Dans la dernière Lettre à nos frères prêtres n°99, Septembre 2023) consacre sa revue de presse à différente publication sur le dernier Motu Proprio Traditionis Custodes.
On ne le sait que trop, l’histoire est faite par les vainqueurs. Pour faire mentir cet adage, Philippe Roy-Lysencourt, spécialiste du Cœtus Internationalis Patrum, groupe de Pères de Vatican II qui voulaient s’opposer à certaines dérives, a publié un passionnant recueil de textes (même si le volume, par son ampleur, pourrait effrayer certains) émanés de ces courageux combattants. Grâce à de précises mises en contexte, ces documents permettent de mieux comprendre la période actuelle.
Le père Réginald-Marie Rivoire, de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, docteur en droit canonique, nous propose un travail un peu inattendu, mais non dénué d’intérêt et de pertinence. Il s’intéresse au Motu proprio Traditionis custodes, promulgué par le Pape François le 16 juillet 2021, soit quatorze ans après la lettre apostolique Summorum Pontificum du Pape Benoît XVI.
L’originalité de la réflexion du père Rivoire est de porter, non directement sur le fond du document, comme on s’y attendrait spontanément, mais sur la valeur canonique de ses arguments, ce que l’auteur appelle la « rationalité canonique ». Ce détour permet d’examiner sous un angle nouveau et enrichissant un contenu somme toute assez classique (les arguments – tout à fait vrais – en faveur de la messe et de la liturgie traditionnelles).C’est justement la synthèse de ces arguments théologiques et liturgiques que propose la réédition bienvenue d’un grand classique de la « résistance traditionnelle » : le Bref examen critique du nouvel Ordo missæ. Depuis sa présentation en 1969 au Pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, de très nombreux textes, certains de grande valeur et d’un puissant intérêt, sont parus, soit comme défense et illustration de la messe traditionnelle, soit comme critique de la messe nouvelle de Paul VI.
Pourtant, ce Bref examen conserve encore toute sa pertinence et son intérêt. Ce qui frappe d’abord, c’est sa qualité littéraire, ce qui se comprend aisément lorsqu’on se souvient que son ultime rédaction fut assurée par Cristina Campo (1923-1977), poète et écrivain italien. Ce qui fait réfléchir ensuite, c’est le fait que ce texte a été rédigé avant que la nouvelle messe soit effectivement
célébrée, avant même que le nouveau missel, au sens propre, soit publié (la première édition vaticane date de 1970). Et pourtant, en s’appuyant seulement sur le texte original de l’Institutio generalis Missalis romani et du Novus Ordo missæ, les auteurs ont tout annoncé, tout prédit du bouleversement liturgique, théologique, spirituel et humain qui allait s’ensuivre. Cette édition de 2023 est heureusement complétée par divers documents utiles, notamment des textes de saint Pie V, du concile
de trente, de Pie XII, mais aussi des mises en contexte qui ne seront pas superflues, en particulier, pour les plus jeunes lecteurs. L’ouvrage est préfacé par une lettre du cardinal Raymond Burke.Philippe Roy-Lysencourt, Recueil de documents du Cœtus Internationalis Patrum pour servir à l’histoire du concile Vatican II, Institut d’Étude du Christianisme, 2019, 60 euros.
Réginald-Marie Rivoire, Traditionis custodes à l’épreuve de la rationalité juridique, DMM, 2023, 11, 50 euros.
Bref examen critique du nouvel Ordo missæ, Contretemps, 2023, 13 euros.
Témoignage extérieur : le Bref Examen n’est utile que pour conforter les convaincus. Sur un débatteur de bonne foi et compétent, il est inopérant :
– 2 cardinaux ont écrt un texte… sur un total de combien de cardinaux à l’époque ? Donc tous les autres (d’autorité égale) ont tacitement validé le nouvel ordo. L’argument d’autorité des auteurs ne tient plus;
– il y a quelques arguments internes avancés à l’époque qui paraissent faibles dans leur formulation : affaiblissement du sens du sacré lié à la baisse du nombre de génufléxions du célébrant…
Proposition pour les discussions : ne jamais séparer la mention du Bref Examen (insuffisant en soi) et l’effondrement du nombre des catholiques constaté depuis la réforme liturgique, et la perte de la foi et du sens du sacré d’environ 50% des 2% de pratiquants restants (sondage d’il y a quelques années :: 50% des catholiques qui vont à la messe le dimanche ne croient pas que Dieu soit un être personnel). Cet effondrement est indéniable.
Donc quelles que soien tles qualités intrinsèques du Bref Examen, il a le mérite de proposer des pistes plausibles d’explication aux phénomènes que tout observateur peut voir aujourd’hui : baisse des nombres, baisse de la foi, baisse du sens du sacré. Quelles en sont les causes ? Il faut bien qu’il y en ait, et le Bref Examen propose des pistes crédibles, qui n’épuisent sans doute pas le sujet.