Ceux qui aiment Dieu doivent se réjouir de voir approcher la fin du monde, parce qu’ils trouveront bientôt ce monde qu’ils aiment, lorsque aura passé celui auquel ils ne sont pas attachés. Plaise au ciel qu’aucun fidèle désirant voir Dieu ne se plaigne des épreuves de ce monde, puisqu’il n’ignore pas que c’est ainsi que ce monde doit finir. Il est écrit en effet : ”Celui qui veut être ami du monde, celui-là se rend ennemi de Dieu”. Celui qui ne se réjouit donc pas de voir approcher la fin de ce monde, celui-là montre qu’il est son ami, et par là il est convaincu d’être l’ennemi de Dieu.
Mais qu’il n’en soit pas ainsi du cœur des fidèles, de ceux qui croient qu’il existe une autre vie et qui, par leurs actes, prouvent qu’ils l’aiment… Qu’est-ce en effet que cette vie mortelle sinon un chemin ? Voyez, mes frères, quelle folie c’est de s’épuiser sur cette route, tout en ne voulant pas atteindre la fin ! Mais l’Évangile nous crie : ”Le Royaume de Dieu est proche”. Et quand même l’Évangile ne nous le dirait pas, c’est ce monde lui-même qui nous le crie. Ses ruines sont sa voix : atteint par tant de ravages, il est déchu de sa gloire, et il semble nous montrer qu’un autre Royaume doit bientôt le suivre. À ceux qui l’aiment, il est amer ; ses ruines proclament qu’il n’a pas à être aimé pour lui-même… Si donc le monde s’écroule et si nous le tenons embrassé parce que nous l’aimons, c’est donc que nous acceptons d’être écrasés avec lui… Frères, voici donc le feu des tribulations qui vient l’embraser ; soustrayez-lui tout ce que vous pouvez !
Saint Grégoire le Grand
Extrait des Homélie sur les évangiles