Dans la dernière lettre des Moniales du Barroux, La Font de Pertus (n°128, 30 octobre 2024), Mère Placide, abbesse, évoque ces petites choses que nous devons faire pour faire la volonté de Dieu :
Chers amis,
Qui n’est jamais atteint par la lassitude ? L’usure du quotidien nous menace tous. Mais aussi, pourquoi faut-il que nos journées soient faites de si menues actions, répétitives de surcroît, qui dévorent la majeure partie de notre temps? Nous aspirons à des activités qui seraient enfin intéressantes … Et si nous essayions plutôt de nous réconcilier avec les petites choses ?
Considérons d’abord la vie de Jésus-Christ. Le Fils de Dieu, pour nous sauver, a daigné embrasser notre condition humaine. Quelles ont été ses occupations ? Trente ans de vie cachée, trois ans de vie publique : étonnante proportion, qui déjà renseigne. Et que pense Notre-Seigneur de ces riens qui remplissent nos journées ? Entrons chez Simon le pharisien, qui vient de servir au Christ un bon repas, selon les règles de l’hospitalité. Survient une célèbre pécheresse, dont le pharisien s’étonne que Jésus se laisse toucher par elle. Alors, le Seigneur, pour éclairer son hôte : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, au contraire, a baigné mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; elle, au contraire, n’a cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas versé d’huile sur ma tête ; elle, au contraire… C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés lui sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour » (Luc 7, 44-47) « Elle a montré beaucoup d’amour ». Comment ? Par de délicates attentions, auxquelles le Verbe incarné a été sensible.
Nous aspirons à des activités qui seraient enfin intéressantes, disions-nous. Le problème, c’est que le devoir nous présente des actions ordinaires, toutes simples ! Et ce sont elles que Dieu veut pour nous maintenant. Écoutons saint François de Sales : « Les grandes œuvres ne sont pas toujours en notre chemin, mais nous pouvons à toutes heures en faire des petites excellemment, c’est-à-dire avec un grand amour » Pratiquer l’égalité d’âme dans les contrariétés, se pencher dix et cent fois par jour sur les besoins de ses enfants, écrire une vraie lettre à une personne âgée qui n’en reçoit guère, passer chaque jour un moment de conversation avec son Créateur… Si ces « petites » choses sont inspirées par la charité, elles fleuriront pour l’éternité.
Il faut rendre aux tâches domestiques leurs quartiers de noblesse. La maison n’est rien pour la femme si elle n’est « point faite de son temps ni de sa ferveur », notait Saint-Exupéry. « Car la vie est humble et merveilleuse ». Elle est merveilleuse pourvu que l’on ne fasse pas du travail » une corvée à quoi l’on refuse le don de soi-même »· Vous vous rappelez le discours du petit prince aux cinq mille roses : « Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai mise sous globe. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même parfois se taire. Puisque c’est ma rose. » La conclusion, si juste, est donnée par le renard : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante »
Les petites choses sont formidables. Il faudrait juste ne pas les laisser perdre. Pascal l’a dit magistralement : « Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent […]. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »
Chers amis, nous vous souhaitons de ne manquer le rendez-vous d’aucune « petite chose », Car, réussir sa vie, ce n’est pas faire ceci ou cela, c’est faire avec beaucoup d’amour la volonté de Dieu. Noël approche : ouvrons nos yeux d’enfant, découvrons ces minuscules cadeaux, ces attentions exquises que nous pouvons offrir chaque jour à notre cher prochain. Ah ! le bel Avent !
Sœur Placide osb, abbesse
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