Paix Liturgique s’intéresse au bilan de Mgr Wintzer, nommé en 2012 archevêque de Poitiers après avoir été cinq ans (depuis 2007) l’auxiliaire de l’évêque précédent Mgr Rouet, et qui est transféré dans le diocèse de Sens-Auxerre, deux fois plus petit – une probable nomination sanction, d’autant que son prédécesseur Mgr Giraud garde la Mission de France. Il laisse un diocèse composé de deux départements – la Vienne et les Deux-Sèvres – exsangue, mais où le départ de Monseigneur semble faire l’unanimité…
Nommé le 6 août dernier archevêque de Sens – un diocèse deux fois plus petit que Poitiers et sans la mission de France, que l’archevêque sortant, Mgr Giraud, rentré chez lui sur le siège de Viviers, garde sous sa coupe, Mgr Wintzer, en poste à Poitiers depuis 2012 – et même depuis 2007 comme auxiliaire – s’est fendu à l’intention de ses ex-diocésains d’une bien peu commune lettre aigrelette le jour même.
Mgr Wintzer écrit en égrenant les tournures à la première personne du singulier son isolement et son désamour du diocèse : « il vous est bon que je m’en aille […] je suis un fruit qui avait quelque jus, celui-ci est sans doute épuisé […] je porte une souffrance qui a le poids d’un échec personnel, le peu de vocations qui sont nées ». A ses nouveaux fidèles de Sens et d’Auxerre il enfonce le clou mi-août : « à Poitiers depuis plus de 17 ans, imaginez ce que j’ai pu accumuler et dont je dois me libérer. Oui, très heureux déménagement ! ».
Un peu plus loin, il se félicite même de ne plus devoir être enterré à la cathédrale de Poitiers : « désormais je ne serai pas de passage, jusqu’à même être accueilli comme le veut la tradition, au-delà de ma mort dans le tombeau des évêques. De ce fait, je libère la place qui m’attendait à la cathédrale de Poitiers ».
Né à Rouen le 18 décembre 1959, il y a été ordonné en 1987 par Mgr Duval, a été nommé auxiliaire de Poitiers le 2 avril 2007, a été ordonné le 19 mai par Mgr Descubes, alors évêque de Rouen, Mgr Duval devenu émérite de Rouen et Mgr Rouet alors évêque de Poitiers. Après avoir étudié chez les lassaliens à Rouen, au séminaire de Paray et à Saint-Sulpice d’Issy, il a fait une maîtrise de théologie dogmatique, a été vicaire au Mesnil-Esnard, curé du Mont-saint-Aignan et aumônier des lycées publics de Rouen (1989-1996), puis après 1996 abandonne ses charges curiales pour enseigner la théologie au séminaire d’Issy et à l’Institut Catholique de Paris (1996-99).
Il devient ensuite vicaire général de Rouen-nord (1999-2004), délégué diocésain pour les séminaristes (2001-7), est en 2004 vicaire épiscopal de Rouen et d’Elbeuf et curé de la cathédrale, et brièvement vicaire général du diocèse de Rouen en 2006-7 où il tente une énième réorganisation du diocèse, sous prétexte d’un déclin de la pratique, avant que les hauts-normands ne s’en débarrassent bien vite, en le refilant avec sa tête bien pleine, sa taille et toute sa science à Mgr Rouet qui avait besoin d’un auxiliaire pour son vaste diocèse. .
Nous avons traversé le grand diocèse de Poitiers qui englobe aussi les Deux-Sèvres, et partout, des églises romanes du Poitou au néogothique du Bressuirais, de la citadelle de Parthenay aux friches urbaines et industrielles de Montmorillon, de l’ancien arsenal de Châtellerault aux monumentales églises de Niort, tous ceux qui connaissaient Mgr Wintzer où en avaient entendu parler se réjouissent franchement de son départ, cette fois certain, après qu’il ait fait des pieds et des mains pour être nommé à Lyon ou Bordeaux, où personne n’en avait voulu – il aura finalement réuni et contenté ses ex-diocésains le jour même où il a annoncé son départ.
Même la Nouvelle République, dans un article intitulé “La messe d’après“– et qui affirme que c’est Mgr Leborgne, l’actuel évêque d’Arras, qui sera son successeur – s’affranchit quelque peu du très convenu ton laudateur quand un évêque part : « quand on le croisait dans un escalier, on ne savait pas s’il montait où il descendait, il était très prudent avant de prendre des positions », constate un fidèle cité par le journal. Trois autres, qui n’ont pas donné leur nom à la presse locale, sont « très content qu’il s’en aille. On en avait marre de ses sermons radicos-gauchos. Pour tout vous dire Monseigneur Wintzer n’était grand que par la taille ». Boum !
