Le deuxième colloque sur la messe traditionnelle s’est tenu ce samedi à la Maison de la chimie à Paris. Cette réunion fait suite à la première édition de 2022. L’abbé Danziec a ouvert le colloque en parlant notamment de la vertu de religion tout en citant plusieurs textes magistériels traitant de la liturgie et de la messe. La liturgie est une perfection de la louange que nous devons à Dieu.
La messe est un sacrifice
Premier intervenant, Cyril Farret d’Astiès, auteur de plusieurs ouvrages sur la question, qui a cité l’encyclique de Pie XII Mediator Dei. Si la messe est un repas, elle est d’abord un sacrifice. La messe est non seulement un sacrifice, mais elle est un sacrifice qui poursuit quatre fins. C’est un sacrifice d’adoration (dimension latreutique), un sacrifice de rémission des péchés (dimension propitiatoire), un sacrifice d’action de grâces (dimension eucharistique) et un sacrifice de demande (dimension imprécatoire). Petit à petit, au fur et à mesure des siècles, la messe a fini par rappeler les réalités de la foi. C’est un mystère inépuisable qu’il est difficile de percer.
L’expression liturgique d’un magistère faible
La Constitution concilaire Sacrosanctum Concilium fixait plusieurs objectifs, comme la pleine efficacité pastorale de cette liturgie réformée. Vatican II a ainsi revendiqué la « participation agissante », même si l’expression participation est déjà utilisée par le concile de Trente. Pourtant, l’assistance à la messe n’est pas passive. Le résultat, c’est la messe de Paul VI en 1969. Cet échec absolu n’est pas plus à démontrer : effondrement des vocations, des baptêmes. Ceux qui pratiquent gardent de vagues notions sur la foi. L’abbé Barthe avait parlé d’un « magistère faible » (NOTA : certains auteurs comme Sandro Magister parlent aussi de « magistère liquide »), comme on le voit dans le synode sur la synodalité. Le Bref examen rappelle le « grand travers théologique de ce missel fabriqué ». Cette équivoque caractéristique ne rend certes pas la messe invalide, mais affaiblit sa compréhension.
Rappel sur les ambiguïtés de l’article 7 de l’Institutio generalis
La première version Article 7 de l’Institutio generalis, ce texte qui introduit le nouveau Missel romain, donnait une définition de la messe qui a constitué un coup de tonnerre
La Cène du Seigneur, autrement dit la messe, est une synaxe sacrée, c’est-à-dire le rassemblement du peuple de Dieu, sous la présidence du prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi le rassemblement local de la sainte Église réalise de façon éminente la promesse du Christ : « Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
Elle fut ensuite remaniée et remplacée en 1970 par cette nouvelle version:
A la messe ou Cène du Seigneur, le peuple de Dieu est convoqué et rassemblé, sous la présidence du prêtre, qui représente la personne du Christ, pour célébrer le mémorial du Seigneur, ou sacrifice eucharistique. C’est pourquoi ce rassemblement local de la sainte Eglise réalise de façon éminente la promesse du Christ ; « Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux” (Mt 18, 20). En effet, dans la célébration de la messe où est perpétué le sacrifice de la croix (Conc. Trente, Sess. XXII, ch. 1 ; D.S. 1740 ; cf. Paul VI, Profession de foi, n° 24), le Christ est réellement présent dans l’assemblée elle-même réunie en son nom, dans la personne du ministre, dans sa parole et aussi, mais de façon substantielle et continuelle, sous les espèces eucharistiques (Const. lit., art. 7 ; Paul VI, Mysterium fidei ; Instr. Euch. Myst., n° 9).
La messe traditionnelle est d’abord un trésor
Cet article fut réécrit rapidement, Paul VI eut vent – visiblement par un jeune clerc de la Nonciature en France qui avait lu Itinéraires – des problèmes posés par cette définition. Mais cette définition, si elle fut changée, reste l’esprit qui a sous-tendu la réforme rituelle. Des éléments ambigus sont maintenus : le prêtre est le président de cette assemblée. La messe ne peut être qu’une assemblée. Enfin, la citation de saint Matthieu est ambigüe et ne peut définir la messe : « lorsque deux ou trois sont rassemblés… »
Une nécessaire théologie de l’offertoire
Autre aspect que le Bref examen vient critiquer : la suppression de l’offertoire. Il existe une « présentation des dons ». Dans la théologie traditionnelle, cet offertoire nous introduit dans le sacrifice de la messe. Nous entrons de plain-pied dans le sacrifice de la messe. C’est une étape importante dans le sacrifice de la messe ». Henri Charlier disait que « l’offertoire est notre sacrifice ». Autre aspect: la réalité de l’autel. Le mot « autel » est remplacé par le mot « table ». Enfin, la messe ad orientem est possible dans le missel. Mais ce n’est pas l’esprit, ni la lettre du missel de Paul VI. Elle est cohérente avec le besoin d’échanges avec l’assemblée. Même l’Institutio generalis parle de « se tourner » et non de «se retourner ». La présentation générale marque cette orientation. Elle dit que les fidèles doivent voir ce que le prêtre fait à l’autel. Idée aussi que l’on puisse faire le tour de l’autel.
Amenuisement du rôle du prêtre au profit de la communauté célébrante
Le rôle du prêtre est minimisé, altéré, faussé. Le prêtre diocésain est le « collaborateur de l’évêque ». Perte de la conscience du sacerdoce. La « communauté célébrante », « le droit des fidèles à célébrer l’Eucharistie »… Ces travers sont dus à la confusion entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel. Desiderio Desideravi participe de cet esprit. Pourtant, la messe est toujours un culte public. Ainsi, est absurde la suppression des bénédictions quand le prêtre célèbre seul. La concélébration marque un amenuisement de la compréhension du rôle du prêtre. On a vu aussi différents écueils, dont le manque d’attention des autres concélébrants. Unité matérielle du peuple du Dieu, mais au détriment de l’unité sacramentelle.
