Suite au Pèlerinage de Chartres, Mgr Benoit de Sinety, ancien vicaire général de Paris et aujourd’hui curé de la paroisse Saint Eubert à Lille [NDLR : Sur sa paroisse territorial est d’ailleurs célébrée la messe traditionnelle à Lille]. Il s’interroge notamment sur l’impossibilité de pouvoir célébrer la messe selon le Missel de Paul VI sur le Pèlerinage.
Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance Catholique et pèlerins de longue date lui répond :
Le succès du dernier pèlerinage de Pentecôte à Chartres – 16 000 pèlerins d’un âge moyen de 21 ans – a suscité un émoi médiatique bien au-delà du Landerneau catholique. Celui-ci n’en est pas moins fort agité. Les déclarations se multiplient.
La voix la plus autorisée est certainement celle de Mgr de Sinety, curé de la paroisse Saint Eubert de Lille, ancien vicaire général de Paris, dans une tribune publiée sur Aleteia : « Sur la route de Chartres, l’expression de l’ordinaire ». Il fait part de son inquiétude qui rejoint celle du père Amar dénonçantaussi sur Aleteia des « divisions internes anachroniques ». Mgr de Sinety est troublé par l’usage exclusif de la messe romaine traditionnelle au pèlerinage de Chrétienté. Il y voit une atteinte à l’unité de l’Eglise et s’interroge : Pourquoi ? Trois raisons semblent émerger pour expliquer cet exclusivisme liturgique.
Une raison historique
La première est historique. Depuis sa fondation en 1983 le pèlerinage de Chartres a toujours été fidèle à la messe traditionnelle. Cela fait partie de son ADN. C’est cet attachement à la messe traditionnelle qui fit qu’en 1983 puis en 1984 la messe ne put être célébrée dans la cathédrale de Chartres. Merci de nous épargner l’argument selon lequel ce qui était alors en cause ce n’était pas la messe en tant que telle mais les liens des organisateurs avec la Fraternité Saint Pie X. En 1983 le célébrant à Chartres était l’abbé Philippe Tournyol du Clos et en 1984 le père Bernard Lecareux. Ni l’un ni l’autre n’étaient membres de la Fraternité Saint Pie X et leur situation canonique était tout à fait régulière.
Une raison psychologique
La seconde raison est psychologique. Par le motu proprio Traditionis custodes puis les différentes mesures d’accompagnement mises en œuvre par le cardinal Roche, préfet du dicastère pour le Culte divin et la discipline des sacrements, le pape François a clairement manifesté sa volonté de voir disparaître la célébration de la messe traditionnelle. Avec plus ou moins de zèle les évêques diocésains s’adaptent à ce nouvel état de fait. A cet égard Mgr de Sinety tient de curieux propos. Il évoque une « victimisation épuisante pour l’unité » et dénonce le « rejet de toute idée de synodalité ». Si la synodalité c’est « l’écoute du peuple de Dieu », que font les autorités romaines et épiscopales des 38% de jeunes catholiques interrogés par La Croix du 26 mai qui apprécient la « messe en latin » ? Quant à la victimisation présumée elle n’est pas un phantasme mais une réalité. Oui ou non y a-t-il eu des célébrations de messes traditionnelles supprimées à Paris ? Oui ou non y a-t-il des diocèses dans lesquels il est interdit de célébrer des baptêmes ou des confirmations selon la forme traditionnelle ? Le pape François ayant fait le choix de rallumer la guerre liturgique il apparaît « inopportun » de demander aux « persécutés » de porter au pinacle le symbole de leur persécution. Est-il vraiment judicieux, et délicat, de demander à venir en bicyclette à un pèlerinage de motards ?
De multiples interrogations doctrinales
Enfin, ce qui frappe dans toutes ces réflexions c’est le refus d’aborder la question de fond qui est celle des fruits de la réforme liturgique et de la licéité d’émettre des réserves ou de poser des questions à propos d’actes du magistère. Dans sa lettre Vicesimus Quintus annus du 4 décembre 1988 le pape Jean-Paul II écrivait : « Les pasteurs et le peuple chrétien dans leur immense majorité ont accueilli la réforme liturgique dans un esprit d’obéissance et même de ferveur joyeuse ». La réalité est que dans un pays comme la France la pratique religieuse a été divisée par dix en l’espace de deux générations. On n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si la réforme n’avait pas été accueillie avec une « ferveur joyeuse ». Il n’en fut rien et tout le monde le sait !
