Sur Paix Liturgique, un hommage est rendu à Mgr Ducaud-Bourget en retraçant – à grands traits – l’histoire de la défense de la messe traditionnelle dans la capitale française depuis plus d’un demi-siècle :
“Notre combat pour que la messe traditionnelle vive pleinement et sans restriction à Paris est dans la continuité d’une longue militance. Il est bon de se souvenir qu’elle a commencé il y a 55 ans, dans la chapelle de l’hôpital Laennec, qu’elle s’est amplifiée avec l’occupation de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il y 48 ans, et qu’elle a obtenu que la messe traditionnelle devienne « officielle » à Paris, dans l’église Saint-Eugène-Sainte-Cécile il y a 40 ans.
Pour vous donner du cœur, je vais rapidement vous brosser cette histoire cette semaine et la suivante, car ce processus de résistance parisienne, certes exceptionnel par son importance, est tout à fait exemplaire de ce qui se produisit en bien des endroits de France à même époque.
1969 : la réforme avait commencé depuis cinq années, depuis 1964, avec autel face au peuple, communion debout, concélébrations, langue vulgaire, et en 1968 nouvelles prières eucharistiques. Et en 1969, avec une deuxième étape, est arrivé le missel totalement nouveau parut. Des groupes de fidèles se constituaient pour résister. Partout en France, un certain nombre de prêtres courageux se refusèrent à l’utiliser, malgré les sanctions de leurs évêques. À Paris, Mgr Germain Ducaud (1897-1984), dit François Ducaud-Bourget de son nom de plume, personnalité hors norme, prêtre du diocèse de Paris, homme de lettres, ancien résistant, ancien aumônier de l’ordre souverain de Malte, était aumônier de l’hôpital Laennec (aujourd’hui disparu), rue de Sèvres, depuis 1961. Lorsque Paul VI rendit obligatoire son missel, Mgr Ducaud-Bourget décida tranquillement de continuer à célébrer la messe tridentine interdite, tous les dimanches, dans la vaste chapelle de l’hôpital, à laquelle assistait une foule toujours plus nombreuse. C’était il y a 55 ans.
Mais en 1971, une plainte de la section CFDT de l’hôpital (à propos d’une messe célébrée pour Mgr Darboy, archevêque martyr de la Commune) entraîna – ou fut le prétexte – d’une pression de l’archevêché pour qu’il démissionnât.
C’était l’époque de la messe dans les garages et dans les granges. À Paris, Mgr Ducaud-Bourget, 74 ans, officia dès lors dans une chapelle de fortune installée dans un ancien local commercial, rue de la Cossonnerie, près des Halles, et le dimanche, dans des salles de conférences louées pour l’occasion, rue de Rennes ou rue Las Cases, au Musée social, rejoint par des prêtres parisiens ou officiant à Paris, qui prêchaient, confessaient et célébraient plusieurs messes successives. À partir de 1974, ils s’installèrent en outre dans un second lieu, en constituant une autre chapelle de fortune, avenue des Ternes, loin de la salle Wagram, louée elle aussi pour les messes du dimanche.
Le coup de tonnerre de la suspense a divinis de Mgr Lefebvre, en 1976, qui donna à son œuvre et à la question de la messe traditionnelle une très grande notoriété, allait être suivi, l’année suivante, d’un autre événement majeur, l’occupation de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Mgr Ducaud-Bourget convoqua tous les fidèles traditionnels parisiens pour la messe du dimanche 26 février 1977, dans la salle de la Mutualité. Qui n’eut pas lieu à la Mutualité. On les fit pénétrer par petites groupes dans l’église voisine de Saint-Nicolas, et quand elle fut pleine, on expulsa le curé, l’abbé Bellego. Mgr Ducaud-Bourget et les prêtres qui l’accompagnaient célébrèrent alors une série de messes dans l’église. Et ils y restèrent. C’était il y a 48 ans.
En fait, l’établissement durable à St-Nicolas-du-Chardonnet de ses nouveaux occupants fut le fruit de l’arbitrage du gouvernement, qui comprit tout de suite l’avantage électoral qu’il pouvait tirer d’une « pacification » et qui ne fut pas fâché de causer un déplaisir à l’archevêque de gauche, le cardinal Marty, et à son auxiliaire, Mgr Gilson. L’archevêque obtint un arrêt de la 1ère chambre de la cour d’appel, conforme à la jurisprudence constante en ce domaine, c’est-à-dire condamnant les occupants à quitter les lieux, faute de quoi le curé, l’abbé Bellego, affectataire légal, était autorisé à requérir le concours de la force publique en vue de leur expulsion forcée. Sauf que la préfecture de police, saisie de cette réquisition du curé estima que l’exécution de la décision de justice risquait de troubler gravement l’ordre public, eu égard à la détermination des occupants de l’église. Et depuis 48 ans, la police n’intervient pas…
L’affaire avait été traitée par le ministre de l’Intérieur du président Giscard d’Estaing, Michel Poniatowski, puis, après sa démission du 30 mars 1977, par son successeur, Christian Bonnet, Jacques Chirac ayant été dans l’intervalle élu maire de Paris. Intervenant auprès du cardinal Marty pour lui demander de trouver une solution pacifique en donnant à Mgr Ducaud-Bourget une église inoccupée, Michel Poniatowski (qui cousinait avec Michel de Saint-Pierre) se donna le plaisir d’invoquer auprès de l’archevêque conciliaire « la liberté religieuse » en faveur des traditionalistes. L’église parisienne en bordure du boulevard Saint-Germain devint dès lors la vitrine du refus de la réforme liturgique.
Quant à nous, aujourd’hui, c’est au successeur du cardinal Marty, Mgr Ulrich, que nous demandons la liberté de la messe. Et très concrètement son rétablissement à Notre-Dame-du-Travail et à Saint-Georges-de-la-Villette. Comme les « veilleurs » de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui, dans les premiers temps de l’occupation, se relayaient la nuit dans l’église pour éviter qu’elle ne soit reprise par les hommes du curé (ils avaient tenté de s’y introduire en cassant un vitrail), nous veillons et prions en disant le chapelet devant les bureaux de l’archevêché, 10 rue du Cloître-Notre-Dame, du lundi au vendredi, de 13h à 13h 30, à Saint-Georges de La Villette (114 av. Simon Bolivar, 19ème), le mercredi à 17h”.