Jean-Pierre Maugendre publie une intéressante tribune suite à la publication du premier document de travail sur le synode qui se tiendrait en octobre 2023 à Rome. Il pose beaucoup de questions.
Il fut un temps où les prédicateurs aimaient à enflammer le cœur de leurs ouailles à l’évocation de l’Eglise une, sainte, catholique, apostolique et romaine, unique arche du salut. Ces temps là semblent bien révolus. Les temps sont à l’Eglise synodale.
Qu’est-ce qu’une Eglise synodale ?
Le secrétariat du synode des évêques a publié le 20 juin l’Instrumentum laboris, instrument de travail de ce synode qui se tiendra en octobre 2023 à Rome. Ce texte est, bien sûr, publié avec l’assentiment du pape François. Notons d’abord que le terme de synode des évêques est impropre puisque, pour la première fois depuis sa création, en 1965 par Paul VI, plusieurs dizaines de femmes et de laïcs participeront à ce synode avec droit de vote. La première difficulté à la lecture de ce texte est de trouver une définition de ce que serait une Eglise synodale. Le lecteur de ce copieux document de soixante-deux pages apprendra uniquement qu’il s’agit d’une « Eglise qui écoute le peuple de Dieu » promu au rang de « lieu théologique », une « Eglise de rencontre et de dialogue qui n’a pas peur de la diversité », une « Eglise ouverte, accueillante et qui embrasse tout le monde », une « Eglise désireuse et capable de gérer les tensions sans se laisser écraser par elles », une « Eglise inquiète », etc. Le « peuple de Dieu s’étant », paraît-il, « mis en route », l’essentiel est de « marcher ensemble ». Dans quelle direction ? L’histoire ne le dit pas. Tout ce texte procède d’une logorrhée verbale dont seuls les fonctionnaires ecclésiastiques adeptes de la langue de buis et étrangers à la réalité s’enivreront. Qui en effet a vu ces foules dont l’Instrumentum laboris nous décrit : « le chemin sur lequel le peuple de Dieu avance avec enthousiasme » ? A ce jour, les seules foules observées sont celles du pèlerinage de Pentecôte à Chartres dont on n’est pas certain que la synodalité de l’Eglise soit la préoccupation majeure.
La Révolution dans l’Eglise
Comme l’écrit Jean-Marie Guénois dans le Figaro (20/06/2023), c’est à une véritable Révolution dans la gouvernance de l’Eglise qu’appelle ce texte. Citons quelques nouveautés proposées : l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, l’ordination diaconale de femmes, l’évaluation régulière des évêques, l’accueil des divorcés-remariés, des polygames ou des personnes LGBTQ+, la décentralisation de l’autorité doctrinale afin de prendre en compte les demandes des églises locales, etc. Il s’agit là d’une véritable Révolution, ce qui est explicitement avoué dans la volonté de « réviser le profil de l’évêque ». Or, il se trouve que l’Eglise catholique n’est pas une simple ONG soumise aux variations et aux aléas de l’air du temps. Elle est d’origine divine et sa constitution, monarchique, est celle voulue par Dieu lui-même. Selon la formule de Bossuet, « l’Eglise est Jésus-Christ répandu et communiqué ». La véritable tête de l’Eglise est le Christ lui-même dont le pape n’est que le vicaire. L’Eglise n’est pas la propriété du pape. Il n’est pas libre d’en faire ce que bon lui semble. Il lui est simplement demandé de garder le dépôt de la foi et de conforter ses frères dans la foi. A cet égard, ce texte dont il nous est précisé qu’il n’est pas un texte magistériel va sans doute créer plus de confusion que d’affermissement dans la foi. On voit mal les évêques africains s’ouvrir aux revendications du lobby LGBT ! Quant à la dénonciation du cléricalisme, elle fait sourire, jaune, tous ceux qui observent le combat acharné mené par de nombreux évêques, au premier chef celui de Rome, contre la part du peuple de Dieu attachée à la célébration de la messe romaine traditionnelle. Les homos, oui ! Les tradis, non !
Un texte et un contexte catastrophiques
Cette publication intervient alors que sont rendus publics les chiffres des ordinations sacerdotales en 2023. En France, ce chiffre n’a jamais été aussi bas avec l’ordination de cinquante-deux prêtres diocésains. A mettre en regard des dix ordinations bloquées par le Saint-Siège au diocèse de Fréjus-Toulon et des douze ordinations des communautés traditionnelles (IBP, ICRSP, FSSP, FSSPX). Ce mouvement de reflux est général avec quatre entrées en septembre 2023 au séminaire de Paris, un effondrement des ordinations en Pologne et en Italie, etc. Ce doit être l’effet pape François… Les foules enthousiastes décrites par l’Instrumentum Laboris ne semblent, en tout cas, pas se précipiter dans les séminaires.