Mgr de Sinety est aussi troublé par le fait que l’on puisse penser que la messe qu’il célèbre est « indigne ou indigente ». Le qualificatif le plus approprié est sans doute celui de Louis Salleron affirmant que la nouvelle messe était « équivoque » ? Comment, sans cela, expliquer la réflexion que faisait un évêque de France à Jean-Marie Guénois, dans le Figaro du 23 novembre 2020, observant « une foi catholique eucharistique théologiquement divergente » jusque chez les évêques. Le drame est que, par nature, le missel réformé est à géométrie variable, ce qui contribue grandement à sa désacralisation. Lors des journées liturgiques de Fontgombault (24 juillet 2001) le cardinal Ratzinger notait : « Dans le nouveau missel nous trouvons assez souvent des formules comme : le prêtre dit ainsi ou de manière semblable ou bien : ici le prêtre peut dire. Cette formule du missel officialise en fait la créativité ». Beaucoup de fidèles se plaignent qu’en pratique entre deux paroisses « ordinaires » il n’y ait jamais deux messes identiques. Cette diversité est une des composantes majeures et une des innovations fondamentales de la réforme liturgique. Réforme qui pose toujours, plus de cinquante ans après la publication du Bref Examen Critique de la Nouvelle Messe par les cardinaux Ottaviani et Bacci, à la conscience catholique de redoutables questions quand on se rappelle le constat des deux cardinaux : « Le Nouvel Ordo Missae (…) s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formulée à la XXIIème session du concile de Trente ». Ce texte est toujours d’actualité et vient d’être réédité par les éditions Contretemps avec une préface du cardinal Burke, ancien préfet du Tribunal Suprême de la Signature apostolique.
L’inquiétude ne peut que croître lorsque le cardinal Roche déclare, es qualité, le 19 mars 2023 à propos de la messe : « La théologie de l’Eglise a changé ». Il y aurait donc dans l’Eglise les tenants de l’ancienne théologie et ceux de la nouvelle. Terrible constat ! Le fait est que toute la liturgie romaine traditionnelle conduit le prêtre et les fidèles à croire qu’il s’agit lors de la messe du renouvellement non sanglant du sacrifice du calvaire opéré par les mains du prêtre. Nous dirons pudiquement que « l’ethos liturgique » de la nouvelle messe est sensiblement différent. Combien, clercs ou laïcs croient comme l’a rappelé pendant des années le missel « à fleurs » publié par la CEF au moment de la réforme liturgique comme rappel de foi indispensable : à la messe « Il s’agit de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli » ?
Mgr de Sinety nous explique benoîtement qu’il n’est pas parvenu, comme responsable des aumôneries étudiantes d’Ile de France à « inverser la décrue spectaculaire qui s’opérait pour le pèlerinage des étudiants vers Chartres ». Plutôt que de s’inquiéter du « succès montant » du pèlerinage de Chrétienté, Mgr de Sinety ne devrait-il pas plutôt s’interroger sur les raisons de ce succès, et de son échec ? N’y aurait-il pas, paraphrasant une formule célèbre, une grâce particulière attachée à la célébration pleine et entière de la messe romaine traditionnelle ?
Quant à l’argument démocratique « laisser croire qu’il y a plus de vérité dans le rite d’un petit nombre que dans celui de l’immense majorité » il laisse pantois quand on se souvient de la solitude de Saint Athanase et de saint Hilaire de Poitiers au moment de la crise arienne.
Nos questions
En réponse aux interrogations de Mgr de Sinety nous aimerions à notre tour lui demander : Pourquoi ?
Pourquoi cet ostracisme contre la liturgie romaine traditionnelle ?
Pourquoi ce refus de voir la réalité qui est l’engouement d’un public de plus en plus large et jeune pour la messe traditionnelle ?
