Professeur au département de théologie et sciences religieuses à l’université Villanova de Philadelphie, Massimo Faggioli a été interrogé dans Le Point suite à la nomination de vingt et un nouveaux cardinaux, dont dix-huit futurs électeurs. Extraits :
Le Collège électoral comptera prochainement 137 cardinaux électeurs, dont 70 % nommés par François (contre une trentaine par son prédécesseur, Benoît XVI). Le prochain pape sera-t-il obligatoirement d’essence bergoglienne ?
Oui et non. Un exemple, Bergoglio a été fait cardinal par Jean-Paul II mais cela n’a pas empêché de voir ensuite un pontificat avec des grandes différences avec celui du pape polonais. Il est en revanche plus probable, statistiquement parlant, que le prochain pape soit nommé par François lui-même mais cela ne veut pas dire que ce sera un François II. Il n’y a jamais de garantie, et encore moins aujourd’hui.
Qu’est-ce qui a changé ?
Parce que, lorsqu’on ouvre le Collège électoral à des personnes originaires de près de 60 pays, on se retrouve avec un Collège plus grand, plus global qui fait face à des thèmes plus complexes, comme la Chine, l’environnement, les questions morales. Et donc, un cardinal qui vient d’Asie ou du Pacifique, même s’il a été choisi par François, il lira n’importe quelle question d’une manière qui pourrait être bien différente de celle d’un latino-américain. Aujourd’hui, il n’existe plus de cardinaux qui répondent automatiquement à ce que leur dit le Vatican. […]
Nombre d’observateurs voient dans ces choix récents de Bergoglio une volonté de préparer son héritage, et donc sa succession. Qu’en pensez-vous ?
La question de l’héritage qu’il va laisser importe beaucoup à François mais il sait aussi que le pape ne peut pas indiquer clairement qui lui succédera, que la règle du jeu le lui interdit. Mais il y a des moyens discrets pour penser à la succession et ce pape, qui est un politicien raffiné, sait jouer ses cartes de manière déguisée, sans annoncer d’héritier ou de possible candidat. Parce que, comme le dit le dicton italien : « Qui entre pape en Conclave en ressort cardinal. »
À l’automne, puis en octobre 2024, se tiendra, à Rome, le Synode sur la synodalité, point d’orgue d’une profonde réflexion pour une Église plus ouverte et moins centralisée. Une ligne importante dans l’héritage de François, selon vous. Pourquoi ?
Ce Synode, comme mouvement, comme discussion, c’est le plus grand événement qui est arrivé à l’Église catholique depuis Vatican II. Cela va laisser une empreinte face à laquelle le prochain pape, qui qu’il soit, devra se positionner : il pourra l’ignorer mais il pourra aussi le poursuivre. Je pense qu’au-delà du fait de savoir si les cardinaux veulent un pape européen, africain ou asiatique, beaucoup se demanderont : on veut un pape pour la synodalité et, si oui, pour quelle synodalité ? Ce sera, selon moi, en haut dans la liste des facteurs à considérer. Parce ce que ce Synode est une chose énorme que François a posée au centre de l’Église.