L’incendie de l’église d’Attawapiskat, détruite par un incendie le 21 avril dernier, rappelle que d’autres églises du nord de l’Ontario sont régulièrement fermées et vendues.
Le 16 juillet 2017, Radio-Canada listait leur nombre à une quinzaine depuis 2004, où le diocèse de Timmins en avait fermé cinq. En 2010, le diocèse de Sault-sainte-Marie en ferme cinq autres, dont trois de langue anglaise à Sault-sainte-Marie, vendues. La même année, les églises francophones de la Résurrection et du Sacré-Coeur, à Sturgeon Falls (démolie en 2015) et North Bay, cessent leur activité, tandis que le diocèse de Hearst vend l’église et le presbytère de Sainte-Rita (Val-Rita). En 2011 le même diocèse ferme l’église Saint-Stanislas à Harty. En 2016 enfin c’est l’église Saint-Mathieu de Wahnapitae, bilingue français-anglais, qui cesse son activité. De plus, l’orphelinat d’Youville à Sudbury a été fermé et détruit en 20005.
Ces fermetures ont continué depuis et se sont accélérées à travers tout le Canada avec la crise du coronavirus et les restrictions fortes mises en place dans les régions – au Québec, la jauge a été maintenue des mois durant à cinquante fidèles, et est tombée depuis le 6 avril à 25 – il n’y a cependant pas de société civile et donc aucun mouvement de protestation.
Au Québec, le nombre de fidèles, qui déclinait de 3 à 4% par an, s’est contracté de 10% dans l’année qui précédait le Covid et d’un cinquième l’année du Covid – nombre de fidèles qui regardaient les messes depuis chez eux ne sont pas retournés dans les églises – compliquant la situation financière des paroisses largement obligées de se séparer de leurs églises.
En Ontario, cette déprise du catholicisme est liée au déclin du français en milieu rural ; or, précise Radio Canada qui cite l’historien Serge Dupuis « la langue française au Canada a toujours été intimement liée à la religion catholique. La perception de l’Eglise comme un lieu de pouvoir pour la préservation de langue est restée bien ancrée en Ontario, et ce même si son influence politique a faibli au fil du temps ».
Cependant, « au tournant des années 1960 les Québecois découvrent le pouvoir de l’état provincial avec la Révolution Tranquille. L’une des priorités du gouvernement libéral de Jean Lesage est de laïciser les institutions. L’église perd donc progressivement son poids politique. Dans les milieux linguistiques minoritaires [au Québec, les francophones sont majoritaires, ce n’est pas le cas en Ontario par exemple] ce déclin du poids politique de l’église est plus lent. Un vent de laïcisation souffle aussi à cette époque sur les établissements de santé et les établissements scolaires ontariens ».
L’enjeu de la sauvegarde du patrimoine
Si l’Eglise catholique détient encore un certain poids politique en Ontario – les écoles catholiques sont ainsi financées dans des proportions équivalentes aux écoles publiques – elle n’a aucune possibilité de contraindre le gouvernement provincial à protéger son patrimoine mémoriel et architectural, qui est le plus souvent soit entretenu par les nouveaux propriétaires, soit détruit – et avec lui, la mémoire des communautés rurales.
Pour Soukaina Boutiyeb, directrice générale du réseau du patrimoine franco-ontarien, « le patrimoine bâti religieux franco-ontarien doit être protégé ; sa sauvegarde ne peut pas reposer que sur la communauté ». Elle propose que les églises servent aussi de musées locaux et qu’un conseil du patrimoine religieux soit aussi mis en place au Québec – où pourtant les fermetures d’églises sont nombreuses, en relation avec un patrimoine bâti à la fois beaucoup plus dense et plus moderne, et les destructions encore assez courantes.