Le sycomore, vous connaissez ? C’est non seulement l’arbre sur lequel Zachée est perché pour voir Jésus, mais aussi le nom de la communauté « Foi et Lumière » qui réunit une fois par mois dans notre paroisse des familles touchées par le handicap et à l’initiative de laquelle je suis parti en juillet aux JMJ en Pologne. Nous étions intégrés à l’organisation de l’Arche fondée par Jean Vanier, qui rassemblait près de 1000 jeunes handicapés et accompagnateurs sur le camp Providence basé à Sledziejowice aux portes de Cracovie. Ce furent dix jours inouïs d’immersion totale dans le monde du handicap physique et psychique, où les barrières s’effondrent d’elles-mêmes parce que les faibles sont grandis dans leur dignité et que les forts découvrent leurs peurs et leurs fragilités.
Là le temps change de cadence, les pas sont lents, le rituel de la toilette et des repas rythme la journée, partir en ville en transport en commun est comme une expédition au bout du monde. Aussi les accompagnateurs font-ils preuve d’une attention hors pair pour suivre le moindre geste et la plus infime exigence de chaque personne handicapée. Les catéchèses quotidiennes adaptées et illustrées par des jeux scéniques, les temps de louange et les messes sont des moments de « saine pagaille » selon l’expression du pape François. Les cris de joie, les bras levés vers le ciel et les danses frénétiques alternent avec des moments forts de silence et d’intériorisation.
De chez nous, il y avait Anna, fière de porter le lourd bras de la croix devant le pape lors du chemin de croix à Blonia et Benoît, adepte du hip hop, montant sur scène dès que les décibels augmentaient. J’ai rencontré aussi Matthieu, un trentenaire trisomique hypersensible, affamé d’affection et conscient de ses pauvretés lavées dans une confession souvent demandée, ou encore Samuel, un jeune autiste sans parole, mais exécutant une danse extravagante dès qu’il éprouvait une joie spontanée. Et il y avait tous les autres…
Voici quelques paroles originales de « Sagesse made in Arche » glanées ça et là sur les lèvres de nos jeunes et que vous pourrez épingler chez vous : « Ce n’est pas moi qui est à l’envers, c’est le monde qui est trop droit » ; « Je ne suis pas trisomique, je suis très unique » ; « Si on n’existait pas, il faudrait nous inventer » ; « Arrêtez de me faire marcher, je cours » ; « Regarde-moi dans tes yeux » ; « Chaque jour suffit à peine ».
En cette année de la miséricorde, François, avec sa verve habituelle, a su toucher ces jeunes fascinés au passage de la papamobile ou devant son visage visible sur l’écran géant. Le visage des jeunes handicapés devenait grave comme celui du Saint-Père, lorsqu’il leur demandait au cours de la veillée de mettre en présence de Dieu « les luttes que chacun porte avec soi, dans son cœur » ou le visage devenait joyeux, lorsqu’il demandait à deux millions de personnes de se tenir la main un instant pour construire « un grand pont fraternel ». Le pape dénonçait « la paralysie qui naît lorsqu’on confond le bonheur avec un divan ! » Mais nos jeunes volontaires ne semblaient pas atteint de ce mal. Enfin, quelle fierté pour notre communauté « Foi et Lumière » d’entendre le lendemain dimanche, l’homélie sur Zachée perché sur son sycomore et devant affronter trois obstacles commentés par le pape : sa petite taille, la honte qui paralyse et la foule qui murmure. Finalement nous sommes tous un peu comme Zachée, sur un sycomore !
Père Yvan Maréchal
Source : site de la paroisse