Chers lecteurs,
En ce 1er décembre et premier dimanche de l’Avent, nous vous souhaitons une très belle année liturgique, que rythmés par le temps liturgique vous puissiez chaque jour approcher un peu plus le royaume de paix et de joie !
Le missel romain actuel commence aujourd’hui son cycle liturgique, à la différence des anciens Sacramentaires où l’année s’ouvrait par la solennité de Noël. La raison en est que l’incarnation du Verbe de Dieu est le vrai point central, la colonne milliaire qui divise la longue série des siècles parcourus par l’humanité ; celle-ci, dans les desseins de la divine Providence, ou bien prépare cette plénitude des temps qui prélude à l’heureuse « année de rédemption » ou bien, de l’étable de Bethlehem dirige ses pas vers la vallée de Josaphat, où l’enfant de la Crèche attend pour la juger toute la descendance d’Adam, rachetée avec son Sang précieux. L’ordre du missel actuel est plus logique et correspond mieux à cette noble conception de l’histoire, qui fait de l’Incarnation le véritable point central du drame de l’univers ; mais les anciens en faisant commencer leurs Sacramentaires à la fête de Noël, suivaient la tradition de la liturgie primitive, qui, jusqu’au IVe siècle, ne connaissait pas encore une période de quatre ou six dimanches de préparation à cette solennité grande entre toutes.
Ce fut vers le milieu du Ve siècle quand, par le contre-coup des hérésies christologiques de Nestorius, la commémoration de la naissance du Sauveur acquit une grande célébrité, que, à Ravenne, dans les Gaules et en Espagne, commença à apparaître dans la liturgie un cycle spécial de préparation à Noël. La polémique contre Nestorius et Eutychès et les grands conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, où fut solennellement proclamé le dogme des deux natures, divine et humaine, en l’unique personne du Seigneur Jésus et où, par suite, furent exaltées les gloires et les prérogatives de la Theotocos, donnèrent une impulsion vigoureuse à la piété catholique envers le mystère de l’Incarnation, qui trouva en saint Léon le Grand et en saint Pierre Chrysologue les prédicateurs les plus enthousiastes de ce mystère de Rédemption.
Le Sacramentaire Léonen étant mutilé en son début, ne peut rien nous apprendre sur les origines de l’Avent liturgique à Rome ; mais il est probable que le rite de la métropole pontificale, sur ce point également, fut identique en substance à celui de Naples et du diocèse suffragant de Ravenne, où Chrysologue — si même on ne doit pas lui attribuer la paternité des collectes d’Avent du fameux rotulus de Ravenne — prononça de splendides homélies en préparation à la fête de Noël, en quatre occasions différentes.
Depuis bien des siècles l’Église romaine consacre quatre semaines à la célébration de l’Avent, Il est vrai que les Sacramentaires gélasien et grégorien, d’accord avec plusieurs antiques lectionnaires, en énumèrent cinq, mais les listes de lectures de Capoue et de Naples, et l’usage des Nestoriens, qui connaissent seulement quatre semaines d’Avent, déposent sur ce point encore en faveur de l’antiquité de la pure tradition romaine.
Pendant le Carême, ce qui prédomine c’est le concept de pénitence et de deuil pour le déicide qui se consomme à Jérusalem ; durant l’Avent, au contraire, l’esprit de la sainte liturgie, à l’annonce joyeuse de la libération prochaine — Evangelizo vobis gaudium magnum quod erit omni populo — est celui d’une pieuse allégresse, d’une tendre reconnaissance et d’un désir intense de la venue du Verbe de Dieu dans les cœurs de tous les fils d’Adam. Notre cœur, comme celui d’Abraham qui exultavit, dit Jésus-Christ, ut videret diem meum, vidit et gavisus est, doit être pénétré de saint enthousiasme pour le triomphe définitif de l’humanité, qui, par l’union hypostatique du Christ, est élevée jusqu’au trône de la Divinité.
Extrait de Liber Sacramentorum, du Bienheureux cardinal Schuster (via Introibo.fr)