La presse locale s’est fait l’écho des remous autour de la décision du festival de musique sacrée Cantica Sacra de quitter le sanctuaire de Rocamadour et la propriété de l’orgue – on peut lire à ce sujet la longue enquête de France 3 Occitanie. Nous publions les communiqués du diocèse et de Cantica Sacra à ce sujet.
Le 3 octobre dernier le diocèse de Cahors a communiqué :
Le sanctuaire de Rocamadour et le diocèse de Cahors ont appris par un communiqué de presse du 1er octobre 2024, qui ne leur avait d’ailleurs pas été adressé, la décision unilatérale de l’Association Cantica Sacra de renoncer à avoir recours à la basilique Saint-Sauveur de Rocamadour et autres lieux du Sanctuaire pour le festival de 2025.
Cette décision du CA de Cantica Sacra surprend d’autant plus que son président avait demandé de façon pressante à être reçu par un conseil du sanctuaire à la fin de la semaine dernière. Il avait été accédé à sa demande le vendredi 27 septembre. À l’issue de cet échange, rien n’annonçait un tel revirement, puisque la programmation 2025 était sur le point d’être transmise au recteur, avant la fin du mois de septembre, afin de recueillir son agrément conformément à l’article 5 de la convention qui lie Cantica Sacra au Sanctuaire jusqu’au 31 décembre 2024.
Cette décision est donc reçue avec stupéfaction et elle s’impose au Diocèse et au Sanctuaire.
Le communiqué dit que le CA a délibéré unanimement en ce sens : le Diocèse et le Sanctuaire sont totalement étrangers aux pressions et aux intimidations qui ont abouti à cette décision unilatérale, au contraire, puisque des assurances de négociation avaient été données au président le 27 septembre. Aujourd’hui Diocèse et Sanctuaire ne peuvent que prendre acte de ce qui a été annoncé.”
Le service diocésain de la communication du diocèse de Cahors
L’association Cantica Sacra a répliqué le 21 octobre par une longue mise au point; la voici in extenso :
Rocamadour, le 21 octobre 2024
Vous avez été informés récemment de la décision de l’Association Cantica Sacra de ne plus entretenir la moindre relation avec le Sanctuaire de Rocamadour.
Cette décision grave, et prise en leur âme et conscience par chacun des membres du Conseil d’Administration, a entraîné des interrogations légitimes, en particulier autour de l’orgue, et des mises en cause nominatives inacceptables, à l’encontre de son directeur général et artistique, organiste-conservateur salarié de l’Association. Dans ce contexte, et au-delà du soutien qu’elle entend réaffirmer à son égard, l’Association entend apporter les précisions suivantes en forme de mise au point.
1. L’Association Cantica Sacra Rocamadour, qui œuvre depuis 19 ans à la promotion de l’art sacré sous toutes ses formes, notamment à Rocamadour, porte depuis dix ans le projet 2015-2025 « Rocamadour – Musique sacrée », structuré autour du Festival historique de Rocamadour, de l’Ensemble la Sportelle et du Label Rocamadour.
De par son objet constitutif, l’association Cantica Sacra a donc entretenu, depuis l’origine, des relations partenariales étroites avec le Sanctuaire de Rocamadour, dont la Basilique est le lieu d’accueil naturel de concerts de musique sacrée.
2. Mais sans que l’Association n’en fasse alors grand bruit, il faut dire aujourd’hui les choses. Les relations avec le Sanctuaire sont, depuis six ans, devenues de plus en plus compliquées, celui-ci ayant imposé une réduction de plus en plus forte de l’activité de l’Association en son sein, voire une disparition pure et simple :
2.1. L’Association a pu développer par le passé, à la demande d’un précédent recteur du Sanctuaire, une activité contractualisée en lien avec les divers offices du Sanctuaire, en dispensant en particulier des formations de chœur dédiés, y compris à destination de la jeunesse, ou encore par le jeu de son directeur affecté à l’orgue dans une vocation liturgique, activité là encore identifiée avec précaution en propre par une convention spécifique.
Or, les diverses activités de chœur au service de la liturgie ont été brutalement interrompues, dès 2016, par l’actuel Évêque de Cahors, et la convention spécifique relative à l’usage liturgique de l’orgue a été résiliée en 2020, accompagnée de l’interdiction corolaire explicitement signifiée à l’organiste salarié de l’Association de ne plus jouer de l’instrument pendant les Offices.
Dans un souci de clarification et une volonté de préserver l’activité liturgique hors association, l’organiste a souhaité revendiquer un statut de salarié du Sanctuaire pour l’activité d’organiste liturgique.
Le Diocèse a alors déployé en justice une argumentation pour s’y opposer, jusqu’en Cour d’appel. L’organiste en a pris acte.
Depuis cette date, l’orgue dont depuis l’origine, la maîtrise d’ouvrage, l’entretien, l’assurance et le salaire de l’organiste conservateur, sont intégralement à la charge de l’Association, ne joue donc plus durant les offices, et plus aucune activité de l’association ne sont déployées à cette fin.
L’Association considère aujourd’hui que, la façon dont il a été mis fin au service qui lui avait été demandé de rendre au Sanctuaire, et la façon dont son projet, strictement culturel, s’est développé depuis toutes ces années, et pour lequel elle perçoit des subventions publiques, font obstacle à tout retour en arrière à cet égard, quel qu’ait pu être le souhait initial et les attentes en la matière du recteur de l’époque.
