Dans certains diocèses, Traditionis Custodes est appliqué d’une manière qui va bien au-delà de ce qui serait requis par la lettre de la loi. L’une de ces façons se manifeste lorsque les évêques tentent de redéfinir la “Messe privée” comme une Messe à laquelle seuls un prêtre et un servant sont présents, et personne d’autre.
Le blogue New Liturgical Movement rappelle ce que nécessite le droit canonique. Si un évêque se contente de dire à ses prêtres que telle sera sa politique, ou de la leur communiquer de manière informelle, alors elle n’est ni valide ni légalement exécutoire, la raison en étant donnée dans une série de canons :
Can. 49 – Un précepte particulier est un décret par lequel il est imposé, directement et légitimement, à une ou plusieurs personnes déterminées, de faire ou d’omettre quelque chose, surtout pour urger l’observation de la loi.
Can. 51 – Le décret sera donné par écrit, avec l’exposé au moins sommaire des motifs, s’il s’agit d’une décision.
Can. 54 – § 1. Un décret particulier dont l’application est confiée à un exécutant produit effet à partir du moment de l’exécution; sinon, à partir du moment où il est signifié au destinataire par l’autorité dont il émane.
Can. 55 – Restant sauves les dispositions des cann. 37 et 51, quand une cause très grave empêche que le texte écrit du décret soit remis, le décret est considéré comme signifié s’il est lu à son destinataire devant un notaire ou deux témoins; procès-verbal devra en être dressé et signé par tous ceux qui sont présents.
Ce que l’on peut déduire de ces canons, c’est que l’évêque aurait dû présenter une telle limitation des droits d’un prêtre par écrit et la promulguer en bonne et due forme. Si un évêque a l’intention d’interdire une chose à laquelle un prêtre a normalement droit, il doit la promulguer par écrit, car elle doit pouvoir être contestée par les personnes concernées. Sinon, il s’agirait simplement d’une forme d’intimidation : “Vous devez faire ceci parce que je le dis”, sans trace écrite. Maintenant, dans le cas présent (où un évêque tente de redéfinir une Messe privée), quel droit du prêtre serait enfreint ?
Can. 906 – Le prêtre ne célébrera pas le Sacrifice eucharistique sans la participation d’un fidèle au moins, sauf pour une cause juste et raisonnable.
Notez que le Can. 906 exige normalement qu’il y ait “au moins un fidèle”, ce qui est délibérément ouvert : cela pourrait logiquement et légalement inclure plusieurs personnes, voire une grande église pleine à craquer. Cela reste vrai pour une messe qu’un prêtre libre offre n’importe quel jour de la semaine, dans n’importe quel lieu légitime et pour n’importe quelle raison légitime. Cela inclut une Messe célébrée, pour une raison appropriée, dans une chapelle latérale, dans une école ou un centre de retraite, dans la chapelle d’un presbytère, dans une maison, etc.
Or, le pape Jean XXIII, dans le Code des Rubriques de 1960, n. 269 (et après lui, Paul VI dans l’encyclique Mysterium Fidei, nn. 32-33) a rejeté le terme “Messe privée” parce qu’une Messe, de par sa nature même, est un acte social – même lorsqu’elle est dite par un prêtre avec un servant et personne d’autre. Historiquement et juridiquement, une “Missa privata” signifiait une Messe “privée” de solennité ou de cérémonial – une Messe basse à un autel latéral par opposition à une Messe solennelle conventuelle. Ce n’est que plus tard et de manière familière que ce terme a acquis le sens de “non officiel, non programmé, non annoncé”. Néanmoins, nous pouvons raisonnablement décrire une Messe qui est dite sur une propriété privée (pas dans une propriété diocésaine) et qui n’est pas annoncée au public, et sans pompe et circonstance, comme une “Messe privée”. Il n’y a pas de règle canonique qui l’interdise, et, pour les raisons données, une simple instruction verbale d’un évêque pourrait suffire.
(Soyons clairs sur ce point : Toute mise en œuvre de Traditionis Custodes qui n’est pas formellement engagée par écrit de manière à ce qu’elle puisse être canoniquement évaluée et contestée est invalide à première vue et ne peut être appliquée).
Il est arbitraire de limiter les servants à un seul. Il n’y a aucune base canonique pour une telle limite. Un prêtre pourrait avoir un, deux ou trois servants, ou autant que cela semble convenir. De même, il est arbitraire de spécifier qu’un servant peut être présent mais pas, disons, trois laïcs qui ne font qu’assister et prier. À moins que le servant ne soit ordonné à l’ordre mineur d’acolyte ou installé dans le “ministère” d’acolyte, le servant est simplement un laïc portant une soutane et un surplis et offrant une certaine assistance. Il n’y aurait pas de base objective pour la limite susmentionnée. En effet, étant donné que le terme même de “Messe privée” est à éviter selon le Code des Rubriques de 1960 (n. 269), on pourrait considérer que toute politique formulée en termes de “Messe privée” est théologiquement non fondée, et mérite donc d’être ignorée.
Avant 1958, le terme “missa privata”, lorsqu’il était utilisé par le Saint-Siège, avait plusieurs significations : conditions d’intimité, absence de solennité ou de musique, etc. Je ne peux que supposer qu’un évêque aujourd’hui pourrait l’utiliser dans le sens de la Messe “sine populo”, comme la distinction existe dans les textes du Novus Ordo. Ce concept n’existe cependant pas pour l’usus antiquior, et est donc inapplicable.
Puisque la législation actuelle ne définit pas la “messe privée”, un évêque pourrait faire valoir qu’il lui appartient de faire des distinctions (en utilisant la notion souvent citée à tort de l’évêque en tant que “liturgiste en chef” de son diocèse), bien que le contre-argument serait que de telles distinctions sont praeter legem et dépassent l’autorité de l’évêque. Il faut simplement résister à un évêque qui interdit l’ancienne messe. Les prêtres devraient continuer à offrir la Messe. Si nécessaire, indiquez que “le Père offrira une Messe privée à 8h30 dans la chapelle de l’école. Les portes de la chapelle seront déverrouillées pendant cette offrande privée de la Messe”.
Incidemment, si un évêque osait interdire aux prêtres de dire la Messe privée, son interdiction serait totalement nulle et non avenue. En vertu du Can. 906 (et il s’agit là d’un changement par rapport au Can. 813 du Code de 1917), un prêtre est autorisé à célébrer la Messe sans servant ou sans personne d’autre pour une “cause juste et raisonnable”, ce qui a longtemps été compris canoniquement comme incluant simplement le grand bien, pour lui-même et pour l’Église, du prêtre disant la Messe quotidienne.
Ainsi, en tenant compte de tout ce qui précède, hypothétiquement, dans un diocèse où un évêque a tenté de limiter les “messes privées” à un prêtre et un servant, il serait permis à un prêtre de célébrer une Missa sine populo sans servant (c’est-à-dire une Missa solitaria) pour une “juste cause” selon le Can. 906 (quelle cause plus juste que la poursuite de la sainteté et l’honneur de Dieu selon la saine tradition rituelle de l’Église ?), mais de telle sorte que certains fidèles se trouvent là au même moment pour une raison sans rapport (disons, par exemple, qu’ils se sont réunis pour prier le Rosaire). Dans ce cas, tout serait canoniquement correct et la décision de l’évêque – déjà incorrecte pour d’autres raisons – ne trouverait même pas de matière à laquelle s’appliquer.