 11 novembre 2019. Golias a déjà écrit sur cette affaire lamentable où un tribunal canonique ne trouve rien à redire à la situation d’un prêtre qui oblige une femme à avorter quatre fois“.
Golias avait publié le témoignage de la victime sur son site début janvier. Ce témoignage mérite d’être connu et cité dans son intégralité : “lors du passage de la porte du Jubilé de l’an 2000, je me suis rendue en pèlerinage dans un sanctuaire. Là-bas, j’ai fait la connaissance des membres de la Fraternité Marie, Reine immaculée dont je me suis sentie proche, ayant le désir d’une vie consacrée et une attirance pour la dévotion mariale. Je suis revenue au sanctuaire pour la messe en semaine, durant laquelle j’ai apprécié la prédication du célébrant. Plus tard, je lui ai demandé si je pouvais me confesser, ce qu’il a accepté. Il m’a menée dans un petit salon de la Fraternité, très chaleureux. Un canapé a servi de confessionnal, et, après l’absolution, sans explication, il m’a prise sur ses genoux. J’ai été surprise et gênée, mais cela semblait être tout naturel pour lui.
Ce prêtre m’a invitée à des retraites qu’il prêchait, il est devenu mon père spirituel, j’étais sous son autorité et je devais soumettre tous les domaines de ma vie à son discernement. J’ai fait mon pacte d’alliance et il a intronisé Marie, Reine immaculée dans mon appartement. Je n’ai jamais fait partie de cette fraternité car il m’a dit, dès le début, que le Seigneur m’appelait au mariage, c’était ma vocation : être épouse et mère. Très vite, il m’a offert des vêtements, des sacs, des chaussures… Il me donnait de l’argent liquide et me conseillait sur ma féminité, mon intimité. Les gestes sur mon corps ont été de plus en plus fréquents et intrusifs.
En parallèle, il me demandait d’animer ses liturgies et ses retraites, dans toutes les paroisses où il a été nommé. Il me confiait sa correspondance personnelle : à partir de brouillons manuscrits, je devais rédiger ses enseignements, ses courriers, ses courriels… Il utilisait très souvent la parole de Dieu comme référence. Un jour, pour changer mon deuxième prénom de baptême, il me dit : « On te nommera d’un nom nouveau que le Seigneur dictera. » En réalité, il a changé peu à peu mon identité, il m’a éloigné progressivement de mes racines culturelles et familiales. Il a pris le contrôle de ma vie, ce que je qualifierai maintenant d’emprise.
Au niveau de mon intimité, j’ai perdu ma virginité. J’ai dû subir quatre I.V.G. entre 2004 et 2015. A chaque fois, il m’emmenait, en civil, dans des hôpitaux limitrophes de son diocèse, pour ne pas être reconnu. Puis, je devais me confesser à un confrère. Il disait qu’il préférait la miséricorde de Dieu au jugement des hommes. Années après années, j’ai perdu la santé physique, psychique et spirituelle, à tel point que j’ai dû arrêter mon travail, suite à une tentative de suicide en mars 2019. En octobre 2019, j’ai été hospitalisée et j’ai enfin pu parler aux soignants des abus subis. J’ai retrouvé les membres de ma famille proche, dont j’avais été coupé totalement d’octobre 2014 à octobre 2019. Mgr Pascal Roland a été averti des abus que j’avais subis et de l’immense gravité des actes perpétrés par un prêtre de son diocèse. Mgr Pascal Roland a alors pris les dispositions nécessaires, qu’il a indiquées dans son communiqué du 11 novembre 2019″.
Un parcours du combattant devant la justice ecclésiastique, un acquittement discret et un évêque bien silencieux
La victime revient ensuite sur son parcours du combattant auprès des instances ecclésiastiques : “à partir d’octobre 2021, j’ai été mise en contact avec un juge ecclésiastique de l’officialité de Lyon : après des échanges de courriels, il m’a reçu le 24 février 2022 pour une audience qui a duré plus de cinq heures en présence d’un promoteur de justice, dans le cadre du procès canonique. Pour compléter cette audience, de mars 2022 à mai 2023, j’ai envoyé des documents factuels au juge ecclésiastique de l’officialité de Lyon. J’ai répondu à toutes ses demandes de précisions sur certains points délicats. Je lui ai envoyé tous les éléments factuels qu’il me demandait pour justifier mes propos.
Le 25 mai 2023, je lui ai annoncé, dans un courriel, que j’allais être auditionnée le 15 juin 2023 par le Père Paul-Dominique Marcovits dans le cadre de l’enquête sur la Fraternité Marie, Reine immaculée, lancée le 7 mars 2023, par l’actuel archevêque de Lyon.
Le 5 juin 2023, j’ai reçu une lettre de l’officialité de Lyon, m’annonçant l’acquittement de l’accusé, prononcé le 26 mai 2023 par le tribunal canonique. Le procès s’est passé en l’absence de la victime, qui n’avait pas droit à un avocat. Tout s’est déroulé entre trois juges ecclésiastiques, un promoteur de justice, l’accusé et son avocat. Je n’ai pas été prévenue par l’ordinaire du lieu, Mgr Roland, comme me l’avait expliqué le juge ecclésiastique dans un courriel précédent. L’acquittement de l’accusé a été annoncé à la fin de la messe dominicale du 11 juin 2023, dans les paroisses où il a été curé. J’ai ensuite poursuivi mes échanges par courriel avec l’officialité de Lyon, pour leur indiquer que je ne comprenais pas cet acquittement. Je leur ai demandé comment faire appel d’une telle décision. En vain….
Le 15 juin 2023, je me suis rendue à la maison diocésaine Saint-Irénée où j’ai été très bien reçue et vraiment écoutée, par le Père Marcovits et un laïc, membre de l’écoute diocésaine de Lyon. L’enquête est en cours… Le 29 juin 2023, j’ai demandé à Mgr Roland d’être reçue à l’évêché pour essayer de comprendre le jugement rendu par l’officialité de Lyon et pour chercher une solution pour faire appel. Cela n’a pas pu être possible“.
Le TPCN s’en lave les mains
La victime a bien essayé de s’adresser au tribunal pénal canonique national. Mais cette institution financée par les évêques n’a pas voulu déjuger l’officialité de Lyon : “Le 3 juillet 2023, j’ai décidé de faire appel au tribunal canonique pénal national en envoyant un courriel adressé conjointement au promoteur de justice du tribunal et à Mgr Pascal Roland, évêque de Belley-Ars. Voici un extrait de la réponse du Père Bruno Goncalves (2.10.2023), du tribunal canonique pénal national : « Notre tribunal ne peut juger ce qui l’a déjà été par un tribunal compétent au moment des faits. Si l’instance a été initiée avant le 5 décembre 2023, je ne peux pas intervenir dans cette affaire. »
Ainsi, une fois de plus,
les victimes restent mises de côté, les institutions de l’Eglise prônent “
l’écoute” mais n’écoutent en réalité que ce qu’elles ont bien envie d’écouter, les diocésains de Belle-Ars sont dans l’incompréhension, et beaucoup de questions restent, une fois de plus, en suspens…