Honoré en 2020 du prix Aix la Chapelle pour la Paix pour son engagement auprès des migrants au Maroc, le père Antoine Exelmans est connu dans le diocèse de Rennes et au-delà – en 2024 il posait fièrement aux côtés du cardinal Aveline lors de la rencontre MED 2024 à Marseille, du 6 au 8 avril. Sauf que l’ex-vicaire général du diocèse de Rabat est aussi mis en cause par la presse marocaine pour abus sur… des migrants, cinq guinéens et un camerounais, quand il était en poste à Casablanca entre 2021 et 2024, d’où il a été depuis exfiltré – véritable star de l’Eglise de France pour l’engagement en faveur des migrants, il les a peut-être aimé de (beaucoup) trop près. Et jusque là le diocèse de Rennes s’est tu sur sa situation canonique actuelle, sur l’endroit où il est, et n’a communiqué qu’auprès d’une seule de ses anciennes paroisses, juste un encart dans le bulletin…surtout pas un appel à témoignages…
D’après le site Après la Ciase qui a retracé son parcours – en reprenant notamment les informations issues de plusieurs articles de la presse locale, il est aumônier à Cesson-Sévigné près de Rennes en 1991, ordonné en 1993, aumônier des étudiants à Rennes en 1995, en 2000-2004 dans le diocèse de Bangassou en Centrafrique, curé de Maurepas près de Rennes en 2004-2009, à nouveau en Centrafrique en 2009-2012, puis curé de Mordelles près de Rennes toujours en 2012-16. Quand il revient en 2012 de Centrafrique (Ouest-France 20/9/2012) il se dit « marqué par les inégalités et la pauvreté en Afrique. Je veux avoir une attention particulière pour toutes les formes de pauvreté et c’est le rôle de l’église d’inventer de nouvelles manières de proposer la foi aux jeunes et aux familles ».
Un engagement pour l’accueil des migrants en 2015
Lors de la grande crise migratoire de 2015, il s’investit pour l’accueil des migrants dans sa paroisse – ce qui fonde l’association Tabitha, dont la présidente en 2025 retraçait les dix ans d’histoire dans la presse locale : « « Tout est parti d’une protestation d’un prêtre de la paroisse de Mordelles, Antoine Exelmans, et d’un groupe de paroissiens. Au petit groupe d’indignés, des dizaines de personnes, venant de tout horizon social et confessionnel se sont unies en donnant de leur temps, de leur cœur et de leur argent. D’une maison pour accueillir les réfugiés, on est passé à deux puis huit à ce jour ». L’association, qui a obtenu la régularisation de plusieurs familles, est toujours active auprès de migrants d’Afrique et des pays de l’est.
Au Maroc pour « comprendre les problématiques migratoires et la question de l’islam«
Il repart au Maroc en 2016 « pour comprendre les problématiques migratoires et la question de l’islam », apprendre l’arabe et compléter sa formation théologique (Ouest-France 14-9-2016) : « la formation théologique à l’institut Al Mowafaqa, lieu oecuménique, où catholiques et protestants collaborent pour la formation des acteurs de la pastorale au Maroc. Antoine Exelmans y apprendra l’arabe, « car connaître la langue permet de se lier aux gens, de s’immerger vraiment ». Cet institut de formation est aussi un espace de réflexion et de promotion du dialogue interculturel et interreligieux. C’est un terrain délicat et passionnant, enthousiasmant. C’est l’occasion d’approfondir ce que signifie être chrétien. Le partage de nos expériences a beaucoup de sens. C’est un défi de taille pour les sociétés. « Les uns ont à apprendre des autres et réciproquement. La diversité, c’est super mais très compliqué. Il faut désamorcer les préjugés et lutter contre notre formatage »…
En 2020, sur un des sites de référence de l’accueil des migrants en France, Infomigrants, il est qualifié de « héros de l’ombre au service des migrants« . A l’époque, l’article donne des précisions sur son engagement à Oujda : « Antoine Exelmans cherche aussi à proposer des alternatives aux migrants. Il travaille étroitement avec l’agence onusienne pour les réfugiés (HCR) afin d’accompagner les processus de demandes d’asile. L’autre défi de cette coopération est de permettre aux jeunes migrants, notamment les mineurs non-accompagnés, de poursuivre leur éducation lors de leur séjour au Maroc. « Nous avons beaucoup de gens fragiles et marqués par leur aventure, explique Antoine Exelmans. Le défi reste l’accueil fraternel et humanitaire pour rétablir la dignité de la personne, ainsi que l’accompagnement des plus vulnérables », signale le religieux« .
Accueilli au Maroc par l’ex-directeur du collège de Bétharram au moment de la première affaire d’abus
Il est accueilli dans le diocèse de Rabat par Mgr Vincent Landel, de la congrégation du Sacré-Coeur de Bétharram (il a été directeur du collège en question de 1994 à 2000, en plein milieu de la première affaire Bétharram et des abus du père Silviet-Carricart) et s’investit auprès des migrants à Oujda en 2016-2021. Mgr Romero, salésien de Don Bosco qui lui succède, nomme Antoine Exelmans vicaire général. Il est transféré à Casablanca, où il continue à s’investir auprès des migrants.
