Fête de l’Epiphanie 6 janvier (fêtée en France ce dimanche 7 janvier 2024)
Épiphanie veut dire apparition, et, à l’origine, cette fête avait, chez les Orientaux, la même signification que celle de Noël à Rome. C’était la fête du Verbe éternel se révélant, revêtu de chair, à l’humanité. On vénérait en particulier trois circonstances différentes de cette révélation historique, l’adoration des Mages à Bethléhem, la conversion de l’eau en vin aux noces de Cana et le baptême de Jésus dans le Jourdain.
Chez les Orientaux, la scène du Jourdain, où l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe, couvrit de son ombre le Sauveur que le Père éternel, du haut du ciel, proclama son Fils bien-aimé, est la plus saillante. Dès l’époque de saint Jean, la gnose hérétique attribuait à cette scène une importance capitale pour sa christologie, soutenant qu’alors seulement la divinité s’était unie à l’humanité de Jésus, pour s’en séparer ensuite au moment de son crucifiement. Ce baptême était donc la vraie naissance divine de Jésus, et pour cela les gnostiques le célébraient avec toute la pompe possible. Contre cette doctrine, saint Jean écrivit dans sa première épître : hic (Jésus Christ) venit per aquam et sanguinem, non in aqua solum, sed in aqua et sanguine [14], c’est-à-dire Jésus vint au monde en qualité de Sauveur et de Fils de Dieu, non seulement dans les eaux du Jourdain, mais dès son incarnation, où il prit corps et sang humains. Il est probable que les catholiques, à l’exemple de l’Évangéliste, ont voulu dès la première heure opposer à l’épiphanie gnostique du baptême, celle de la naissance temporelle à Bethléhem, en sorte que cette fête eut un sens très complexe, en tant qu’elle voulut aussi retenir les dates évangéliques du baptême et des noces de Cana, les reléguant toutefois au second plan, comme autant de révélations solennelles et authentiques de la divinité de Jésus. A Rome, dans un milieu très positif et tout à fait étranger à l’exaltation mystique des Orientaux, la fête historique de la Nativité de Jésus acquit toutefois une telle popularité, qu’aujourd’hui encore elle est l’idée dominante de toute la liturgie de cette période. Il y eut, il est vrai, quelque incertitude quant à la date, et un dédoublement s’ensuivit. La solennité du 6 janvier fut avancée, sur les bords du Tibre, de deux semaines, en faveur exclusivement de Noël, mais l’antique théophanie demeura à sa place, quoique appauvrie dans sa conception, puisque la crèche de Bethléhem, comme par attraction, donna un plus grand éclat à l’adoration des Mages, aux dépens de la signification originaire du baptême dans le Jourdain.
Il est probable qu’au IIIe siècle, Rome suivait encore fidèlement la tradition orientale primitive, administrant pour cette raison le baptême solennel le jour de la Théophanie. En effet, Hippolyte fit un sermon aux néophytes ‘en la sainte Théophanie’ précisément comme dans le très ancien calendrier copte, où là fête de ce jour est appelée dies baptismi sanctificati. A l’époque où vivait saint Grégoire de Nazianze, les Grecs l’intitulaient la solennité des saintes lumières, — In Sancta Lumina, — en tant que le baptême est l’illumination surnaturelle de l’âme.
Le troisième souvenir annexé à la solennité d’aujourd’hui est le premier miracle accompli par le Sauveur aux noces de Cana. Il est compté parmi les théophanies christologiques, puisque les prodiges évangéliques fournissent la preuve extérieure de la divinité de Jésus. Saint Paulin de Nole et saint Maxime de Turin relèvent le triple aspect de la fête de l’Épiphanie, en termes tout à fait semblables à ceux qu’emploie l’Église romaine dans la splendide antienne de l’office de l’aurore. Hodie caelesti Sponso iuncta est ecclesia. — noces mystiques symbolisées par celles de Cana — quoniam in Iordane lavit Christus eius crimina — baptême des péchés — currunt cum muneribus magi ad regales nuptias — adoration du divin Nouveau-Né — et ex aqua facto vino laetantur convivae — miracle de Cana.
Ce qui surprend, c’est que ces éléments primitifs de la solennité orientale de la Théophanie se retrouvent, mélangés plus ou moins à Rome dans la fête même du 25 décembre ; cela est si vrai que, dans le discours qu’il prononça à Saint-Pierre le jour de Noël, lorsque Marcelline, sœur de saint Ambroise, reçut de ses mains le voile des vierges, le pape Libère lui dit entre autres choses : « O ma fille, tu as désiré une excellente union. Vois quelle foule de peuple est accourue au Natale de ton Époux, et personne ne s’en retourne sans être rassasié. C’est Lui, en effet, qui, invité à des noces, changea l’eau en vin, et, avec cinq pains et deux poissons, nourrit dans le désert quatre mille hommes. »
Le choix de la basilique de Saint-Pierre pour la station s’inspire du même concept qu’au jour de Noël. A Rome, les grandes solennités, sauf celles du baptême pascal, trop prolongées, se célèbrent chez le Pastor Ecclesiae, dont la basilique est le bercail du troupeau romain. Jusqu’au XIIIe siècle, les Ordines Romani prescrivaient que, après la messe, le pape ceignît la tiare et retournât à cheval au Latran. Plus tard cependant, les Pontifes préférèrent rester au Vatican jusqu’aux secondes vêpres, auxquelles ils assistaient avec le pluvial d’écarlate et la mitre dorée. L’usage qui voulait que le pape lui-même célébrât aujourd’hui la messe stationnale, nous est attesté jusqu’à la fin du XIVe siècle dans l’ordo de l’évêque Pierre Amelius de Sinigallia, qui fait une exception seulement pour le cas où une infirmité du Pontife, ou la rigueur du froid, l’en empêcheraient.
Bienheureux Cardinal Schuster
Extrait du Liber Sacramentorum
Ce dimanche est le 7 janvier et non le 6