Nous écrivions en juin que le diocèse de Sées passait de 37 à 10 paroisses, sous la houlette de Mgr Feillet, avec des ensembles toujours plus grands qui, comme dans bien d’autres diocèses engagés dans les mêmes mouvements, éloignent toujours plus la messe des (rares) pratiquants dans les villages et épuisent toujours plus les curés, contraints de courir entre un nombre toujours plus grand de clochers. Les nominations des curés en charge de ces paroisses sont aussi parues.
Voici désormais la carte des paroisses :
En 2019-21, alors que Mgr Feillet était évêque auxiliaire du diocèse de Reims-Ardennes, ce dernier avait aussi réorganisé ses paroisses en 11 “pôles missionnaires” et conduit un “projet diocésain” qui avait conduit à la fermeture pure et simple de nombreux lieux de culte, les messes et les activités étant regroupées dans les autres pour limiter la fatigue du clergé. Loin de regrouper les forces vives paroissiales pour avoir, au moins, une plus grosse assistance dans les lieux maintenus, cette réorganisation avait conduit un certain nombre de paroissiens à ne pas se rendre dans les messes maintenues, parfois à l’autre bout de leur ville, ou assez loin à la campagne. Les limitations issues du Covid – et notamment la limitation des sorties dans un rayon restreint autour du domicile des gens avait permis de quelque peu corriger le tir, en rétablissant l’ouverture de certaines églises.
En juin 2020, une étude sur le terrain s’intéressait aux résultats concrets de cette réorganisation dans le diocèse de Reims-Ardennes, juste après le choc du premier confinement – qui a conduit à aggraver la désertion des paroissiens.
“Justifiée officiellement par le manque de prêtres – qui va s’aggraver – et de personnels dans les paroisses (bénévoles, chantres, organistes), elle a en effet supprimé les paroisses au profit de « espaces missionnaires », avec un ou deux « lieux eucharistiques » présumés centraux, qui ne le sont pas toujours – exemple Tinqueux pour Reims-ouest et les villages autour – où sont concentrés les messes. Les secteurs – confiés de fait à des laïcs et non des curés – regroupent parfois jusqu’à une cinquantaine de clochers, obligeant les paroissiens à faire des dizaines de , kilomètres pour aller à la messe.
Conséquence logique : une déperdition des paroissiens souvent âgés, des bénévoles de paroisses (notamment les choristes), des curés débordés et une grosse désorganisation […] « Résultat, à Charleville où il y avait cinq paroisses qui tournaient plus ou moins bien mais qui tournaient, il y en a plus que deux, Saint-Rémi [à Charleville, 90] et Notre-Dame [à Mézières] et des gens qui étaient habitués à aller dans leurs quartiers ne viennent plus ».
Dans une commune dont certains quartiers (Mohon, Etion, Manchester, Montcy, Bel Air…) sont à des kilomètres de la ville centre, avec un taux de pauvreté élevé et une desserte faible en transports en commun, ce n’était guère avisé… même avec l’un des rares prêtres jeunes du diocèse, ordonné il y a 3 ans. Devant l’église Sainte-Jeanne d’Arc, dans le centre-ouest de Charleville, des herbes folles, une grille fermée rouillée… et absolument aucun horaire de messe. Cette église est maintenant désaffectée de fait, comme tant d’autres [il semble que cette réorganisation a été revue depuis – en 2024 l’église Sainte-Jeanne d’Arc accueille deux messes anticipées le samedi et une le quatrième dimanche, toujours l’été – NDLR] .
Le Covid n’a rien arrangé. Si des églises sacrifiées par la réorganisation – en moyenne entre la moitié et deux tiers des lieux de messe d’avant – ont été rouvertes, les paroisses naviguent à vue […] il n’y a pas eu de reprise [en juin 2020 après le premier confinement – NDLR] : « on a toujours moitié moins de paroissiens qu’avant », explique mi-juin une bénévole dans une paroisse de Reims. «Beaucoup nous disent qu’ils reviendront en septembre, mais on pense qu’on ne les reverra plus. Les quêtes s’en ressentent ». Si à Reims les bénévoles des paroisses affirment que cette réorganisation leur a enlevé des moyens au profit des Ardennes et de la campagne, les Ardennes n’ont rien vu venir”.