Pourquoi cette impossibilité de dresser un bilan, objectif et serein, de la réforme liturgique loin des incantations et des arguments d’autorité ?
Pourquoi est-il impossible de débattre de la continuité, ou de la rupture, entre la réforme liturgique bugninienne de 1969 et la constitution conciliaire sur la liturgie Sacrosanctum concilium ?
Jean-Pierre Maugendre, pèlerin de Chartres depuis 1983, avec cependant quelques interruptions
On peut également lire la réponse d’un autre laïc, Cyril Farret d’Astiès (via le Salon Beige)
Puis-je rappeler que le Bref examen critique ne vise que la première édition du Missale Romanum de Paul VI, et surtout les introductions? Suite à ce Bref examen, l’édition suivante a été immédiatement corrigée par ordre de saint Paul VI. Le Cardinal Ottaviani, toujours cité à côté du Card. Bacci, a explique aussi comment il avait “signé”, aveugle qu’il était, ce Bref examen… Tout cela n’est guère glorieux ni honnête.
Pour autant, très intéressante analyse de M. Maugendre (merci!), en réponse à un prêtre qui fait honte, même s’il est “mgr”… D’ailleurs, ce titre n’est-il pas attaché à sa fonction de Vicaire général qu’il n’a plus (le titre est alors perdu, désolé)? A moins qu’il l’ait reçu personnellement du SP François?
Coquille : Mgr de Sinéty s’appelle Benoît et non Emmanuel !
La Question de Démarches Synodales diocésaines est essentielle Quelle Paroisse a t’elle interrogé Anonymement son 1er Cercle de Paroissiens habituels et son 2nd cercles Paroissiens Ponctuels,Occasionnels ? AUCUNE On a entendu que le Groupe habituel dont beaucoup de Femmes, souvent au même profil, frustrées de ne pouvoir être Consacrees Prêtres ou Diacres Pour autant aucune ne fait la démarche de devenir Oblates d’un tiers ordre .
Ces Synodes n’ont souvent qu’un but Officialiser des Déviances, Lever des interdits qui ne sont souvent plus respectés .
Le Pape n’est pas seul en cause Très certainement il y a lieu de mettre en cause un Groupe autour de lui dont sans doute la mouvance activiste Jésuite
Le jour où l’on se décidera à enquêter sur l’appartenance du clergé à la franc-maçonnerie et que l’on appliquera le droit canon d’avant 1988, toutes ces questions n’auront plus lieu d’être et l’Eglise redeviendra l’Eglise du Christ.
Fidèle de la messe selon la forme post conciliaire, je dois reconnaitre n’avoir jamais eu de crise d’urticaire en assistant à une messe selon la la forme tridentine, je ne peux en dire autant des nombreuses messes conciliaires où j’ai pu compter sur les doigts d’une main les paroles de l’ordinaire de la messe qui avaient été prononcés correctement (Cela se réduisait parfois aux seules paroles de la consécration et au Notre Père, ce dernier étant chanté sur un air joyeux qui donne plus envie de danser plus que de prier, alors qu’on y demande le pardon des pêchés et la protection contre la tentation et le mal. Le crédo était parfois remplacé par un affligeant “je crois en dieu qui chante et qui fait chanter la vie” où notre rédemption par la mort et la résurection du Christ était absente et avec un triste paradoxe : les paroles joyeuses du refrain chanté sur un air ce terminant en triste decrescendo. Une seule réforme me parait pertinente dans le missel de Paul VI , mais elle est de taille : le nouveau propre du jour qui nous permet d’entendre la quasi totalité des quatre évangile, 70% du nouveau testament et 30 % de l’ancien. Ce sont les seules parties de la bible que je connais hormis de rare lecture personnelle. Une célébration digne et conforme à la Tradition est possible en utilisant le missel de Paul VI, mais seulement sous condition de s’abstenir de l’excès de liberté par trop permis par des normes devenus trop laxistes et imprécises. Il est incompréhensible de permettre n’importe quoi sauf ce qui était obligatoire jusqu’en 1965.