Le Concile Vatican II invitait l’Eglise à lire les signes des temps (Gaudium et spes). Ce fut en réalité un temps d’accélération d’un processus plus ancien de conciliation de l’Eglise avec le monde et de rupture avec la Tradition. « 1789 dans l’Eglise » selon Mgr Suenens, cardinal archevêque de Malines-Bruxelles, une « Révolution d’octobre » selon le père Congar (o.p.) un des théologiens majeurs du concile. Le commandement de saint Paul : « Ne vous conformez pas à ce monde » (Rom XII, 2) a laissé la place à une « sympathie sans borne » (Paul VI, discours de clôture du concile) pour l’homme et le monde modernes. Les résultats sont là, sous nos yeux, observables par tous. L’Eglise s’est mondanisée semblant plus préoccupée du sauvetage de la planète que du salut des âmes. Ceux qui restaient réticents aux nouveautés conciliaires, s’en tenant aux vérités traditionnelles de la foi étaient accusés de ne pas être en « pleine communion » avec l’Eglise alors même qu’ils reconnaissaient l’autorité du souverain pontife mais lui déniaient le droit de modifier ce qui toujours, partout et par tout le monde avait été cru.
Que faire ?
La foi suffit ! C’est la foi qui nous tient attachés au catéchisme, à la messe, aux sacrements, à la Tradition de l’Eglise, à sa constitution divine. On vient nous dire que le pape nous ordonne de nous en séparer : il nous suffit de savoir que personne n’a ce pouvoir. Il ne nous appartient pas de savoir par quel mystère l’Eglise semble gouvernée depuis des décennies par un personnel ecclésiastique étranger à sa tradition liturgique, disciplinaire et doctrinale. Nous n’avons à rendre compte que de notre foi, pas forcément à rendre compte des étrangetés ou des scandales du gouvernement pontifical qui nous font parfois apparaître l’Eglise comme occupée par un personnel qui lui serait étranger. Si l’on nous demande ce que nous pensons des actes pontificaux qui, en apparence ou en réalité, contrarient l’attachement à la Tradition de l’Eglise nous avons tout à fait le droit de répondre : « Nous ne les comprenons pas« . Il se trouve au demeurant que cette réponse la plus ignorante risque aussi d’être la plus docte. Le mystère d’iniquité reste un mystère. Après plus de treize siècles le jugement des théologiens n’est toujours pas définitif sur les actes condamnables, et condamnés, du pape Honorius Ier.
Dans le clair-obscur de la foi nous nous en tenons, paisiblement mais fermement, aux sacrements qui ont sanctifié nos pères, à la doctrine qui leur a été transmise pour les conduire au ciel, dans la fidélité au Siège Apostolique pour lequel nous prions sans relâche afin qu’il nous conforte dans la foi. Hier comme aujourd’hui les hommes ont besoin de certitudes. Une Eglise en recherche, en interrogation permanente sur son identité et sa mission est infidèle à sa vocation et à la volonté de celui qui est « La voie, la vérité et la vie ». Le mal n’est pas d’aujourd’hui.
Déjà, Péguy s’insurgeait : « C’est un peu comme si on voulait perfectionner le nord, la direction du nord. (…). Le nord est naturellement fixe, le christianisme est naturellement fixe. Ainsi, les points fixes ont été donnés une fois pour toutes (…), dans le monde naturel et dans le monde surnaturel, dans le monde physique et dans le monde mystique. Et tout le travail, tout l’effort est ensuite au contraire de les garder, de les tenir, loin de les améliorer au contraire ».
Simples laïcs de la piétaille catholique nous prenons, enfin, la liberté de nous tourner vers les évêques et les cardinaux de la Sainte Eglise pour qu’ils interpellent le souverain pontife sur les graves dangers que fait courir à la foi et à l’Eglise le prochain synode sur la synodalité. Nous les assurons également de nos prières pour qu’ils assument, en cas de besoin, leurs responsabilités doctrinales et sacramentelles. Comme vient de le rappeler Guillaume Cuchet dans le Club idées du Figaro du 21 juin, le catholicisme en France est un catholicisme de combat dont le fer de lance est constitué par les familles catholiques. Les familles de France et le « peuple de Dieu » attendent de l’Eglise enseignante des paroles de vérité et de salut, pas de la bouillie pour les chats !
Jean-Pierre Maugendre
Vos paroles sont justes. Merci
L’église occupée… c’est aussi le titre d’un livre intéressant signé Jacques Ploncard d’ Assac
Merci de ta contribution Jean-Pierre. Il est important que toutes les sensibilités de l’Eglise s’expriment. Après tout, ne sommes nous pas “un seul corps” ? La tête ne peut pas dire au pied “je n’ai pas besoin de toi”.
