Depuis que le père Placide Esse Loko a écrit aux élus du territoire de son ex-paroisse de Solesmes le 4 octobre dernier, expliquant par le menu ses griefs vis à vis des laïcs – d’un diacre principalement, et, ce qui est beaucoup moins courant, adressant de vifs reproches à son évêque Mgr Dollmann – de l’eau a coulé sous les ponts. A ce jour, le père Placide Esse Loko a été renvoyé en études, au séminaire de Strasbourg où Mgr Dollmann l’avait d’ailleurs trouvé, avant de l’ordonner à Cambrai.
Dans la Voix du Nord, le prêtre avait cherché à éteindre l’incendie : « il indique que sa missive avait vocation à faire entendre sa voix, ce qui, assure-t-il, n’était pas le cas jusqu’alors. Estimant avoir atteint son but, il exprime désormais son désir de rentrer dans le rang, « jouer la carte de l’obéissance, ne pas aller plus loin », d’autant, certifie-t-il, qu’« il y a toute une reconsidération de l’histoire au sein de l’évêché ». Reste que la lettre du prêtre a fait l’effet d’une bombe sur le territoire et ému plus d’un élu destinataire. Lesquels n’ont pas manqué de faire part de leur stupeur et de leur déception face aux faits relatés« .
De fait, au moins un élu s’est fait son avocat : « le maire communiste de Briastre (et non pratiquant, précise l’intéressé) Bruno Leclercq, ont su défendre « l’engagement fort et de qualité » de Placide Esse Loko dans sa commune. Dans un courrier adressé au diocèse au lendemain des nouvelles nominations sanctionnant visiblement le religieux solesmois, il indiquait se « faire l’écho de nombreux citoyens » et espérait « que le discernement de l’action du père Placide sera reconnu par l’Église ». Tenant à garder son anonymat, un autre élu croit avoir remarqué, sans énoncer de conclusion, une valse surprenante de prêtres n’ayant pas trouvé grâce aux yeux des paroissiens du Solesmois« .
Dans le dernier bulletin diocésain, il est indiqué à son sujet qu’ayant « renoncé le 29 août 2025 à sa charge de curé de Solesmes et d’aumônier [de deux établissements scolaires] il est nommé prêtre étudiant à la faculté de théologie de Strasbourg« .
« Il n’y avait pas d’autre solution que de le retirer de la paroisse »
De fait, la décision de le retirer de la paroisse de Solesmes semblait inévitable. Un de ses confrères parle « d’erreur de casting. Déjà, quand il était diacre à Maubeuge, il s’était mis à dos son doyen. Le conseil presbytéral a voté à l’unanimité, moins une voix, sa révocation. Il est dans le refus de vivre l’obéissance et la communion fraternelle avec les prêtres de son doyenné, il n’allait pas aux réunions sous prétexte que le diacre [Maerten] y était, ça ne pouvait plus durer« .
Directement visé dans la lettre de l’ex-curé de Solesmes, le diacre Dominique Maerten n’y va pas par quatre chemins : « il a mis le brol [bazar] dans la paroisse dès son arrivée. Il est passé dans quatre diocèses comme séminariste ou prêtre étudiant, au Bénin, puis à la Rochelle, Strasbourg et enfin Cambrai. Quand il est passé à Maubeuge, ça a explosé avec le doyen, il ne supporte pas l’autorité. Puis ils l’ont mis à Solesmes. Sauf que comme il est clérical, voire un peu pervers narcissique, il a mis dehors tous les gens qui avaient des responsabilités, les catéchistes, et même le comptable. Résultat, les paroissiens sont partis, la paroisse s’est vidée.
Après l’avis unanime du conseil presbytéral pour le révoquer, il s’est mis en colère après Mgr Dollmann, les mots ont volé si haut que le personnel est sorti voir ce qu’il se passait. Aujourd’hui, le nouveau curé est le vicaire général [Matthieu Dervaux] Dans sa lettre, il parle de racisme, mais tous les prêtres l’ont désavoué, même les prêtres africains. Il avait aussi essayé de m’intenter un procès en hérésie, en prenant des bouts de phrase dans mes homélies, sorties du contexte, pour m’accuser d’être incroyant, sur le mode qui veut tuer son chien l’accuse de la rage. C’est vraiment une erreur de casting ».
« Un bon prêtre, mais trop clérical et pas diplomate »
Autre son de cloche, d’une famille qui « le regrettera, même si avec sa lettre il est probablement allé trop loin, ça donne une mauvaise image de l’Eglise… ». Décrit comme un « bon prêtre, très actif, notamment auprès des familles », il a eu « maille à partir avec des laïcs qui veulent que le prêtre soit un pantin » et un « diacre qui aimerait bien être prêtre, sauf qu’il ne peut pas. La paroisse a été montée contre lui, et en fin de compte trois quart des gens ont écrit à Mgr Dollmann. Ses soutiens aussi, mais les lettres ne sont jamais arrivées sur le bureau de l’évêque« .
Dans cette paroisse très problématique où trois prêtres ont été éjectés après des brouilles avec des laïcs, sur les quinze dernières années, « dès le début, ça ne l’a pas fait. Le diacre a dit au père Esse Loko que les sermons, c’est lui qui les faisait. Le premier était plein d’énormités, le père Esse Loko a décidé de les faire lui-même et c’est de là que la brouille est partie. Il y avait aussi un groupe de jeunes qui devait aller à Taizé avec une laïque, il a essayé de la joindre pendant six mois par tous les moyens, en fin de messe elle le fuyait, et elle disait qu’il la harcelait. Or il voulait juste partir avec les jeunes, ce qui est le rôle d’un curé de paroisse ! ».
En revanche, concède-t-on, « il n’est pas diplomate et trop clérical. Les laïcs dans la paroisse était tous contre lui. Des diacres ont même voulu démissionner. En fin de compte dans un pélérinage diocésain, une paroissienne de Solesmes a apostrophé Mgr Dollmann en allant droit au but, presque impoliment, et là il a été obligé d’agir. En fin de compte aujourd’hui la paroisse est vidée et divisée, il y a des problèmes à la chorale et au catéchisme. Et comme il envoyait des mails d’excuses mais que personne ne lui répondait, il s’est senti obligé de faire cette lettre« .
Dans ce Clochemerle du Cambrésis, les torts sont certainement partagés. Mais l’on se demande quand même pourquoi les évêques s’étonnent encore du nombre croissant de prêtres en burn-out, ainsi que de prêtres récemment ordonnés qui abandonnent le sacerdoce ou se redirigent vers d’autres formes de vocations (en monastère, fidei donum, ermites, prêtres ouvriers, enseignants etc.) après quelques années en paroisse…
