Le diocèse de Lyon a publié le rapport sur la FMRI (Fraternité Marie Reine Immaculée) fondée par l’ex-religieuse Clémence Ledoux et gérée de 1982 à 2009 par l’ex prêtre de la communauté Saint-Jean Marie-Pierre Faye, un des premiers formés par le père Marie-Dominique Philippe, qui a conduit à la FMRI ses positions théologiques déviantes, notamment sur l’amour d’amitié. Après la publication de plusieurs plaintes et signalements pour abus, une enquête canonique avait été lancée en 2023.
Le rapport conclut notamment que Clémence Ledoux est une fausse mystique et envisage la dissolution d’une communauté qui a perdu deux tiers de ses membres et la quasi-totalité de ses implantations – aux grandes heures elle était présente à Bois le Roi (diocèse de Meaux), Néronde (diocèse de Lyon),Paray le Monial (diocèse d’Autun), Sainte Anne d’Auray (diocèse de Vannes), Sainte Suzanne (diocèse de Saint Denis de la Réunion), Barna (diocèse de Galway en Irlande) et Paraná (diocèse de Paraná en Argentine).
Par ailleurs, il s’attarde sur les positions et comportements favorisés par Pierre-Marie Faye entre 1982 et 2009 avant qu’il soit suspens : “élu modérateur général en 1989, cet ancien proche du fondateur de la communauté Saint-Jean, Marie-Dominique Philippe (1912-2006) – a notamment introduit la doctrine, jugée problématique par le rapport, de la « communion de cœur » au sein de cette communauté mixte. Cette dernière encourageait des relations affectives et sexuelles entre frères et sœurs pourtant engagés dans le célibat consacré, au nom d’une prétendue expérience mystique comparable à l’amour entre Jésus et Marie. « On nous disait que c’était un don spécial de Dieu, que les autres ne pouvaient pas comprendre », témoigne dans l’enquête une ancienne sœur“.
Comme le déplore une victime dans la Croix, la question des abus au sein de la congrégation est “minimisée dans le rapport, et ne permet pas de reconnaître la gravité des traumatismes subis par des victimes », ne décolère pas une autre ancienne membre. Selon nos informations, plusieurs dossiers ont été déposés à la Commission reconnaissance et réparation (CRR) – une information confirmée par l’instance indépendante. Contacté, le diocèse de Lyon fait à ce sujet valoir que « très peu » des témoignages reçus par l’enquêteur dénonçaient des « violences sexuelles », la grande majorité portant sur « l’influence d’une fausse mystique » – Clémence Ledoux – et des « problèmes de gouvernance ». Paul-Dominique Marcovits a toutefois bien constaté « un climat affectif inapproprié associé à des déviances théologiques », rapporte le diocèse“.
Le rapport ne répond pas non plus à des interrogations issues de faits plus anciens, notamment un double suicide en septembre 1990 à Bois le Roi, dont la presse locale parisienne se fait encore écho dans les années 2000.
“On a piétiné, bafoué, perverti ce qui nous est le plus précieux : notre relation à Dieu”
En 2023, trois anciens membres avaient témoigné des abus spirituels, sexuels, de l’emprise et de leur expérience dans la FMRI dans les colonnes de la Vie : “il est difficile, voire impossible de mettre des mots sur nos maux tant l’emprise spirituelle et l’abus de pouvoir dont nous avons été victimes sont des zones grises qui nécessitent beaucoup de temps de relecture, de travail psychothérapeutique, de reconstruction pour retrouver le plein exercice de notre liberté et de notre discernement. Encore aujourd’hui, certains d’entre nous ne peuvent pas parler. On a piétiné, bafoué, perverti ce qui nous est le plus précieux : notre relation à Dieu. Jeunes, idéalistes et pleins de foi, nous avions consacré notre vie à Dieu avec tout notre cœur et notre intelligence au sein de la Fraternité de Marie Reine Immaculée. Et nous l’avons quittée le cœur brisé après 26 ans, 18 ans et 13 ans. Beaucoup de proches n’ont pas compris cette explosion car, de l’extérieur, tout était lisse et les choses belles et lumineuses réellement vécues cachaient bien des ombres“.
Ils mettent en cause avec clarté Marie-Pierre Faye et l’influence de Marie-Dominique Philippe à travers lui : “la formation communautaire reposait exclusivement sur l’enseignement du père Marie-Pierre Faye, orateur brillant et séducteur, qui a entraîné les membres de la Fraternité dans un détournement de vie consacrée où l’expression de l’affectivité et les amitiés particulières étaient encouragées et même montrées en exemple, à l’image de la relation d’amour fantasmée entre la Vierge Marie et Jésus, secret que l’Église ne pouvait pas comprendre, nous disait-on…
Ils ont annihilé toute liberté de pensée, tout sens critique. Ils se sont immiscés au plus profond des esprits, même les plus formés, y compris celui du modérateur général qui a succédé au père Marie-Pierre Faye. Il n’y avait pas de distinction entre le for interne et le for externe, très souvent le confesseur était le supérieur, et plusieurs fois, des manquements au secret de la confession ont été douloureusement constatés. La moindre critique était vue comme une blessure à l’unité. Et si nous osions prendre la parole pour mettre en cause cette autorité tyrannique, nous étions désignés comme instruments du démon“.