Ce texte est sans doute intéressant, mais 1) d’une part, son titre contient une dangereuse ambiguïté ; 2) d’autre part, il ne va pas jusqu’au bout de la dénonciation de la mondanisation imposée par les prélats de haut rang (pape, cardinaux, responsables de dicastères-ministères du Vatican) ;3) il ne dénonce pas la lâcheté de l’ensemble des cardinaux qui ne se comportent pas en “gardiens de la porte”, celle qui empêche que l’enfer ne prévale sur le gouvernement de l’Eglise ; 4) il n’indique pas d’exemples concrets aux fidèles qui, faut-il le rappeler à M. Maugendre, ne sont pas “la piétaille”
– c’est un peu fatiguant de lire cela : on n’a pas attendu Vatican II pour savoir que les fidèles ont le même baptême que les cardinaux et le pape et donc, sont au même titre qu’eux ‘”l’Eglse” à PART ENTIERE, sauf qu’omnibulés souvent par l’infaillibilité pontificale et cette sorte d’adulation envers le pape quel qu’il soit (même le plus discutable), ils ne veulent pas, sauf exception, agir à la manière de sainte Catherine de Sienne pour rappeler au pape et à ses “ministres” du Saint-Siège les responsabilités qui leurs reviennent (elles sont lourdes, sans doute, mais celles de parents dans une famille le sont aussi ! -. Il serait temps que les fidèles fassent fonctionner leur cerveau et évitent de se référer à la de la presse dominante ou écoutent les journalistes de plateau.
Tout cela mérite d’être explicité (j’énonce quatre points de discussion) mais je ne vais qu’en développer qu’un seul ici, le point 1) faute de temps et il vaut mieux éviter de rédiger des textes trop longs qui ressemblent à une rhétorique “du temps passé”.
Lorsque M. Maugendre parle d’ Eglise occupée”, à degré de lecture fait-il référence ? Une Eglise qui “s’occupe” à s’occuper pour éviter de se poser les vraies questions ? et puisque celui qui a lancé “l’occupation” est le pape, on dira que cela coûte cher l’heure de conférence ou l’heure de discussion et par boutade, j’aurais envie de dire que dans ces conditions, je ne donnerais plus mon denier “de Saint-Pierre” !
ou alors veut-il dire que dans l’Eglise, nous vivons un temps “d’Occupation” (avec un grand “O” par référence à une période précise du siècle passé en Europe) ; cela voudrait-il dire alors que tels les Occupants avec leurs collaborateurs et un gouvernement de VIchy, ambigü, ou un gouvernement Quisling ouvertement suiviste ou un Léopold III absent, perdent progressivement leur légitimité, parce qu’ils appliquent des principes qui nient les fondamentaux de notre civilisation et alors, “mutatis mutandis”, serions nous aujourd’hui, dans l’Eglise, gouvernés pas des “occupants” dont les principes et les méthodes de type dictatorial sont de même substance que les Occupants historiques que je cite ? Là, je ne reproche pas à M. Maugendre d’y songer car, franchement avec tous ces scandales gouvernementaux que provoque le pape François 1er avec des cardinaux complices, qui offensent les fondamentaux de l’Eglise, voire de la Chrétienté, on peut se demander jusqu’à quel point de tels occupants ne sont pas eux aussi en train de perdre leur légitimité, justifiant qu’une “Résistance” venant des “simples” fidèles (je préfère cela à “piétaille”, même pour faire un effet de manche ou à “chrétiens anonymes” pour éviter l’image rahnérienne, si détestable) se mette en place silencieusement jusqu’au moment où les circonstances le permettant, avec l’aide du Saint-Esprit, ces fidèles résistants obtiennent la remise en cause de ce gouvernement, obligeant le pape François 1er à abdiquer et à son gouvernement de démissionner, et obtiennent surtout une “remise à l’endroit”, ce qui se traduirait par l’obligation de rendre des comptes à l’Eglise pour les dégâts commis.
Une dernière chose : il faut éviter d’être chauvin. Il n’y a pas qu’en France que les fidèles catholiques ont des fers de lance d’un retour à l’ordre des choses (mieux que “la Tradition-traditionnaliste”) ; pensons aux Mexicains des années 20-30 du XXème siècle qui ont dû se battre à mains nues face au silence des évêques qui ne les ont pas vraiment défendus (quant au pape Pie XI, les avis divergent, on le sait, sur son attitude) ; pensons aux Allemands victimes du Kulturkampf des années 1870, qui n’ont pas attendu que Pie IX ne les défende (mais il était malade) et que Léon XIII prenne le relais ; il n’y a que pour les Espagnols confrontés à la guerre civile que le pape Pie XI et surtout Pie XII, les prélats espagnols et le gouvernement du Saint-Siège ont pleinement joué leur rôle (réflexion comparable pour les Portugais des années 1910-1920). Et j’en oublie, d’autres nations ou d’autres continents. Il faut que le coq gaulois soit moins tonitruant !