En ce lundi de Pentecôte qui marque l’arrivée à Chartres du pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté dont le thème était, cette année, « L’Évangile de la Vie », le texte que vous allez lire va vous renverser. Phil Lawler vient d’écrire pour CatholicCulture un article documenté terrifiant qui montre non pas la connivence mais la complicité active de l’archidiocèse de Boston dans la légalisation de la contraception au Massachusetts avec la bénédiction et les encouragements du cardinal Richard Cushing (1895-1970) qui fut archevêque de Boston de 1944 à 1970, et fut créé cardinal par Jean XXIII en 1958. La contraception devint légale dans cet État en 1966 grâce au concours de la hiérarchie catholique. Il faudra attendre encore deux ans, avec la publication d’Humanæ Vitæ, l’encyclique prophétique de Paul VI (1968), pour que la Magistère pétrinien mette de l’ordre doctrinal – à défaut d’être pratique – à de tels errements d’un cardinal de la Sainte Église qui expliquent, aujourd’hui encore, qu’il se trouvent des politiciens catholiques qui soient favorables à l’avortement… Vous en penserez ce que vous voudrez, mais j’estime qu’il y a un lien direct entre ces errements des années 1960 et la crise des abus sexuels du clergé qui allait exploser en janvier 2002 dans cet archidiocèse de Boston. Le laxisme doctrinal entraine toujours des catastrophes pour l’institution comme pour les âmes.
- En 1966, le Massachusetts devint le dernier État des U.S.A. à légaliser la vente de contraceptifs. Quand le législateur de l’État vota l’abolition de la loi qui en interdisait la vente, la Planned Parenthood League du Massachusetts fêta l’événement et déclara que cette victoire était due à la coopération de l’archidiocèse de Boston.
- Le projet de loi mettant fin à l’interdiction de la vente des contraceptifs fut présenté en 1965 par un jeune député du nom de Michael Dukakis qui devint, par la suite, gouverneur du Massachusetts puis candidat Démocrate à l’élection présidentielle de 1988. Quand la loi finit par être votée, un an plus tard, Dukakis déclara également que l’archidiocèse de Boston en était responsable.
- Est-il vraiment possible qu’un diocèse catholique ait été l’instrument de promotion d’une loi qui autorise la contraception ? C’est la révélation que fait un étonnant article publié par le Boston College Magazine.
- Dans mon livre, The Faithful Departed, j’ai écrit que le cardinal Cushing fut le premier catholique américain de premier plan à avancer l’argument, aujourd’hui commun, qu’il est moralement permis de voter l’acceptation d’une pratique que l’Église considère comme gravement immorale. Aujourd’hui, le « personnellement j’y suis opposé, mais… », est régulièrement invoqué par les défenseurs de l’avortement légal. Mais dans les années 1960 elle cela fut utilisé par le cardinal Cushing pour justifier l’acceptation de la contraception légale.
- En 1965, alors que le législateur de l’État discutait de l’abolition de l’interdiction des contraceptifs, le cardinal Cushing déclara qu’il était personnellement opposé à l’utilisation des contraceptifs. Mais il ajouta quelque chose de significatif : « Je suis convaincu que je n’ai pas à imposer mes conceptions, mes convictions morales ou mes convictions religieuses, à ceux qui partagent une autre foi ». Au législateurs qui hésitaient sur le bien-fondé de la loi, il déclara : « Si vos électeurs veulent cette loi, alors votez-la ».
- C’est ainsi que le responsable de l’Église de Boston donna le signal de cesser toute opposition catholique active à la légalisation de la vente des contraceptifs. Mais le Boston College Magazine révèle que l’archidiocèse avait tranquillement commencé à planifier la modification de la loi bien avant que Dukakis introduise son projet de loi d’abolition.
- En 1963, rapporte l’article, le cardinal Cushing fut l’invité d’une émission de radio ouverte aux questions des auditeurs. L’un de ces derniers interrogea le cardinal sur sa position quant à l’interdiction des contraceptifs, et il répondit : « Je n’ai pas le droit d’imposer ma pensée, qui est enracinée dans ma réflexion religieuse, à ceux qui ne pensent pas comme moi. »
- Au moment de cette diffusion, les auditeurs ne connaissaient pas l’identité de la femme qui avait posé cette question et avait obtenu cette réponse. Mais aujourd’hui, grâce au Boston College Magazine, nous savons qu’il s’agissait de Hazel Sagoff, directeur exécutif de Planned Parenthood. Il y a tout lieu de croire que la question de Sagoff tout comme la réponse du cardinal avaient été préparées à l’avance. Avant l’émission, Sagoff s’était entretenue avec Monseigneur Francis Lally, rédacteur en chef de The Pilot, le journal de l’archidiocèse, et conseiller de confiance du cardinal Cushing. Sagoff avait déclaré qu’une initiative visant à l’abolition de l’interdiction de la contraception était condamnée à échouer sauf si les législateurs étaient sûrs que le cardinal ne la combattrait pas. Monseigneur Lally avait signalé qu’il était favorable à la fin de l’interdiction [de la contraception], encore qu’il espérait que la chose se réglât devant les tribunaux rendant inutile l’action législative.
