Tribune de Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, publiée le samedi 27 mai à propos de la fin de vie :
Impressionné par la violence croissante de notre société et plusieurs drames récents, le Président de la République a déclaré avec force mercredi dernier : « Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation ». Le choix de ce terme, particulièrement fort et solennel, est plus que suggestif. Car ce qui rassemble les personnes contribue à en faire des citoyens, « cives », à les civiliser. Mais ce qui les oppose, ce qui s’oppose à leur inaliénable dignité, décivilise.
Comment ne pas reprendre ce terme présidentiel de décivilisation à propos de ce qui risque d’être proposé à la représentation nationale en matière de fin de vie ? Autoriser le « suicide assisté » sur le modèle de l’État américain de l’Oregon ou de la Suisse constituerait une transgression éthique majeure. Quelle conséquence une telle autorisation aurait-elle sur les politiques actuelles de prévention du suicide et de prise en charge médicale après une tentative de suicide ? Une société complaisante à l’égard du suicide, est une société suicidaire, une société qui se suicide elle-même.
Dans un entretien récent au Journal du Dimanche, Mme Firmin Le Bodo, Ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, annonce une légalisation de l’aide active à mourir « encadrée ». L’expérience le prouve, le prétendu encadrement d’une transgression choisie n’est jamais rien d’autre que le cheval de Troie de cette transgression. Tout n’est pas négatif dans cet entretien, en particulier l’annonce réitérée d’un plan en faveur des soins palliatifs. Mais ce qui est étonnant, c’est que ce plan est prévu pour 2024, alors qu’une loi sur l’aide active à mourir pourrait être votée dès la fin de 2023. C’est le contraire de l’ordre préconisé par le dernier avis du Comité consultatif national d’éthique.
Il est surprenant que ce sujet si important ne soit pas pris en charge par le ministre de la Santé lui-même. Celui-ci porte le titre de ministre de la Santé et de la Prévention : la première des préventions, la déclaration présidentielle le suggère, ne devrait-elle pas être celle de la décivilisation ?