Pour le diocèse de Sées, ça promet…
On sait que la réduction du nombre de paroisses est le meilleur moyen de faire perdre un peu plus la foi dans les campagnes aux églises déjà désertées. Rome a averti les dits évêques il y a 25 ans (j’ai les documents et compte-rendus des visistes ad limina). On a supplié les évêques de ne pas toucher aux paroisses — même Mgr Gilson, le premier à le faire au Mans, faisait de la surenchère et demadnait à Rome de sanctionner ceux qui l’imitait dans cette “folie” -… les évêques sans cervelles continuent
Ce qui serait intéressant comme article serait : et que proposez-vous ? Devant la quadrature du cercle : il faut bien faire quelque chose : débaucher du clergé étranger pour tenir le quadrillage actuel ? Regrouper les secrétariats mais continuer à circuler entre toutes les paroisses ? Faire bouger des laïcs qui ne vont à la messe que lorsqu’ elle est chez eux ? Ordonner des prêtres ad missam ? Euthanasier les derniers prêtres tant qu’il est temps ? C’est bien, comme le Vatican, de tirer les oreilles des évêques mais… il faut bien faire quelque chose.
C’est effectivement une bonne question.
Qui va avec une autre : a-t-on vraiment besoin de tenir à bouts de bras toutes les structures de l’église diocesaine (territoriale) en France qui n’ont pas strictement des liens avec les messes, les sacrements et les moyens pour y parvenir (quêtes, dernier, casuel et immobilier des paroisses).
Peut être que l’armée mexicaine de certains diocèses avec des laïcs et des prêtres qui s’occupent littéralement de tous les sujets avec une influence à peu près nulle (95-98% de la population ne pratiquent plus) ne se justifie plus…
Question à disjoindre évidemment du cas particulier de l’enseignement – laïcisé depuis longtemps dans les diocèses et la quasi totalité des congrégations, les prêtres n’intervenant plus qu’à la marge pour les aumôneries et quelques messes. A de rares exceptions près le seul enseignement religieux qui fait encore largement intervenir le clergé (enseignant, aumônier et messes tous les jours ou une fois par semaine) échappe presque complètement aux diocèses.
On veut aujourd’hui une Eglise qui s’adresse aux laïcs, qui soit organisée par et pour eux. Mais à quoi bon ?
Ces évêques sont les liquidateurs d’une société en faillite….
Cette réorganisation ne plaît pas à grand monde. Cela se fait dans la souffrance.
Dimanche dernier, c’était l’incertitude à la dernière réunion paroissiale avant la fusion… Les nouveaux prêtres viennent juste d’arriver, donc rien n’est encore décidé, funérailles, caté et planning de messe compris.
Donc, il faudra bouger plus loin. Accepter des horaires variables et différents.
Envoyer nos enfants au catéchisme le dimanche matin (10 fois an), mais ne pas y avoir forcément la messe ensuite. Remplacé par une prière avec parents, faute de prêtre disponible.
Le prêtre nous dit qu’il ne faut pas penser qu’en “messe” ou “pas messe”.
Là, j’ai vraiment tiqué. Faut-il envoyer nos enfants au caté pour rater la messe? (enfin, vous pouvez allez ailleurs le samedi soir…). ça c’est mal terminé.
Enfin, je suis contente (pas de voiture) d’avoir eu encore cette semaine la messe au même endroit. On savoure la bénédiction.
Ces réorganisations sont pénibles, font perdre de l’argent et des moyens humains aux paroisses. Faire une demi heure de voiture pour la messe une forte contrainte.
Mais avons-nous le choix? A Sées, nous n’avons aucun séminariste. On est content si on ordonne un prêtre tous les 10 ans. Le décès des prêtres retraités qui assurent les messes. Y’a pas de familles dans les paroisses, c’est un fait.
Les prêtres ne sont déjà pas forcément présents pour les paroissiens si on les sollicite. Les messes ne sont assurés bien souvent que par des prêtres retraités qui meurent. Les funérailles, uniquement par des laics.
C’est déjà le chaos.
Merci pour votre retour sur les conséquences pratiques – qui peuvent être très douloureuses – de cette réorganisation. Les diocèses sont peuplés aujourd’hui de laïcs venant “du privé” qui ont une “pensée positive” voire magique qui occulte complètement les conséquences sociales sur les fidèles et leur quotidien de ces réorganisations incessantes…
Il y a pourtant des séminaristes, mais ils sont hors diocèse. 1 à la CSM, 2 ou 3 à la FSSP, à la rentrée 2023 – il est trop tôt pour les rentrées 2024. Peut être reviendront ils en apostolat – mais visiblement le séminaire de Rennes (où depuis la fermeture de Caen en 2015 sont envoyés les bas-normands) n’attire pas…