Une interview de Mgr Tois dans Paris Notre Dame en octobre dernier est passée injustement inaperçue. Dans celle-ci l’ancien magistrat devenu prêtre, puis évêque auxiliaire de Paris depuis septembre 2023, chargé de la prévention et de la gestion des affaires d’abus dans le diocèse, semble plus illustrer le déni de l’institution et de certains responsables en son sein qu’une réelle volonté de rompre avec les mauvaises pratiques du passé. Et pourtant, à Paris il y a à faire…
Il y revient sur les procédures canoniques et judiciaires en cours : « Au 30 juin 2025, nous avons décompté trente-et-une procédures judiciaires et quatorze canoniques en cours de traitement. Les procédures judiciaires recouvrent d’une part celles dont nous sommes informés par le procureur – sur la base du protocole d’accord signé en 2019 entre le parquet de Paris et le diocèse – et qui concernent les personnes ayant porté plainte sans nous contacter au préalable, par choix ou ignorance de l’existence de la cellule d’écoute diocésaine. Mais la plus grande part des procédures judiciaires font suite à des signalements effectués par le diocèse. Nous procédons en effet systématiquement à un signalement quand les faits dénoncés ont été prétendument – nous ne sommes pas là pour enquêter – subis pendant la minorité de la victime« .
Et donne les résultats de ces enquêtes menées par la justice : « Il y a actuellement un taux élevé de classement sans suite pour prescription ou parce que la justice considère, parfois, que l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée, qu’il n’y a pas assez d’éléments de preuve. La personne victime, à la suite de notre signalement, peut aussi refuser d’être entendue car ce n’était pas le sens de sa démarche. Souvent alors, la justice prononce un classement sans suite. Mais dans tous ces cas, cela ne signifie pas nécessairement qu’il ne s’est rien passé. Mais le simple fait que la justice suive son cours et que ce travail soit réalisé par un magistrat et non par l’Église est important.
Un certain nombre de procédures aboutissent tout de même ; ainsi, entre le 1er juillet 2024 et le 30 juin 2025, six personnes ont été poursuivies : deux cas (un prêtre et un laïc) dont le dossier a été transmis à un juge d’instruction pour une enquête plus approfondie ; un prêtre qui sera jugé prochainement ; deux personnes laïques, de l’Enseignement catholique, condamnées en première instance mais qui ont fait appel ; et un animateur d’aumônerie, jugé et relaxé« .
« Un nombre infime de personnes« , vraiment?
Cependant il tient ensuite des propos ambigus : « de manière générale, nous souhaiterions tellement que tout cela n’existe pas, qu’après quelque temps, c’est comme si la fenêtre que nous avions ouverte finissait par se refermer toute seule. Il nous faut alors faire l’effort de la rouvrir, accepter que c’est une réalité de notre Église qui, certes, concerne un nombre infime de personnes, mais qui ne concerne pas, comme on voudrait l’espérer, plus personne aujourd’hui« .
L’on peut se demander aussi si le diocèse de Paris a pris la mesure de l’affaire Spina qui a secoué le diocèse de Toulouse et l’Eglise de France cet été : « lorsque l’agresseur est un prêtre, l’Église doit l’accompagner avant, pendant et après une éventuelle condamnation, et cela au risque que la victime en soit profondément blessée, se demandant « de quel côté » se place l’Église […] il est louable de croire qu’une personne coupable, et donc déviante, peut un jour être guérie. Et sur cette base, c’est, à mon sens, une préoccupation saine que de se demander comment, après un délai probant, réinsérer un prêtre, en prenant toutes les précautions utiles au regard du risque de récidive« .
« Paris n’est pas du tout un exemple » en matière de gestion et prévention des abus ?
Pourtant, n’en déplaise à Mgr Tois, les abus sont toujours une réalité dans le diocèse de Paris – notamment comme nous le confie un prêtre parisien sous le couvert de l’anonymat, « parce qu’il y a des auteurs plus égaux que d’autres, dès lors qu’ils viennent du sérail parisien, sont épiscopables ou médiatiques. Certains, qui ne peuvent plus être mis en paroisse sont envoyés enseigner – alors qu’on s’attendrait – et les victimes au premier chef, qu’ils vivent une vie de prières et de pénitence, ils sont amenés à donner des leçons de morale à d’autres prêtres ou aux fidèles !
Pis, les prêtres qui se plaignent de cet état de fait subissent des représailles, et assez récemment, un vicaire qui a dénoncé à la justice canonique l’état de concubinage notoire de son prêtre, vu qu’il ne pouvait dormir dans le presbytère tant il y avait de bruit, a été poussé à quitter le diocèse. Ce n’est franchement pas un contexte qui favorise la prévention des abus, et Paris n’est pas du tout un exemple ».
