Il est de règle que la station du mercredi des Quatre-Temps soit toujours à Sainte-Marie-Majeure, et les trois lectures de la messe sont un reste de l’antique coutume liturgique romaine, qui évoque ces tout premiers temps où, à la double lecture de la Thora et des Prophètes, en usage dans les synagogues de la Diaspora, les Apôtres en ajoutèrent une troisième, tirée des Évangiles.
L’antienne pour l’entrée du cortège du célébrant est tirée du psaume 80 et contient une heureuse application à la solennité de cette semaine. Celle-ci a, en effet, dans la liturgie, un caractère complexe, parce que, tout en conservant intact le souvenir de la fête latine des vendanges, elle veut pourtant apparaître comme la continuation chrétienne des deux solennités juives du commencement de l’année et du jour de l’Expiation. Le Psalmiste invite donc Israël à faire résonner le tambourin, à faire vibrer la harpe et la douce cithare, à sonner du cor, à l’occasion de la septième nouvelle lune (celle qui, autrefois, commençait l’année juive), parce que c’est là une tradition sainte en Israël et une loi du Dieu de Jacob.
C’est donc l’autorité divine qui a donné naissance aux fêtes liturgiques. Outre le culte privé et individuel moyennant lequel toute créature doit offrir l’hommage de sa propre adoration au Créateur, Dieu a voulu que la société des croyants, précisément parce que société extérieure et visible, eût des rites, des fêtes collectives, tant pour rendre au Créateur l’hommage dû par la société, comme telle, que pour procurer à l’individu, en ces actes sociaux, les moyens de se sanctifier. L’isolement est condamné : vae soli. L’homme est naturellement sociable, car c’est seulement en société qu’il peut atteindre son perfectionnement naturel. D’autre part, dans l’ordre surnaturel, le fidèle est admis à faire partie d’une société divine qui est l’Église, parce que, grâce à elle seulement, il pourra obtenir les moyens nécessaires à sa sanctification personnelle. Gardons-nous de perdre de vue cette loi, d’exagérer notre individualisme, et de sacrifier le culte extérieur, social, liturgique, à l’amour d’un culte intérieur et spirituel à l’excès, et exclusivement personnel. Nous ne sommes pas le corps du Christ tout entier, chacun de nous n’en est qu’un membre. Pour que l’intégrité de ce corps mystique se réalise, il est donc nécessaire que les membres ne se séparent ni du Chef ni entre eux. Jésus a voulu nous donner l’exemple de cette piété qu’on appelle, de nos jours, liturgique, et que nous appellerons simplement piété chrétienne au sens le plus parfait du mot. D’abord dans sa sainte Famille, puis avec le groupe de ses apôtres, II prenait part aux solennités liturgiques des synagogues. Aux temps prescrits, II montait au temple pour y célébrer la Pâque, la solennité de la Dédicace, celle des Tabernacles. Bien plus, l’on peut dire, conformément à ce dont les saints nous ont donné l’assurance, que sa vie était une prière ininterrompue, parce qu’après les nuits consacrées à l’oraison, il passait les journées, soit à Jérusalem, soit ailleurs, dans le Temple ou dans les synagogues, assistant ponctuellement aux psalmodies quotidiennes et aux sacrifices que l’on y célébrait.
Après la prière litanique vient la collecte, qui, autrefois, en était considérée comme la conclusion normale.
Dans la prière qui met fin à la prostration et à l’oraison privée de toute l’assemblée, le prêtre rappelle que notre fragile nature, viciée par la faute originelle, succombe sous le poids des maux qui sont comme le triste héritage du péché. Sur cette nature accablée et humiliée qui, ayant déposé l’ancienne jactance — la superbia vitae comme dit saint Jean — expérimente maintenant tout l’abîme de sa honte, le prêtre invoque, comme l’unique voie du salut, l’ineffable et divine miséricorde.
Suit la réconfortante lecture d’Amos (9, 13-15) oh, en couleurs vives, est décrite la fécondité de la terre promise, si fertile que la moisson se prolonge jusqu’au temps de la vendange et que celle-ci dure jusqu’à la saison des semailles. Non seulement ces divines prophéties ont une signification spirituelle, mais elles promettent aussi la prospérité matérielle aux nations qui observent les divins commandements. Si maintenant les campagnes semblent devenues stériles, et si les maladies des champs, des arbres et du bétail rappellent le souvenir des plaies d’Égypte, la vraie raison s’en trouve dans les péchés des peuples, dans leur apostasie collective- de Dieu et de son Église, dans la sensualité, dans l’anarchie, dans la profanation des fêtes et dans les nombreux blasphèmes par lesquels, encore plus qu’avec les grains de froment, se font les semailles dans nos champs.
Le premier graduel est tiré du psaume 112, où est exaltée la transcendance de Dieu, pour qui non seulement la terre, mais même les sommets des cieux ne sont rien autre que de profonds abîmes de bassesse. Toutefois, si haut que Dieu trône, l’humilité a la force de l’attirer jusqu’à elle. Du haut des cieux, Dieu écoute la voix du pauvre, de l’humble, il descend vite à son secours, le prend entre ses bras et vole, vole dans les hauteurs, jusqu’à ce qu’il l’ait placé sur les cimes les plus élevées de son royaume.
Comme conclusion de la lecture et du psaume responsorial, le président de l’assemblée récite la collecte, où l’on implore la grâce divine afin que l’abstinence de nourriture concorde avec la vie immaculée du chrétien, lequel se prive de tout ce qui pourrait servir d’amorce aux passions. Voici le texte de cette belle oraison. Prière : « Nous vous prions, Seigneur, d’accorder à votre famille appliquée à l’observance du jeûne sacré que, tandis qu’elle s’abstient des aliments matériels, son esprit aussi s’éloigne des péchés. Par notre Seigneur. »
Bienheureux Cardinal Schuster