« Le commerce des armes doit être contrôlé », demande le Saint-Siège à la tribune de l’ONU.
Mgr Simon Kassas, chargé d’affaires ad interim de la Mission d’observation permanente du Saint-Siège auprès des Nations unies est intervenu lors du débat ouvert du Conseil de sécurité des Nations unies sur « le respect des principes et des buts de la Charte des Nations unies comme élément clé pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales », à New York, le 15 février 2016.
« Au lieu d’obtenir la paix et la stabilité, la prolifération des armes a abouti à davantage de morts et de blessures et a produit des vagues de réfugiés en fuite », déplore notamment Mgr Kassas.
Il plaide pour les civils et pour l’aide humanitaire mais il fait observer: « Nous savons davantage tuer que fournir des moyens de subsistance. »
Voici notre traduction complète de l’intervention de Mgr Kassas.
Intervention de Mgr Kassas
Monsieur le Président,
Ma délégation remercie la République bolivarienne du Venezuela d’avoir porté ce sujet à l’attention du Conseil de sécurité.
Tandis que des idéologies extrémistes se développent au sein de la communauté humaine, donnant naissance à des groupes terroristes et à divers acteurs non-étatiques, il est important d’examiner de près les pensées des membres fondateurs des Nations unies, lorsqu’ils étaient encore sous le choc de la dévastation de deux guerres mondiales en moins d’un demi-siècle. Leur désir de préserver les générations futures du fléau de la guerre et d’interdire la guerre en tant qu’instrument de politique étrangère témoigne d’une valeur morale et éthique qui doit être hautement estimée comme étant essentielle au développement humain.
Monsieur le Président,
Lorsque le pape François s’est adressé à l’Assemblée générale le 25 septembre dernier, il a parlé des moyens par lesquels les espoirs, inscrits dans la Charte par les membres fondateurs des Nations unies, seraient réalisés ou frustrés. Il a déclaré : « Si l’on respecte et applique la Charte des Nations unies dans la transparence et en toute sincérité, sans arrière-pensées, comme point de référence obligatoire de justice et non comme instrument pour masquer des intentions inavouées, on obtient des résultats de paix. En revanche, lorsqu’on confond la norme avec un simple instrument, à utiliser quand cela convient et à éviter dans le cas contraire, on ouvre une véritable boîte de Pandore de forces incontrôlables, qui nuisent gravement aux populations démunies, à l’environnement culturel, voire à l’environnement biologique. »
Monsieur le Président,
Dans son discours à l’Assemblée générale, le 2 octobre dernier, Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États, a suggéré quatre domaines de réflexion qui pourraient être utiles dans la poursuite de la mission et de l’engagement des Nations unies, dont deux qui sont particulièrement pertinents pour le travail de ce Conseil : la « responsabilité de protéger » et le respect du droit international.
Ce qui est nécessaire, comme l’a souligné Mgr Gallagher, c’est une application véritable et transparente de l’Article 2 de la Charte des Nations unies, qui entérinait le principe de non-intervention, excluait tout usage unilatéral de la force contre un autre membre des Nations unies et exigeait le plein respect des gouvernements légalement constitués et reconnus.
« Pacta sunt servanda » (les conventions doivent être respectées, ndlt), a-t-il affirmé, et l’Article 2 de la Charte a définitivement banni des concepts comme « guerre préventive », tentatives de redessiner des zones et des peuples géographiques sous le prétexte d’un principe de sécurité, ou encore interventions d’États tiers en faveur d’un des côtés dans une situation de conflit civil. Il a cependant ajouté que l’Article 2 ne peut pas être utilisé comme un alibi pour excuser de graves violations des droits humains. Là où de telles violations persistent et où une nouvelle intervention est considérée comme nécessaire, il n’y a pas d’autre recours que d’appliquer les mesures établies dans les chapitres 6 et 7 de la Charte.
Monsieur le Président,
Comme l’a indiqué le Saint-Siège dans de précédentes interventions sur le thème de la guerre, derrière la rhétorique de l’impunité à l’égard de civils et des difficultés de fournir une aide humanitaire à ceux qui souffrent, se cache la dure réalité des complexes industriels mondiaux qui fournissent des armes et des munitions soit pour de l’argent, sur le marché ouvert ou au marché noir, soit peut-être comme des cadeaux à des groupes clients, des gouvernements ou des acteurs non-étatiques. Le commerce des armes doit être contrôlé. Au lieu d’obtenir la paix et la stabilité, la prolifération des armes a abouti à davantage de morts et de blessures et a produit des vagues de réfugiés en fuite. Commercialiser et vendre des armes d’auto-défense est une chose, mais la nature agressive des technologies actuelles soulève une grave préoccupation éthique. Tuer sans discrimination des civils est un crime haineux. Avec l’application des progrès technologiques à l’armement, il semble à ma délégation que nous savons davantage comment tuer que comment fournir des moyens de subsistance. La promesse de la Charte de préserver les générations futures du fléau de la guerre a-t-elle été remplie ? Chacun de nous, à la Chambre, connaît au plus profond de son être, la réponse à cette question.
Merci, Monsieur le Président.