Tous ces éléments troublants figurent par ailleurs dans l’enquête de 69 pages.
Communiqué de Mgr de Germay :
En tant qu’archevêque de Lyon, je suis l’évêque référent de la Fraternité de Marie Reine Immaculée (FMRI), association publique de fidèles de droit diocésain, composée actuellement d’une vingtaine de membres et basée à Bois-le-Roi, dans le diocèse de Meaux (Seine-et-Marne).
À partir de l’été 2021, quelques mois après mon arrivée à Lyon, j’ai reçu des témoignages d’anciens membres faisant état d’abus de pouvoir, d’abus spirituels et de certaines violences sexuelles, en particulier entre les années 1980 et les années 2010.
Après avoir visité la communauté à Bois-le-Roi au cours de l’été 2022, et avoir recueilli différents avis, j’ai chargé le Père Paul-Dominique Marcovits, op, de mener une enquête. Il s’agissait surtout d’évaluer l’authenticité de la spiritualité – contestée par certains – de la fondatrice, Clémence Ledoux, et de faire la lumière sur ce qui s’est passé depuis sa mort, en 1966, jusqu’à la mise en place d’une nouvelle gouvernance en 2014.
Le Père Paul-Dominique Marcovits m’a rendu ses conclusions le 24 octobre 2024. Ainsi que je m’y étais engagé, je publie ce jour, dans le respect de la loi, les conclusions de l’enquête réalisée de mars 2023 à octobre 2024, à travers le document ci-joint, intitulé : Résumé et conclusions de l’enquête sur Clémence Ledoux et la Fraternité de Marie Reine Immaculée.
L’enquête établit que les révélations mystiques de Clémence Ledoux ne sont pas authentiques. Cela est démontré par une analyse approfondie de ses écrits et de sa vie, mais aussi par la prise en compte des précédents rapports réalisés ces dernières décennies. Il faut préciser en particulier que le faux mysticisme de Clémence Ledoux avait déjà été dénoncé dès 1935 par l’archevêque de Lille, le cardinal Liénart, dans un rapport adressé à la Sacrée Congrégation des Religieux à Rome.
L’enquête, notamment au travers de la centaine de témoignages recueillis ces dix-huit derniers mois, confirme également l’existence de nombreuses dérives dans la doctrine et la gouvernance de la Fraternité pendant la période étudiée. Il apparait que certaines dérives présentes jusque dans les années 2010 sont liées à la mise en place de la « communion de cœur », doctrine dérivée de « l’amour d’amitié » théorisé par le père Marie-Dominique Philippe et qui a imprégné toute la communauté.
Ce jour, 10 décembre 2024, le résumé et les conclusions de l’enquête ont été adressés aux anciens membres avec lesquels l’enquêteur a été en contact. Parmi eux, certains portent encore la blessure de ce qu’ils ont vécu, et c’est avant tout à leur demande que cette enquête a été menée. Ils continueront, si nécessaire, à être accompagnés par la cellule d’écoute et de signalement du diocèse de Lyon.
Ce même jour, je me suis rendu moi-même, accompagné de l’enquêteur, à Bois-le-Roi, pour présenter à la Fraternité actuelle les conclusions de l’enquête et les décisions prises pour la suite.
Dans le but d’accompagner cette communauté, j’ai décidé de nommer, ce 10 décembre 2024, un assistant. Il s’agit de Mgr Jean Legrez, archevêque émérite d’Albi. Sa mission consistera d’une part à aider le modérateur et son conseil, en particulier parce qu’une redéfinition du charisme de la communauté semble nécessaire, et d’autre part à vérifier si les déviances identifiées dans la période étudiée par l’enquête sont totalement résorbées. Il veillera par ailleurs à ce qu’il ne soit plus fait référence à Clémence Ledoux.
S’il s’avérait que la Fraternité de Marie Reine Immaculée ne réunissait pas toutes les conditions garantissant sa pérennité, Mgr Legrez serait alors chargé de l’accompagner vers la dissolution, avec un point d’attention spécial pour la réinsertion des membres actuels.
Malgré les difficultés rencontrées par la Fraternité de Marie Reine Immaculée et dont témoigne cette enquête, il est important de souligner que beaucoup de bien a été fait et que de nombreuses grâces ont été reçues dans et à travers cette communauté. De nombreux Messagers en témoignent.
À Lyon, le 10 décembre 2024
+ Olivier de Germay
Archevêque de Lyon