Le journal La Nef vient de publier un intéressant dossier sur les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain dans son numéro 338 (Juillet – Août 2021). Ce dossier d’une vingtaine de pages fait un véritable état des lieux de la situation.
Dans son article, Pierre Louis a réalisé une enquête chiffrée assez détaillée (diocèse par diocèse)… et tente de dresser le visage des fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain.
Une petite minorité de catholiques
Représentant environ 4 % des pratiquants (7 % en y ajoutant les fidèles de la Fraternité Saint-Pie X), les traditionalistes sont une petite minorité de l’Église qui est en France. En outre, ils se répartissent dans les diocèses selon une grande diversité : s’ils sont bien présents en quelques endroits (15 % dans le diocèse de Versailles, 12 % dans le diocèse de Carcassonne, 11 % dans les diocèses d’Avignon ou de Laval, 10 % dans celui de Toulon), ils sont quasi-inexistants ou tout du moins invisibles dans d’autres (Viviers, Châlons-en-Champagne, Langres, Amiens, etc.). Avec les chiffres donnés ci-contre, chaque diocèse pourra en calculer l’exacte proportion.
Cette grande disparité repose non seulement sur l’importance de la demande (on le voit par exemple avec le diocèse de Versailles), mais aussi sur le nombre de lieux dédiés à cette liturgie (celui de Toulon avec une quinzaine d’offres est atypique). Mais inversement, cela signifie aussi, spécialement dans les diocèses peu pourvus en lieux de messe traditionnelle, qu’une proportion non négligeable de fidèles tradis ne sont pas comptabilisés dans notre étude car n’ayant pas de lieu à proximité. Ils se rabattent alors soit vers les paroisses soit, dans une moindre proportion, vers la Fraternité Saint-Pie X. À combien peut-on estimer ces fidèles ? Il est difficile de le dire. Aujourd’hui, il manque probablement une centaine de lieux (à peu près un par diocèse) pour environ 10 000 personnes qui pourraient être intéressés (2). Ainsi, compte tenu de cette frange non répertoriée, il ne semble pas déraisonnable d’estimer l’ensemble des fidèles tradis en France à environ 60 000.Une réalité aux multiples visages
Au-delà des pratiquants réguliers qui se retrouvent chaque dimanche, nombreux sont ceux qui alternent avec la paroisse locale. Ainsi pratiquent-ils la liturgie traditionnelle, soit de temps en temps le dimanche (comptabilisés ici dans le nombre élargi), soit grâce à d’autres activités : messe en semaine, scouts, écoles hors contrat… (comptabilisés ici dans le nombre global). Ils sont ainsi nombreux à se rajouter au nombre habituel des pratiquants (environ 50 % en plus). En certains endroits, cette proportion est plus forte encore (notamment dans l’ouest parisien), sans doute en raison d’un certain déficit de messes dominicales.
Cependant, cette réalité plurielle des fidèles traditionalistes est perçue bien différemment par les diocèses et par les tradis eux-mêmes :
– Les diocèses considèrent surtout le nombre habituel des pratiquants du dimanche : par exemple, dans la synthèse de la CEF, le diocèse de Versailles annonce le chiffre de 5500, ce qui correspond très exactement au nombre habituel des assemblées dominicales. Le diocèse de Paris annonce dans cette même synthèse « entre 1100 et 1300 » : ce qui est en fait bien en deçà de la réalité (autour de 2000). Cet écart assez significatif s’explique probablement par l’oubli de certains lieux de culte… Mais en se focalisant ainsi sur le seul nombre habituel, les diocèses oublient peut-être que les fidèles ne demandent pas seulement une liturgie mais aussi toute une pastorale traditionnelle (un catéchisme traditionnel, un scoutisme traditionnel, une école aux méthodes traditionnelles, etc.).
– Les tradis, quant à eux, se comptabilisent avec tous ceux qu’ils côtoient et qui ont un lien régulier avec la forme extraordinaire (notre nombre global dans l’enquête).
Cette double manière de compter peut aussi expliquer quelques quiproquos et difficultés dans le dialogue entre les diocèses et les fidèles traditionalistes.
Sans oublier qu’au-delà des pratiquants réguliers ou occasionnels, il y a encore tous ceux (ils ne sont pas comptabilisés dans notre étude) qui côtoient ponctuellement le « monde tradi » pour des retraites, des sessions, des pèlerinages, des formations, des conférences, des groupes de couples ou de jeunes, des chorales, des camps pour enfants ou ados, des mariages, des funérailles, etc. Bref, le tradiland tient une place non négligeable dans le catholand des moins de 50 ans !
Suite de l’article ‘Enquête : une minorité vivante et diverse’ (sur le site de la Nef)
Sommaire de ce dossier spécial de La Nef : les « TRADIS »
Les « tradis » : d’où viennent-ils ?, par Christophe Geffroy
Enquête : une minorité vivante et diverse, par Pierre Louis
« Servir au mieux l’œuvre de Dieu », entretien avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort
Éviter des « réserves d’Indiens », entretien avec le chanoine Louis Valadier
« Un rôle réformateur à jouer », entretien avec l’abbé Benoît Paul-Joseph
La question « tradi » dans l’Église, par Christophe Geffroy
Une difficile réconciliation, par l’abbé Gérald de Servigny
Versailles, laboratoire unique, par Michel Lefèvre
Une meilleure transmission de la foi, par Hubert de Saizieu
Vous avez dit « tradismatique » ?, par Marine Tertrais
Coup de projecteur sur l’étranger, par Jean Bernard
« Un des pôles de l’Église », entretien avec Guillaume Cuchet
J’ai lu, mais l’article ne dit pas si ces traditionnels :
– vivent dans des milieux urbains favorisés ou non.
– s’impliquent pleinement dans la vie sociale du
pays : élus locaux, syndicalistes, responsables de fédérations professionnelles,
– s’investissent dans la connaissance du Magistère et en particulier, la doctrine sociale de l’Eglise .
Répondre oui à la première question et non aux deux suivantes risque de donner à ce mouvement un caractère superficiel aux réflexions naïves sinon caricaturales et certainement pas constructives pour lui donner une pleine légitimité d’influence dans et hors de l’Eglise.
Autant prévenir tout de suite.
Mais j’espère me tromper au vu de ce supplément d’enquête sur ces trois points que je viens d’évoquer.