« Lui il part et nous on lui survit, c’est génial ! »
A quelques kilomètres de Cholet – dont on entraperçoit la skyline de barres des années 1970, époque où c’était une cité industrielle majeure du du textile et de la chaussure – le nord des Deux-Sèvres est quasiment une petite Vendée, ponctuée de haies, de clochers néogothiques et comme celle-ci située dans l’arrière-pays industriel de Nantes, à 100 kilomètres à peine.
Les yeux sur les flèches de la Trinité de Mauléon, un laïc engagé dans la paroisse soupire : « dans sa lettre, il dit que le diocèse lui a pressé tout le jus. En réalité, c’est Mgr Wintzer qui a pressuré le diocèse, fait fuir les vocations, vendu tout ce qu’il pouvait vendre – il voulait désacraliser des églises, il a fallu que les maires l’en empêchent ! Mais au moins, il part, et nous on lui survit, c’est génial ! Et ce n’était pas gagné. Mais pauvres bourguignons tout de même, ils ne l’ont pas mérité et ils vont en pleurer… »
« La crise du diocèse de Poitiers ne date pas d’aujourd’hui, mais Mgr Wintzer a tout accéléré
Dans la même commune – qui s’étend depuis les années 1970 sur huit autres villages, préfigurant les communes nouvelles à l’échelle des anciens cantons des Mauges voisines, un autre fidèle nuance. « La crise du diocèse de Poitiers remonte à loin. Tout vendre, ça ne date pas d’aujourd’hui – nous avions dans notre diocèse la seule basilique de France de saint Benoît Labre, dès 1884 à Marçay, qui fut désacralisée en 1962 et vendue, elle a servi de hangar, elle est tombée en ruines et ce sont des laïcs qui l’ont sauvée et l’ont restaurée [en 2012-16, c’est maintenant un lieu de mémoire du livre]
Déformer les prêtres au lieu de les former, ça ne date pas d’aujourd’hui – il y a le calamiteux centre théologique de Poitiers dont plusieurs piliers sont dans des situations canoniques ambigües – et tout le diocèse le sait, la maison des vocations qui a fermé en catastrophe, sous Mgr Rouet encore. Gérer n’importe comment, ça ne date pas d’aujourd’hui – et Mgr Wintzer a hérité de cette patate chaude qui l’a conduit à vendre à tours de bras – mais depuis qu’il est là, c’est comme le sablier, toutes les dérives n’ont fait que s’accélérer, les problèmes s’accumuler, les forces vives fuir et finalement il ne reste plus rien – en mai dernier [2023] suite à la baisse du casuel le diocèse exigeait des paroisses qu’elles louent les presbytères comme logements sociaux ou comme bureaux, quitte à devoir reloger les prêtres ! Et à chaque fois qu’il a bougé, il n’a fait qu’aggraver les choses. Et c’est aussi pour ça qu’on est tous très content qu’il parte ».
« Mgr Wintzer s’en va ? Non ?! C’est la nouvelle de l’année ! »
Beaucoup plus au sud, il est arrivé à Mgr Wintzer dans ses 12 ans d’épiscopat de se faire – rarement – inviter à dîner. Notamment quand il a fallu des salles à la communauté traditionnelle locale – que Mgr Wintzer tient particulièrement à fusiller avant de partir – pour le catéchisme. « Ah, des années après on s’en souvient toujours. Il a refusé de bénir la table, en faisant comprendre par un geste qu’on pouvait manger sans dire le bénédicité – venant d’un évêque, ça avait quand même surpris, il a été glacial tout le repas, et pour finir s’est levé en nous disant qu’on n’aura jamais nos salles tant qu’il sera évêque, ”et vous savez, je suis jeune !”. Vraiment l’un des types les plus imbuvables qu’on ait invité ».
D’ailleurs les fidèles ne croient pas qu’après douze ans de souffrance, Mgr Wintzer s’en aille martyriser un autre diocèse et d’autres fidèles. Sous la tour carrée d’une église du centre-ville de Poitiers, son départ provoque des cris de joie. « Mgr Wintzer s’en va ? Non ! Mais c’est la nouvelle de l’année ! », s’écrient des fidèles. « Il part en laissant un champ de ruines, l’emprise territoriale de l’Eglise dans le centre de Poitiers n’est plus – il a vendu la grande maison diocésaine, il était déjà là [comme auxiliaire] quand le diocèse de Poitiers a fermé le lycée des Feuillants et l’a vendu [c’est maintenant la cité judiciaire] et les paroisses sont particulièrement décharnées – il reste des ilôts à la campagne, dans les Deux-Sèvres et pas que, qui donnent plus à la quête et au denier du culte que la paroisse du centre-ville de Poitiers, c’est dire ! Mais au moins il part, et on pourra peut-être reconstruire, un jour. »
Dans le sud des Deux-Sèvres, bien moins vendéen – et historiquement plus libre penseur – que le nord du département, les anciens communistes locaux se souviennent avec émotion de Mgr Rouet. « Il était comme nous, d’ailleurs il s’entendait très bien avec la libre pensée. Mais surtout, il avait le souci des petites gens, il discutait, il aimait bien manger – et une bonne table, ça peut réconcilier un restaurateur communiste et un évêque ! ». Quant à Mgr Wintzer ? Les visages se ferment. « Il ne tenait pas à nous connaître, et pour ainsi dire nous ne le connaissons pas. Et bon débarras ».
