Le financement des cultes est un sujet sensible. En région wallonne, le décret du ministre Furlan avait provoqué un mécontentement. Aujourd’hui, un rapport parlementaire fait l’état des lieux de la situation et avance des propositions.
Depuis sa régionalisation en 2002, le financement des cultes connaît des fortunes diverses. Si la Flandre et la Région Bruxelles-Capitale se sont dotées plus ou moins rapidement d’une nouvelle législation en matière de gestion du temporel et de reconnaissance des communautés locales des cultes, la Wallonie était à la traîne. C’est en mars 2014 que le Parlement wallon a adopté une réforme globale de la tutelle sur les établissements publics des cultes, élaborée par le ministre des Pouvoirs locaux Paul Furlan, compétent en la matière. Réforme contestée partiellement la même année auprès du Conseil constitutionnel, par les évêques francophones et certaines fabriques d’église, qui furent déboutés de leur action.
Constatant que les rapports entre les Pouvoirs publics wallons et les établissements cultuels locaux laissaient de plus en plus de place aux frustrations, mécontentements et à l’incompréhension, le député régional et chef de groupe MR au Parlement wallon, Pierre-Yves Jeholet, a pris l’initiative de dresser un état des lieux de la situation et de proposer des pistes d’amélioration de la législation en vigueur.
D’emblée, Pierre-Yves Jeholet précise qu’il n’y a aucun parti pris dans sa démarche, qui se veut la base pour une discussion ouverte avec toutes les parties concernées. Il a d’ailleurs rencontré de nombreux responsables de cultes et d’organisations philosophiques, dont Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai, et Mgr Herman Cosijns, secrétaire général de la Conférence épiscopale. « Mon objectif était vraiment d’avoir une vue d’ensemble, d’identifier les problèmes là où il y avait des nœuds. Ceci pour aider à mettre en place une législation moderne qui puisse rencontrer la majorité des attentes de toutes les parties », dit-il.
Pourquoi cette initiative, maintenant?
La région wallonne n’a jamais pris la responsabilité de se doter d’une législation adaptée aux réalités de son territoire, malgré le travail d’audition effectué en 2002 lors de la régionalisation des compétences. J’ai souhaité donc de prendre le temps de l’analyse et de la rencontre. Je voudrais qu’un débat puisse sereinement se faire au parlement régional avec l’ensemble des groupes politiques.
Pourtant le ministre Furlan a rédigé un décret entré en vigueur le 1er janvier 2015 réformant la tutelle sur les établissements chargés de la gestion du temporel des six cultes reconnus. Ce n’est pas suffisant?
Non. Il le reconnaît lui-même. Si on prend le problème des mosquées et des établissements cultuels, il n’y a pas de critères clairs. Certes, le culte est reconnu par le fédéral, mais quels sont les critères de reconnaissance d’une mosquée aujourd’hui? Même chose concernant les fabriques d’église. Les fabriciens sont de moins en moins nombreux, de plus en plus âgés, il est difficile de trouver des remplaçants. Dans l’évêché de Tournai, il y a une piste intéressante avec un regroupement des fabriques d’Eglise et cela semble fonctionner. Le but n’est pas de s’en prendre à un culte ou à un autre.
Lorsque les évêques et certaines fabriques d’église ont contesté le décret auprès de la Cour constitutionnelle, leur recours se fondait principalement sur l’ingérence des Pouvoirs publics dans l’organisation du culte, qu’ils estimaient injustifiée. En quoi votre rapport est-il différent?
Ce n’est pas une ingérence. Aujourd’hui, on demande de la transparence dans tous les domaines. Si on mène une réforme, il faut le faire avec les responsables des cultes. Le rapport est d’abord un constat et suggère des pistes de réflexion. On pourrait se poser la question de savoir si les Pouvoirs publics doivent continuer à financer les cultes? C’est une piste évoquée dans le rapport. Pour moi, la réponse est évidemment affirmative. Nous ne voulons pas nous immiscer dans la gestion des cultes, mais bien voir si on ne peut envisager une certaine solidarité entre fabriques d’église. Le but n’est pas de dire qu’il faut désacraliser toutes les églises, mais de savoir si, à un moment donné, il peut y avoir des projets partagés notamment avec le secteur culturel. Nous devons travailler ensemble avec bon sens, en se rappelant que nous avons de beaux bâtiments au niveau du culte catholique, qu’il faut préserver mais avec des moyens publics limités. Ma priorité est de travailler la main dans la main avec les autorités religieuses.
Vous dites que des fabriques qui ont des moyens importants doivent mettre la main à la poche. Vous n’avez pas peur que si vous leur demandez de contribuer par solidarité à la restauration ou en aidant des fabriques moins bien loties, elles risquent de s’appauvrir et que finalement dans quelques années, les Pouvoirs publics reviendront au même stade d’intervention?
Une des pistes que j’avance est d’avoir un cadastre du nombre de fabriques, de leur patrimoine et une comptabilité patrimoniale. C’est nécessaire si nous voulons une vision globale, notamment de ce qu’il faut rénover. Je ne dis pas qu’il faut nécessairement un désinvestissement des Pouvoirs publics par rapport aux cultes. Je ne plaide pas pour cela. Mais il faut aller vers plus de transparence et plus de solidarité.
Source Cathobel