- Ainsi, au tout début des années 1960, Planned Parenthood coordonnait ses plans avec l’archidiocèse de Boston pour aplanir le chemin vers l’acceptation légale de la contraception. Quand Dukakis présenta son projet de loi en 1965, les journalistes catholiques du Pilot reçurent un mémo leur ordonnant de ne faire aucun commentaire sur ce débat législatif « de crainte d’émouvoir les gens de Planned Parenthood qui ont aussi promis de coopérer en gardant le silence. »
- En 1965, malgré l’acquiescement des responsables de l’archidiocèse, le projet de loi d’abolition échoua. Dans la chambre basse de l’État, les députés catholiques firent front contre la contraception, et la loi échoua par 119 voix contre 97.
- Entre-temps, le gouverneur du Massachusetts, John Volpe, avait constitué une commission spéciale sur le problème du contrôle des naissances. Parmi les 21 membres qui composaient cette commission, 3 avaient des liens très étroits avec le cardinal Cushing : Monseigneur Lally, le directeur de Pilot, le Père James O’Donnoghue, enseignant de théologie morale au séminaire de l’archidiocèse, et Henry Lee, l’avocat du cardinal. Tous les trois étaient favorables à l’abolition de la loi. De crainte que ne subsiste le moindre doute sur sa position sur ce problème, le cardinal Cushing adressa une lettre à la commission en 1966 dans laquelle il déclarait que « les catholiques ne cherchent pas à imposer par la loi leur opinion morale aux autres membres de la société ».
- En 1966, quand le projet d’abolition revint devint la Chambre des Représentants, elle fut votée par 130 voix contre 80. Quelques semaines plus tard, Planned Parenthood accueillait avec plaisir la distribution légale de contraceptifs dans le Massachusetts, et louait l’archidiocèse de Boston pour avoir rendu la chose possible.
Comment peut-on mettre sur le même plan l’avortement et la contraception? Le premier supprime une vie, la seconde n’est qu’une méthode parmi d’autre de régulation des naissances, régulation que l’Église juge légitime, même si elle condamne les méthodes de contraception non naturelles.
Les deux actes sont d’une nature très différentes, d’une gravité qui n’a rien à voir et ne peuvent en aucun cas être mis en balance. Si la question de l’avortement n’a jamais vraiment fait débat au sein de la hiérarchie catholique, la question de la contraception était beaucoup moins évidente et n’a été traitée par Paul VI que deux ans après l’affaire que vous évoquez.
Pour ce qui me concerne, je me garderai bien de jeter la pierre au cardinal Cushing…
n’est-ce pas le meme cardinal, il y a quelques annees, lors d’une enquete de pedophilie, s’adressant a des seminaristes
‘Messieurs, si vous devez le faire, faites-le avec une femme – ne le faites pas avec un autre homme. Et si vous la mettez enceinte, venez me voir. Je m’occuperai d’elle.’
je ne crois pas me tromper….
Yves,
Je suis en désaccord avec vous, lorsque vous affirmez que “la contraception n’est qu’une méthode de régulation des naissances parmi d’autres” et que cela n’a rien à voir avec l’avortement.
D’accord, la démarche entre les deux choses n’est pas du tout la même.
cependant, l’une peut mener à l’autre. Il n’y aurait pas pas de problème d’avortement si la régulation des naissances n’était pas appliquée.
Deuxièmement, d’un point de vue aussi bien scientifique que religieux que pro-vie, on est obligé d’admettre que toutes les méthodes hormonales aussi bien qu’intra-utérines (en gros, pilule et dérivés et stérilets)agissent après la fécondation et ont donc un rôle anti-nidatoire… qui les apparentent donc à l’avortement.
Un catholique ou un pro-vie honnête ne peut donc que bannir l’utilisation de ces méthodes de sa vie.
Si vous doutez de l’affirmation, je vous recommande de vous procurez le livre de Randy Alcorn, auteur et ministre protestant (donc pour la contraception) : Does the birth control pill cause abortions ? Il expliquera comment il est passé de la promotion de la pilule à son opposition, en découvrant la vérité…
J’espère que ça pourra vous éclairer
Caroline,
Je peux vous rejoindre sur votre second argument: certains contraceptifs sont en fait des abortifs et doivent être traités en conséquences. D’autres ne le sont pas et ne posent pas les même difficultés: pilule empêchant l’ovulation, préservatif… Je vous rejoins aussi sur le fait que jouer avec les hormones n’est pas anodin, mais la question est là davantage scientifique et médicale que morale.
Là où je ne vous rejoins pas du tout en revanche c’est sur votre premier argument. La régulation des naissances, conformément à des critères bien définis, est conforme à la morale. On trouve au n°2368 et 2370 du CEC les éléments suivants: “Pour de justes raisons (cf. GS 50), les époux peuvent vouloir espacer les naissances de leurs enfants. Il leur revient de vérifier que leur désir ne relève pas de l’égoïsme mais est conforme à la juste générosité d’une paternité responsable.[…] La continence périodique, les méthodes de régulation des naissances fondées sur l’auto-observation et le recours aux périodes infécondes (cf. HV 16) sont conformes aux critères objectifs de la moralité. Ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté authentique. ”
Ce n’est pas la régulation des naissances, légitime et même indispensable dans bien des situations qui crée l’avortement (si je voulais polémiquer, je dirais même que la plupart des méthodes de contraception artificielle sont plus fiables que les méthodes de contraception naturelle et donnent donc moins lieu à des grosses non désirées. Mais ne polémiquons pas…), c’est une absence de sens moral. Ne mélangeons pas tout…