La liturgie traditionnelle n’est pas un remède ou une contestation contre les modernes, mais c’est un trésor qu’elle renferme. Il ne faut pas opposer deux missels : il n’y pas de comparaison possible. « Nous ne défendons pas le Missel de saint Pie V contre le missel de Paul VI ». Pas d’opposition entre deux rites, mais entre deux compréhensions de la liturgie : l’une est cultuelle, l’autre est pastorale ; l’une est transmise, l’autre est fabriquée, etc. 54 ans après la rédaction du Bref examen critique, aucune réponse convaincante n’a été donnée aux objections soulevées par les auteurs.
Une situation toujours compliquée dans le diocèse de Paris, mais avec quelque lueurs
Philippe Darantière, de l’association Lex orandi, a présenté la situation liturgique dans les diocèses de France en donnant la parole à différents acteurs impliqués dans la liturgie traditionnelle.
Membre de l’association des Amis de Sainte-Odile, Philippe Guy a exposé la situation dans le diocèse de Paris. Il a souligné les propos de l’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich, qui avait reçu trois fidèles attachés à la messe traditionnelle le 1er mars 2023 après une attente d’un an. « Je ne peux pas m’opposer au Pape, je n’ai pas de pouvoir », aurait ainsi affirmé l’archevêque de Paris concernant la « politique » liturgique. Philippe Guy a rappelé les demandes formulées par les fidèles traditionnels: que les évêques assurent la confirmation, que les prêtres puissent célébrer le rite traditionnel en toute liberté et, enfin, que les instituts dits Ecclesia Dei disposent d’une liberté d’apostolat dans le diocèse. Il n’y a pas eu à ce jour de réponses à ces demandes. Car en effet, il faut des prêtres formés dans les instituts traditionnels pour que la messe tridentine soit mieux célébrée. Il y a eu aussi ce rappel de cette affirmation étrange de Mgr Ulrich qui aurait dit que « Paul VI a fait ce qu’a fait saint Pie V ». Or Saint Pie V n’a fait qu’étendre à l’univers le Missel de la curie romaine de 1474 à tout l’univers chrétien, tout en laissant par ailleurs subsister ceux qui avaient plus de deux siècles d’existence.
Mais en revanche, on peut noter que Mgr Ulrich a quand même demandé à un prêtre diocésain de confirmer selon l’ancien rite. La mobilisation peut ainsi avoir des fruits. Le cardinal Roche n’est pas venu à des journées liturgiques prévues en mai dernier, prétextant une maladie… Les organisateurs seraient même sortis par une porte dérobée.
La messe traditionnelle continue à rayonner
D’autres personnes sont intervenues pour décrire le rayonnement de la messe traditionnelle. Comme avec ce témoignage de ce mouvement de catéchisation, KT-Sens, dont les membres ont été accueillis à Notre-Dame du Lys, ils ont pu maintenir une vie chrétienne en lien avec le diocèse. Traditionis Custodes a plutôt refroidi les relations avec ces groupes de fidèles. Mais on peut quand même constater des évolutions positives. Ainsi, certains membres de Quintessence qui vont à la messe Paul VI vont aussi à la messe traditionnelle. Enfin, une ancienne protestante convertie a raconté son itinéraire. Baptisée chez les évangéliques, elle s’est tournée vers la messe traditionnelle sans même être passée par le missel dit moderne. Elle insiste sur la distinction entre la lumière et les ténèbres qui apparaît dans la célébration traditionnelle. À la question de savoir comment attirer les personnes à la messe traditionnelle, un intervenant a répondu qu’il fallait la proposer autour de soi, non comme un impératif moral, mais comme une expérience à vivre.
Un hommage à Jean Madiran
Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique, s’est livré à un hommage à Jean Madiran (1920-2013), ce polémiste qui avait défendu la Tradition dans des moments troublés dans la vie de l’Église. Mais aujourd’hui, il est moins connu et disparaît dans la mémoire des plus jeunes. Jean Madiran était attaché à une vie publique chrétienne. « Dans le temporel, nous travaillons pour l’éternel », avait ainsi écrit Madiran. « Il ne suffit pas d’avoir la foi… Nous sommes faits pour vivre notre christianisme en chrétienté. » Négation de loi naturelle. L’homme croit que tout lui est dû: tel est cet esprit moderne, dénoncé dans les années 50 et 60, mais que l’on retrouver encore. « Nous sommes des héritiers, de débiteurs insolvables ». « Au moins jusqu’en 1958, l’Église est contre-révolutionnaire. »
Des profils différents découvrent la messe traditionnelle
Plusieurs autres tables rondes se sont également tenues. Elles ont mis en valeur l’attrait du rite traditionnel auprès de publics venus de différents horizons: des convertis de l’islam, des personnes venues de milieux non pratiquants ou même non traditionnels, mais aussi des recommençants. Les profils sont différents, et c’est tout à l’honneur du colloque que d’avoir rappelé cette réalité. La messe traditionnelle continue à attirer, à susciter de l’intérêt et il n’est pas certain que les restrictions actuelles soient efficaces.
A Notre-Dame-du-Lys, il s’agit du groupe KT-Sens et non de Quintessence.
C’est corrigé !