Président de la commission pontificale pour la protection des mineurs, Mgr Verny a pris la parole lors de la conférence des évêques italiens (CEI) à Assise à partir du 17 novembre :
Éminences, Excellences, chers frères dans le ministère épiscopal,
je tiens à exprimer ma sincère gratitude à Son Éminence le Cardinal Matteo Maria Zuppi pour son invitation à Mgr Ali Herrera et à moi-même à participer à cette réunion.
Nous nous réunissons aujourd’hui à un moment important : j’entame mon quatrième mois à la présidence de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. C’est en juillet dernier que le pape Léon XIV m’a demandé de poursuivre l’œuvre entreprise sous la direction du Cardinal Sean O’Malley. Il s’agit assurément d’une lourde responsabilité.
Notre réunion ici à Assise, lieu d’une profonde ferveur spirituelle, l’est tout autant, et ce, après la publication du deuxième rapport annuel de la Commission, le 16 octobre dernier.
Je sais que ce rapport a suscité quelques malentendus dans certains milieux ecclésiastiques, notamment au sein de votre Conférence épiscopale. Permettez-moi de réaffirmer ce qui est clairement indiqué dans le document lui-même et ce qui a été souligné lors de la présentation au Bureau de presse du Saint-Siège : le rapport a été finalisé au premier trimestre 2025 et porte sur les données collectées durant l’année civile 2024.
Cela étant dit, en tant que nouveau président, j’assume l’entière responsabilité du travail accompli par l’équipe de la Commission. Je donnerai prochainement la parole à notre secrétaire, l’archevêque Ali Herrera, qui expliquera en détail la méthodologie adoptée pour le rapport annuel.
Auparavant, je voudrais toutefois revenir sur l’importance du cheminement entrepris avec votre Église : non seulement pour la Commission pontificale et pour la communauté des fidèles en Italie, mais aussi pour de nombreuses autres communautés au-delà des frontières de votre territoire ecclésial.
Il y a trois ans, la Conférence épiscopale italienne et la Commission pontificale pour la protection des mineurs ont signé un accord, l’Initiative Memorare, qui a marqué le début d’une collaboration structurée entre nous. Cet accord n’est pas resté lettre morte : il s’est transformé en un laboratoire de dialogue, d’action et de coresponsabilité, avec des retombées positives dans les Églises sur quatre continents. Grâce à cette compréhension, et avec vous, nous aidons les communautés ecclésiales à prévenir les abus, à protéger les personnes vulnérables et à intervenir avec compétence et compassion lorsque des situations d’abus surviennent, où qu’elles se produisent.
Comme dans toute collaboration vivante, les malentendus et les désaccords ne sont pas rares. C’est précisément dans ces circonstances que nous sommes appelés à nous accompagner mutuellement avec prudence et transparence, dans un dialogue d’écoute sincère et d’apprentissage réciproque.
Nous entendons poursuivre sur cette voie, en partageant votre engagement et vos procédures de protection avec un nombre croissant d’Églises à travers le monde. Ce faisant, nous reconnaissons et valorisons ce qui fonctionne, tout en évaluant et en corrigeant ce qui peut être amélioré.
Ce point est crucial : identifier en toute transparence les lacunes des systèmes de protection et apporter des réponses professionnelles renforce la crédibilité de l’Église, garantissant ainsi que notre maison ecclésiale soit un lieu sûr pour tous – familles, jeunes et enfants.
À cet égard, je tiens à exprimer ma sincère gratitude au cardinal Zuppi et à Monseigneur Baturi, qui ont su insuffler au sein de l’IEC une approche cohérente et novatrice. Avec eux, j’adresse mes remerciements au sous-secrétaire Monseigneur Marchetti et à la présidente Chiara Griffini, qui dirigent avec expertise le Service national pour la protection des mineurs et des adultes vulnérables, l’amenant à une véritable maturité. Sous leur impulsion, la protection est devenue un langage commun, une composante intégrante de la pastorale quotidienne.
En tant qu’évêque français, je m’adresse humblement à vous aujourd’hui. Face au scandale des abus sexuels, nul ne peut prétendre à la perfection. Je crois que nous faisons tous de notre mieux pour minimiser les dégâts.
Une commission indépendante, la CIASE, a été créée en France. Elle a ses forces et ses faiblesses, ses aspects positifs et négatifs. Néanmoins, elle constitue une référence pour la Conférence épiscopale française, sur laquelle nous nous appuyons. De plus, sa méthodologie et ses conclusions ont été adoptées et validées par le gouvernement français, qui a par la suite créé une commission sur les abus familiaux (CIIVISE).
Je suis convaincu qu’il n’existe pas de solution unique. Il appartient à chaque Conférence épiscopale d’aborder la question, de discerner et de décider en toute indépendance, en fonction de son contexte historique et culturel local.
Nous sommes ici pour avancer ensemble et nous soutenir mutuellement. Il appartient à chacun d’entre nous de regarder courageusement le passé et de reconnaître la vérité de la situation : c’est la seule façon de jeter les bases de l’avenir.
Permettez-moi de partager une image qui m’a profondément touchée lors d’une récente rencontre avec un groupe de victimes et de survivants, tous adultes, dont beaucoup âgés, qui ont subi des abus sexuels au sein de l’Église en Belgique durant leur enfance. Nous avons passé plus de trois heures avec eux : une rencontre intense, parfois douloureuse. Une chaise vide se trouvait entre deux membres du groupe ; la femme assise à côté d’elle expliqua qu’elle était destinée à son frère, lui aussi victime d’abus, qui s’était suicidé. Cette chaise le représentait, ainsi que tous ceux qui ont commis le même acte irréparable suite aux abus subis. Cette chaise vide était également présente lors de leur rencontre avec le pape Léon XIV.
Dans tout ce que nous faisons, nous devons garder à l’esprit cette chaise vide : être présents, à travers des cellules d’écoute, reconnaître et accompagner les victimes et les survivants, accueillir leurs paroles, aussi difficiles soient-elles. Pour nous, ils sont comme l’homme blessé sur le chemin de Jérusalem à Jéricho. Et nous devons nous tourner vers l’avenir, par la prévention au sein des institutions ecclésiales, des écoles et des familles.
En tant que président, je vous assure de la pleine disponibilité de la Commission et de son désir de vous accompagner.
Je donne maintenant la parole à Monseigneur Alí Herrera.
