Hier, Jeudi Saint, le Saint-Père a donc lavé les pieds de plusieurs réfugiés hommes et femmes, chrétiens mais aussi musulmans et hindous.
Si ce geste peut sembler “prophétique” dans la suite des nombreux discours du pape pour attirer l’attention sur la question des réfugiés qu’il estime délaissés, cela n’est pas sans poser de lourds problèmes de sens liturgique et ecclésiaux.
Avec tout le respect dû à la fonction et à la dignité pontificales, il nous faut poser la question du sens des gestes liturgiques. Le véritable prophète, celui qui par ses paroles et par sa vie donne le sens liturgique et théologique profond à tout acte liturgique et pastoral, reste le Christ. Le Christ par ailleurs, ce soir même de la Sainte Cène, dit “vous ferez ceci”. “Ceci” comprend à la fois le geste et le sens porté par le geste.
Or “Ceci” n’est autre que ce qui est aujourd’hui pour nous la Sainte Eucharistie. Ce n’est donc pas pour rien que le Christ qui fait toute chose avec sagesse, s’est réuni avec ses apôtres et non l’ensemble de ses disciples. La Cène et le lavement des pieds qui lui est intimement lié, n’ont pas eu lieu au cours d’un de ces grands rassemblements, comme le serment sur la montagne.
Le Christ, qui dans une parabole fait envoyer chercher les pauvres dans la rue pour assister au banquet du maître, ne l’a pas fait ce soir là. Il n’est donc pas saugrenu de penser que si le lavement des pieds avait la portée symbolique, théologique et ecclésiale d’une ouverture aux pauvres ou de l’accueil du réfugié, Jésus aurait envoyé chercher ces pauvres dans la rue, aurait sciemment fait venir des non juifs et leur aurait lavé les pieds à eux et aux femmes.
Il ne l’a pas fait et il est important de se demander pourquoi. Le sens de ces gestes et leur portée théologique et liturgique tient précisément dans leur lien avec l’institution de la Cène et la mission même des apôtres.
“Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ?” demande Jésus aux 12, après le lavement des pieds. Nous pourrions nous poser la question à nous-mêmes sur l’ensemble de la liturgie et du signifiant liturgique, ainsi que de l’efficacité des sacrements par ce signifiant liturgique. La preuve que nous ne comprenons pas nous est donnée par les multiples innovations dont nous pouvons prendre l’initiative. Celles-ci montrent que nous ne comprenons plus le lien entre le symbole et ce qu’il signifie.
Cette perte de sens liturgique est au cœur de la perte du sens du sacré et au-delà de la foi elle-même. Ainsi, ce n’est plus le Christ qui nous rejoint par ses propres gestes, mais nous qui tâtonnons avec nos idées pour aller vers Dieu.