Mercredi 15 mai 2013.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Chaque année, à cette date du 15 mai, en notre Mesnil-Marie, nous commémorons avec une grande ferveur et reconnaissance l’anniversaire de la mort du «Grand Chanéac», Jean-Pierrre François Chanéac (11 décembre 1759 – 15 mai 1841), « notre » chef chouan local dont j’ai déjà évoqué la figure dans les pages de ce blogue (cf. > www) et pour la découverte duquel, vous le savez, Frère Maximilien-Marie consacre au cours de l’été des « promenades contées » qui permettent de le mieux connaître (cf. > www).
Dans la mémoire locale, le «Grand Chanéac» est resté « le protecteur des bons prêtres » et le « défenseur de la religion ».
En effet, dans cette période malheureuse qui vit la promulgation d’une « constitution civile du clergé » schismatique, la persécution contre les prêtres qui refusèrent le serment exigé par les autorités révolutionnaires, la fermeture des églises et l’abrogation du culte catholique romain, les fidèles des paroisses de nos hautes Boutières – comme aussi en Gévaudan, en Margeride et en Velay -, et cela dans une quasi unanimité, n’acceptèrent pas les lois anti-catholiques de la révolution.
Alors que l’évêque de Viviers – le très fantasque et rousseauiste Charles-Louis de La Font de Savine – fut du très petit et peu glorieux nombre des évêques qui prêtèrent le serment schismatique, le clergé vivarois dans sa grande majorité se montra plus sensé que son chef : ce sont environ les deux tiers des prieurs, curés et vicaires qui refusèrent le serment impie ou qui ne le prêtèrent qu’avec des restrictions qui le rendaient invalide. De ce fait, ils durent quitter leurs cures et leurs églises.
Quelques uns, comme la loi les y contraignait, prirent le chemin de l’exil ; beaucoup allèrent trouver refuge dans leur famille ou chez des amis ; beaucoup aussi prirent le maquis et continuèrent, tant bien que mal, à diriger leurs paroisses dans la clandestinité, encouragés par «Monsieur Vernet», c’est-à-dire l’abbé Régis Vernet (1760 – 1843), prêtre de Saint-Sulpice, ancien supérieur du grand séminaire de Viviers, qui organisa et dirigea l’église clandestine de Viviers de 1791 à 1801, avec le soutien de Monseigneur Charles-François d’Aviau du Bois de Sanzay (1736-1826), archevêque de Vienne en Dauphiné, lequel, déguisé en colporteur, en perruquier, en manouvrier voire en mendiant, parcourut nos contrées pour y administrer les sacrements de confirmation et d’ordre.
Dans nos hautes Boutières, partie reculée, escarpée et difficile d’accès du diocèse de Viviers, de très nombreux prêtres vinrent se cacher. La plupart des curés et vicaires de ce territoire des Boutières et de la montagne resta, dans la clandestinité, sur le territoire de leurs paroisses, protégés par leurs fidèles et par les chouans.
Les curés intrus, « jureurs » élus au chef-lieu du département, ne se hasardèrent jamais à venir prendre possession des cures et des églises.
Depuis l’entrée en vigueur de la constitution civile du clergé, jusque au concordat napoléonien, les fidèles ne furent jamais vraiment dépourvus de la Sainte Messe ni des sacrements : les exercices du culte se poursuivirent de manière très régulière dans les maisons particulières, dans les granges, parfois même dans les églises que protégeaient les jeunes gens en armes!
Messe clandestine pendant la grande révolution
Beaucoup de prêtres qui officiaient dans la clandestinité n’avaient pu emporter avec eux, en quittant leurs églises, tous les objets du culte nécessaires à la célébration des saints mystères. C’est ainsi, en particulier, que furent alors réalisés des calices, patènes et ciboires en étain.
Normalement (et les lois de l’Eglise actuellement en vigueur sont toujours catégoriques à ce sujet), le calice et la patène doivent être réalisés dans un matériau noble et solide, que l’on ne doit pas pouvoir briser, et – pour le moins – leur revêtement intérieur doit être d’or. En outre, ils doivent être consacrés par un évêque ou par son représentant.
En temps de persécution, par exception, il est toléré que la Sainte Messe puisse être célébrée avec des vases sacrés qui ne sont pas en matière noble et qui sont simplement bénits par un prêtre.
Quand ils ne disposaient pas de calices et de patènes conformes aux règles canoniques, les prêtres réfractaires firent appel à l’ingéniosité et à l’habileté de quelque fidèle pour confectionner des vases sacrés en étain, avec le métal de ces couverts, écuelles, pichets ou gobelets que l’on pouvait trouver dans beaucoup de maisons.
Après la révolution, la plupart de ces calices de fortune a été à nouveau fondue : leur non conformité aux règles liturgiques – tolérée en raison des circonstances particulières de la révolution – ne devait pas subsister après le retour à la normalité.
C’est pourquoi, aujourd’hui, le nombre de ces calices ayant servi aux Messes clandestines est relativement peu élevé.
Aussi, quelle n’est pas notre joie et notre fierté d’en avoir un en notre Mesnil-Marie!
Nous l’avons reçu il y a quelques semaines, et lorsque Frère Maximilien-Marie l’a pris dans ses mains pour la première fois, il en a versé des larmes d’émotion.
En voici la photo :
Sa hauteur est de 26,7 cm. Il est donc tout entier en étain, et d’assez belle facture. Sa coupe porte des marques, liées sans doute aux vicissitudes de son histoire propre, que nous ne connaîtrons en totalité qu’au Ciel, lorsque nous communierons à l’omniscience de Dieu!
Je vous écrivais que la plupart de ces calices ayant servis aux Messes des prêtres réfractaires avait été détruite.
Celui que nous possédons désormais a échappé à cette « régularisation » mais il a été rendu intentionnellement inutilisable, puisque un petit trou, très précis, a été percé dans le fond de la coupe : peut-être fut-ce la condition pour qu’il demeurât? Il ne pouvait plus servir au culte, mais le prêtre qui avait célébré avec pendant ces heures des plus sombres de notre histoire (ou sa famille) pouvait-il (elle) le conserver comme un pieux souvenir de ces temps tragiques.
Détail du calice : on aperçoit le trou foré dans le fond de la coupe.
Quoi qu’il en soit, ce calice d’étain est pour nous véritablement une quasi relique, que nous conservons avec autant d’émotion que de dévotion, et il concrétise bien à nos yeux les efforts qui sont les nôtres pour entretenir et faire connaître la vérité sur cette horrible révolution, dont nous ne cessons toujours pas de subir les funestes conséquences.
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