Benoît-et-moi a traduit un article de Luisella Scrosatti sur lanuovabq.it à propos du droit de vote accordé aux laïcs pour le prochain “synode” des “évêques” :
[…] Selon les souhaits du Pontife, « tous » pourront donc voter. Mais comme, comme dans toute république bananière, le permis de « tous » n’est donné que par le patron, même le Pape a jugé bon de ne pas déroger à la coutume : les 70 nouveaux membres votants non évêques sont décidés par lui. Synodalité donc, mais pas trop. Scaraffia s’en est également rendu compte : « Je trouve de plus en plus incroyable ce fait du pape synodal centralisateur ». Ce n’est pas incroyable, c’est typique d’un certain courant sud-américain.
Toujours dans le respect scrupuleux de la bureaucratie parallèle nécessaire à tout gouvernement dictatorial, le pouce vers le bas ou vers le haut sera exercé par le pape sur une liste de 140 personnes, explique le Secrétariat, « identifiées (et non élues) par les sept Réunions internationales des Conférences épiscopales et l’Assemblée des patriarches des Églises orientales catholiques (20 pour chacune de ces entités ecclésiales) ». La moitié des élus doit nécessairement être dans le quota rose. Une folie, un tribut au politiquement correct.
Les 70 magnifiques seront issus d’une sorte de présélection, sur la base de la « culture générale » des candidats (test avec croix ou réponse libre ?), de « leur prudence » (c’est-à-dire le degré de soumission), mais aussi de leurs « connaissances, théoriques et pratiques » (de quoi ? Sujet au choix ?), et enfin de « leur participation à divers titres au processus synodal », condition fondamentale pour comprendre si le candidat a déjà fait preuve d’une loyauté absolue envers le système.
Orthodoxie, intégrité de la vie morale, mérites particuliers au service du prochain : des critères dépassés. Et, ce qui n’est pas moins important, au Synode se rendra non pas une représentation de l’Église réelle, mais l’Église « identifiée », c’est-à-dire celle qui a été sélectionnée selon les critères tout à fait vagues et subjectifs mentionnés ci-dessus.
Revenons au quota de femmes : 35 choisies, auxquelles s’ajoutent, en vertu d’un autre changement voulu par le pape, 5 religieuses élues par les organisations des Supérieures majeures (auxquelles se joindront un nombre égal d’homologues masculins) et l’élue par excellence, la sous-secrétaire Sœur Nathalie Becquart, première femme à avoir le droit de vote dans un synode d’évêques par la volonté du pape. À l’époque, en février 2021, le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Secrétariat général du Synode, avait déclaré :
Avec la nomination de Sœur Becquart et sa possibilité de participer avec droit de vote, une porte a été ouverte, nous verrons ensuite quelles autres étapes pourront être franchies à l’avenir.
Les mystérieuses étapes futures, du moins les plus proches, étaient déjà assez évidentes : si un laïc peut voter à un synode d’évêques, on ne voit pas pourquoi 70 ne pourraient pas voter, et peut-être même la moitié des membres demain. Qu’ils soient hommes ou femmes.
Avec le vote des laïcs au sein du Synode, nous pouvons supposer sans risque qu’il ne s’agit plus du Synode des évêques, tel qu’il est défini et réglementé par les canons 342-348. Le canon 342 est presque tautologique :
Le synode des évêques est une assemblée d’évêques qui […] se réunit à des moments déterminés pour favoriser une union étroite entre le Pontife romain et les évêques eux-mêmes.
Et pourtant, même la Constitution apostolique Episcopalis Communio, signée par François, enseigne que les membres du Synode des évêques sont les évêques, selon le can. 346, auxquels s’ajoutent les membres des instituts religieux cléricaux. Il y a également d’ « autres participants », y compris des laïcs, qui n’ont toutefois pas le droit de vote.
Malgré les assurances « de maintenir la spécificité épiscopale de l’Assemblée convoquée à Rome », il n’est pas au pouvoir du Pape d’ordonner qu’une donnée soit différente de ce qu’elle est ou de supprimer le principe de non-contradiction. Le Synode des évêques est tel parce qu’il compte des évêques parmi ses membres ; si un quota, qui semble être d’environ 1/4, n’est pas constitué d’évêques, ni lié à la constitution hiérarchique de l’Église par l’Ordre sacré, alors il ne s’agit plus du Synode des évêques, mais de celui des chrétiens. Ce qui n’est ni mieux ni pire, mais simplement autre chose.
La décision du pape François nous fait donc pousser un soupir de soulagement. La direction que prendra le Synode à partir de là, en termes de contenu et de discipline, est assez claire, et ce n’est pas une bonne perspective. Mais maintenant au moins nous savons que le document qui sortira de l’Assemblée ne sera tout simplement pas un document du Synode des évêques, et donc que toute ratification par le Souverain Pontife (cf. can. 343) sera tout simplement nulle et non avenue.
Deuxième considération : le sacerdoce féminin est plus proche que nous ne le pensons. Et la position négative exprimée par François n’est pas du tout rassurante. D’abord parce que le pape a montré qu’il pouvait tranquillement dire et écrire une chose et faire (ou laisser faire) exactement le contraire. La question de la bénédiction des couples de même sexe est assez évidente. Tout comme la Constitution apostolique mentionnée plus haut. Par ailleurs, il est un fait que plus d’une prémisse a été posée dans le sens de conférer les Ordres sacrés aux femmes : la réouverture de la question du diaconat féminin, avec la mise en place, en avril 2020, d’une nouvelle commission d’étude sur le sujet ; puis le Motu Proprio « Spiritus Domini » (2021), qui a admis les femmes aux ministères de lecteur et d’acolyte ; puis la nomination de trois femmes au Dicastère des évêques. Et maintenant, les femmes (et les laïcs en général) sont mises sur un pied d’égalité avec les évêques, en tant que membres d’un Synode des évêques.
Beaucoup, beaucoup trop de fenêtres d’Overton ont été ouvertes.
[…]