Il n’y a finalement que Golias pour lui tresser des lauriers – pas moins de quatre mitres (!) dans le trombinoscope de 2022-23. Comme une boussole détraquée qui indique le sud, Golias écrit sans rire que « Mgr Wintzer se bonifie avec le temps […] Dans le dernier portrait de pascal Wintzer, nous indiquions notre difficulté à sonder cette personnalité particulière, ondoyante, normande pour ainsi dire. l’archevêque de Poitiers est en effet prudentissime mais, le temps passant, il sort quelque peu des sentiers battus », avant de louer ses « tribunes dans la Croix » et sa propension à débiter des hérésies qui plaisent à Golias – en l’occurrence ses attaques contre le célibat sacerdotal.
« Une phrase de la première lettre aux Thessaloniciens citée par le pape Montini marque profondément pascal Wintzer : « N’éteignez pas l’Esprit ! » (5,19) », indique encore Golias d’un ton inhabituellement servile. « En l’occurrence, c’est son diocèse qu’il a éteint. Ou il a essayé », relève un laïc poitevin qui constate que « les cons ça ose tout. Il a tout fait pour faire fuir les jeunes prêtres, les vocations, qui étaient mal gérées déjà sous Mgr Rouet, ont été découragées par tous les moyens, et nous sommes aujourd’hui le cas rarissime d’un diocèse aux nombreuses vocations, nos deux départements de la Vienne et des Deux-Sèvres ont donné ces dernières années une dizaine de prêtres et une quinzaine de séminaristes, mais ils sont partout, sauf chez nous ! Il a beau jeu de parler de déclin et de désaveu alors qu’il a tout fait pour ! »
Le reportage de France 3 lors de la cérémonie de départ de Mgr Wintzer dimanche dernier, est éloquent.
La cathédrale est quasi vide alors qu’elle était pleine à craquer douze ans plus tôt lors du départ de Mgr Rouet !
Même au temps de Mgr Rouet, c’est dire…
On ne peut que souhaiter bon courage à ses nouveaux diocésains …
@JMVAAS
L’explication est simple.
On peut faire de nombreux reproches à Mgr Rouet, mais il n’en demeure pas moins que sur le plan humain et relationnel c’était un homme respecté et respectueux .
Même s’il n’était pas d’accord avec vous , il vous le disait , avec franchise et respecte.
Albert Rouet a toujours été respectueux envers ses prêtres y compris ceux de sensibilité traditionnelle.
Pascal Wintzer paye aujourd’hui le prix de son arrogance et de son mépris.
Encore dernièrement, un prêtre poitevin ( proche de la mission de France) se disait content du départ de Mgr Wintzer.
Il fait l’unanimité contre lui et s’en va sans les honneurs, sauf ceux des quelques “gogos” ou béni oui oui.
À François Schaller…
… Et que ces paroissiens se réveillent pour de bon.
Douze ans de passivité de leur part, plongés dans leur routine et l’entre-soi, ça suffit non ?
Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé. Vous ne savez pas :
– de quel archidiocèse Mgr Wintzer a hérité en acceptant Poitiers
– quelles étaient ses instructions en arrivant
– que presbytérat il a trouvé en arrivant : Mgr Rouet (encore récemment) continuait à détenir le vrai pouvoir, et ses créatures sont féroces
– quelles pressions il a subies (le poids de la FM est très fort dans cette région, et l’occultisme est vigoureux)
– quel but Mgr Wintzer poursuivait
Pour avoir cotoyé pendant des années une communauté très traditionnelle : Mgr Wintzer a toujours été chaleureux avec elle, la soutenant contre son propre conseil.
Donc, sans en faire forcément un saint, je pense que les critiques contre lui manquent de compassion. Encore aujourd’hui, le clergé poitevin est très idéologisé, et la mentalité 68 arde a un retard démographique de 30 ans en Poitou-Charentes / Sèvres. Donc, tout ce que vous avez connu de pire ailleurs et qui est en train de s’éteindre en France : cela est encore bien vivace dans ce pauvre archidiocèse.
Mgr Wintzer aura au moins réussi à maintenir l’archidiocèse dans la communion visible de l’Eglise Catholique pendant 17 ans. Vu le clergé local, c’est déjà un tour de force. Souhaitons beaucoup de courage au prochain archevêque.