2.2. L’Association déployait en partenariat avec le Sanctuaire son activité propre de Festival.
Or, contrairement à ses prédécesseurs, avec lesquels les relations étaient fluides et constructives, l’affectataire actuel, de qui dépend naturellement l’autorisation, a malheureusement systématiquement désorganisé l’activité par la complication de la mise en place des propositions de programmation qui lui étaient présentées pour l’année à venir (contestant à la fois le choix et le nombre des concerts), puis par des remises en cause, en cours de route, et des escarmouches tout au long de l’année.
Ainsi, l’activité du Festival dans le Sanctuaire a diminué de plus de 80 % entre 2014 et 2024, passant de 75 concerts en 2014 à … 12 concerts en 2024.
3. Les décisions successives des autorités ecclésiastiques imposées, parfois brutalement, de 2016 à aujourd’hui, et qui viennent d’être rappelées, ont eu un impact humain, organisationnel et financier considérable sur l’Association.
En particulier, les salariés et bénévoles de l’Association, ont ainsi été éprouvés dans des proportions devenues de plus en plus préoccupantes au point que pendant un an, l’Association a été accompagnée par la médecine du travail, prenant conscience de l’existence de risques psychosociaux dans les relations avec le Sanctuaire, que l’Association a tenté de maintenir, malgré tout, avec la gouvernance de celui-ci.
L’évêque de Cahors en a été informé, sans aucun résultat.
4. C’est dans ce contexte purement factuel, et alors que se profilait la perspective d’un renouvellement de convention dans les mêmes conditions de coexistence (l’actuelle convention expirant au 31 décembre 2024), et sans que la gouvernance actuelle du Sanctuaire ne fasse suite aux demandes clairement exprimées depuis mai dernier sur ses intentions et souhaits, que le Conseil d’administration de l’association a donc été contraint de décider de suspendre toute relation existante avec le Sanctuaire et de n’en envisager, pour le moment, aucune autre.
La priorité étant d’assurer la protection et le bien-être de ses salariés et bénévoles, et de préserver ainsi l’objet social de l’Association et sa pérennité.
Le Conseil d’administration a pris cette décision réfléchie avec gravité et sans gaîté de cœur.
Il est en effet conscient que cela implique de cesser, de fait, de proposer des concerts dans la Basilique Saint-Sauveur, lieu emblématique et âme du Festival.
Mais comme il convient de le rappeler, leur nombre était de toute façon de plus en plus réduit, et les conditions de leur programmation et de déroulement psychiquement épuisantes pour les équipes, à l’exception de la dernière saison dont seul le déroulement s’est correctement passé, malheureusement trop tardivement pour rattraper les années précédentes.
Si l’Association espère qu’une nouvelle gouvernance du Sanctuaire, lieu d’accueil naturel et historique du Festival, permette un jour qu’il s’y déroule à nouveau, ce ne sera qu’à la condition qu’elle soit considérée comme un partenaire culturel à part entière, et respectée comme telle.
5. Un dernier point mérite également des précisions.
En effet, la décision du Conseil d’administration a également conduit à faire naître un débat autour du grand orgue de la Basilique.
Autant le dire d’emblée, l’Association Cantica Sacra n’a aucunement la volonté de priver définitivement la Basilique Saint-Sauveur du magnifique orgue qui s’y trouve.
5.1. Et parce que cette question n’est en aucune façon au coeur de la décision prise par l’Association, il est important de rappeler quelques faits :
– Comme évoqué rapidement plus haut, c’est à la demande de Monseigneur Turini, ancien Évêque de Cahors, que l’association Cantica Sacra Rocamadour a été maître d’ouvrage de l’instrument, conçu pour la Basilique Saint-Sauveur, à destination culturelle et cultuelle.
– L’orgue a été financé en grande partie par des donateurs, la majorité des dons ayant été reçue à l’ordre de l’association Cantica Sacra, grâce à la souscription qu’elle a réalisée. Des fonds propres de l’association ont également permis la construction de l’instrument.
– Depuis la réception des travaux en 2013, l’Association supporte, par ailleurs et comme déjà évoqué, le financement intégral des charges relatives à son fonctionnement (entretien, assurance, salaire du responsable de l’orgue).
– En 2020 enfin, des travaux de nettoyage de la voûte de la Basilique, initiés par le Recteur et réalisés sans protection, ont causé des dommages importants sur l’instrument, nécessitant la programmation de lourds travaux.
5.2. Cette situation met en difficulté économique l’Association Cantica Sacra, qui ne peut assumer de telles charges, dès lors que la convention relative à l’orgue a été résiliée en 2020, que la convention pluriannuelle pour le Festival expire le 31 décembre 2024, et que les relations avec l’actuelle gouvernance rendent impossible toute perspective de nouvelle convention sereinement mise en œuvre.
L’association espérait néanmoins engager un nettoyage minimum à frais réduits.
La revendication, par le Diocèse, d’un caractère exclusivement cultuel de l’instrument, et l’annonce de rassemblement effectivement destiné à empêcher toute intervention sur l’instrument, dont la presse a rendu compte, ont toutefois conduit l’Association, par souci d’apaisement, à suspendre sine die toute opération d’entretien de l’instrument dont elle a la maîtrise d’ouvrage.
L’Association, qui règle depuis l’origine l’assurance de l’instrument, fera donc simplement effectuer avant le 31 décembre 2024 une simple visite de sécurité sans aucune autre opération d’entretien.
L’Association devait au public de son Festival, à ses partenaires de tous ordres, et à tous ceux que cette situation affecte légitimement, cette mise au point.
Mais malgré ce contexte difficile, les activités de l’Association se poursuivront néanmoins. Même privée de son lieu d’accueil historique et naturel, la 20ème édition du festival aura bien lieu. Et l’Association y attendra son public, sûrement encore plus nombreux que la saison passée.