Les habitants du quartier Prod’homme au nord de Dreux sont peut-être arrivés à sauver leur église. Le 6 octobre dernier, le père Jean-Marie Rioult de la paroisse Saint-Etienne en Drouais leur affirmait que l’église Sainte-Thérèse, leur église, serait vendue, faute de fidèles et suite aux crises économique et sanitaire. La paroisse affirmait que la remise en état coûtait 50.000 euros, une somme qu’elle n’avait pas.
« L’église s’est vidée de ses fidèles et les difficultés financières de l’église, auxquelles s’ajoutent la crise économique puis sanitaire n’ont fait que confirmer que cette solution était la seule possible pour le père Jean-Marie Rioult. Il l’a défendue devant la cinquantaine de personnes », relève l’Echo Républicain en octobre 2020.
Quatre églises postérieures à 1905 à Dreux
La veille, le journal indiquait que dans cette église, « depuis un an il n’y a plus de messes régulières hormis les enterrements et les baptêmes ». Rien d’étonnant donc à ce que les fidèles aient déserté. Il rappelait surtout que « la paroisse Saint-Etienne en Drouais est propriétaire de quatre églises sur le 22 que nous administrons : l’église Sainte-Thér-se, Saint-Eve, Saint-Michel et Notre-Dame des Rochelles, construites après 1905 […] Nous sommes l’une des paroisses d’Eure-et-Loir où nous avons le plus d’églises en propriété ».
Ce qui s’explique aisément : comme en banlieue de Chartres, le bassin de Dreux, industriel, a continué de croître au XXe, nécessitant d’ajouter des églises à celles qui existaient en 1905. La crise post-conciliaire et l’évolution de la population ont vidé les églises de Dreux, où l’islam est devenu la religion dominante en nombre de fidèles et dans l’espace public depuis les années 1990.
L’église Sainte-Eve, située au nord-ouest du centre-ville, a été consacrée le 30 mai 1999 sur le lieu présumé du martyre de la sainte le 6 septembre 1273, où une première chapelle avait été bâtie en 1659 et détruite en 1796. La chapelle Sainte-Thérèse, elle, est la reconstruction en 1960 d’une chapelle provisoire consacrée le 25 décembre 1932. Sa cloche, baptisée Jacques, bénie le 25 mars 1932, a été transportée à Sainte Eve.
L’église Saint-Michel, située dans le quartier du Lièvre d’Or, a été construite par l’architecte suisse Dumas et bénie le 4 avril 1965 par Mgr Michon ; bâtie sans signe religieux ostentatoire, dans le goût de l’époque post-conciliaire, elle a été flanquée d’une croix monumentale en bois bénie le 22 juin 1997.
L’église Notre-Dame des Rochelles, au sud de la ligne Paris – Granville, remplace une chapelle Notre-Dame ouverte au culte le 6 octobre 1934 ; l’actuelle église batie par l’architecte Pfeffer a été bénie par Mgr Hascouët évêque de Chartres le 12 mars 1950, en remplacement d’une baraque qui remplaçait depuis les bombardements de juin 1944 la chapelle de 1934. Les boiseries de l’église viennent du couvent des Rédemptoristes de Dreux, vendu en 1970. Il y a un clocher-mur, au-dessus du pignon d’entrée.
La mairie change son fusil d’épaule
Alors, le 5 octobre 2020, l’Echo Républicain indiquait que « la mairie de Dreux s’est montrée intéressée pour acheter l’église et le terrain [avec le] projet d’y construire des pavillons. Mais il faudra avant qu’elle soit désacralisée par l’évêque de Chartres, avant une éventuelle démolition ».
Néanmoins après que les habitants du quartier se soient mobilisés contre la destruction de l’église, la mairie a changé d’avis. Le 19 février 2021, en faisant le point sur le conseil municipal de Dreux qui votait pour 119.500 € net vendeur l’achat de l’église et son terrain à la paroisse, le maire Pierre-Frédéric Billet affirmait que la démolition n’était plus la solution priorisée par la mairie : « raser une église ne me fait pas plaisir. Cette démolition ne sera pas systématique, nous allons prendre notre temps pour envisager toutes les solutions ».
Le média local Mtaville qui faisait le compte-rendu dudit conseil municipal cite largement le maire : « D’autres propositions ont été faites pour y installer un hangar de stockage. Personnellement cela me pose problème. Nous ne souhaitons pas démolir ce bâtiment, nous allons voir ensemble ce qu’on peut y faire dans des conditions de sécurité et d’économie d’énergie. A titre personnel raser une église ne me fait pas plaisir, c’est la mémoire du quartier. Nous allons prendre le temps avec un débat public ».
Le 6 avril 2021, l’Echo Républicain mettait face à face la parole des habitants et celle du curé. Pour ce dernier, « une église, c’est comme une boulangerie de village qui finit par fermer parce que les habitants vont acheter leur pain dans les grandes surfaces ».
Tandis que les habitants y sont « très attachés parce que c’est le seul endroit qui nous reste. La Tour Ronde est devenue une coquille vide, la salle Paul-Bert a été donnée à une association et la salle Emmaüs est fermée », explique le bien nommé Joël Dieu, tandis qu’un jeune homme, Dimitri, affirme que « si jamais les bulldozers arrivaient, tout le monde se rassemblerait devant le portail ».
Des habitants du quartier ont proposé de dédier l’église à l’abbé Pierre – la communauté de l’Emmaüs avait construit une partie du quartier et l’abbé Pierre y venait régulièrement – et d’en faire une salle municipale pour les riverains.
Votre photo est l’illustration de l’église Notre-Dame des Rochelles.