Mgr Landel accueille un autre prêtre qui lui a été exfiltré au Maroc depuis le diocèse de Dijon, après une première plainte – le père Yves Grosjean, ancien curé de Sombernon, actuellement en détention provisoire, accusé par 17 victimes allant des années 1980 à 2015.
Revenons au père Exelmans, qui donne des nouvelles à la paroisse Saint-Augustin de Rennes, lors de son transfert à Casablanca, qui auraient du interroger [nous mettons en gras] :
Le diocèse de Rabat parle de « burn-out » avant de reconnaître des « abus sur des personnes fragiles »
Le 24 mai 2024 une première plainte est déposée à Casablanca. En juin 2024, le père Exelmans rentre précipitamment en France, alors qu’il devait rester un an de plus; selon l’archevêché, il est en « burn-out professionnel« . Ce n’est que le 5 juillet que le diocèse publie un communiqué : « Des personnes m’ont alerté sur le comportement du P. Antoine Exelmans au service des jeunes migrants, laissant entendre qu’il pourrait y avoir des abus sur des personnes fragiles« . Le diocèse de Rabat annonce lui avoir demandé de cesser tout ministère public, et lancé une enquête qui sera communiquée à Rome.
Le diocèse de Rennes ne communique qu’auprès de la paroisse de Maurepas
Six mois après son retour en France, le diocèse de Rennes ne communique que dans le bulletin paroissial de Maurepas (dont il a été curé en 2004-09) pour reconnaître qu’il y a comme un problème :
« Communiqué de notre archevêque
Le père Antoine Exelmans a exercé son ministère sur la paroisse de Maurepas du 1er septembre 2004 au 31 août 2009. Après d’autres missions, le 1er septembre 2016, il a été mis à la disposition du diocèse de Rabat comme prêtre Fidei donum. Le 5 juillet 2024, l’Archevêque de Rabat a publié un communiqué : « Des personnes m’ont alerté sur le comportement du P. Antoine Exelmans au service des jeunes migrants, laissant entendre qu’il pourrait y avoir des abus sur des personnes fragiles. » L’Archevêque de Rabat a alors demandé au père Antoine Exelmans d’arrêter tout ministère public et a diligenté une enquête dont le résultat a été transmis à Rome. Une enquête de la justice civile est en cours.
Si des personnes estiment utile d’apporter des éléments susceptibles d’éclairer les enquêteurs, elles peuvent apporter leur témoignage à la Police ou à la Gendarmerie, ou joindre la Cellule d’accueil et d’écoute du diocèse de Rennes,
en appelant au 02 99 14 35 53,
ou en écrivant un mail à : [email protected]
Le père Antoine Exelmans est présumé innocent tant que l’enquête civile n’est pas achevée. Prions pour lui et pour les personnes qu’il aurait blessées.
Rennes, le 10 janvier 2025
+Pierre d’Ornellas
Six migrants victimes brisés à vie et abandonnés par l’Eglise ?
Le 3 novembre, la presse marocaine publie une enquête sur le sujet. « Nous sommes le 30 octobre à Casablanca, Ahmed* est un demandeur d’asile âgé de 17 ans. Il se cache pour survivre. Casquette sur la tête, il est camouflé dans son capuchon. Ce jeune homme originaire de Guinée Conakry, serait parmi les six victimes présumées du Père Antoine. « Ce dernier entretenait des relations sexuelles régulières avec ce mineur et ce durant des mois. C’était sa dernière victime, avant son départ en France, son pays d’origine », confirme notre source. Et d’ajouter : « C’était le premier à avoir tout dit. Il s’est effondré en larmes la première fois »
Les autres victimes qu’on ne peut localiser sont entre Casablanca et Rabat. Ils partagent assurément leurs blues et leur déception. Ils se murent dans le silence. Cinq victimes identifiées par ENASS.ma sont de nationalités guinéennes et le sixième est de nationalité camerounaise. Toutes ces victimes présumées, ont subi des abus alors qu’elles étaient mineures (moins de 18 ans). Aujourd’hui, ils ont les âges suivants : La victime n° 1 (21 ans), la victime n° 2 (20 ans), les victimes n° 3, 4 et 5 (19 ans) et la victime n° 6 (17 ans)« .
D’après ENASS, l’Eglise ne leur a pas porté assistance, mais la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) à Casablanca a entendu trois des six victimes.
Le père Exelmans ferme les services sociaux de l’Eglise destinés aux migrants pour tout gérer lui-même
D’après ENASS, le père Exelmans a obtenu la fermeture de plusieurs services sociaux destinés à l’accueil et l’accompagnement des migrants à Casablanca, jusque là mis en place par le diocèse, pour les reprendre lui-même avec des bénévoles, auréolé de son expérience à Oujda. Corollaire : le père Exelmans est sur tous les fronts, et donc les migrants accueillis ne dépendent que de lui : « Père Antoine c’est aussi un caractère bien trempé et un homme qui impose son charisme et ses positions. Entre 2020 et 2022, il obtient la fermeture des services sociaux gérés par l’église, Tanger Accueil Migrants (TAM), Centre Accueil Migrants (CAM) à Rabat et Service accueil Migrants (SAM) à Casablanca. L’église se sépare du personnel et sur avis du père Antoine, l’église gère en interne et avec des bénévoles ce service social destiné principalement aux migrants et réfugiés de passage, ou résidents à Casablanca, Tanger et Rabat. « Père Antoine voulait tout gérer, lui-même », confie un acteur associatif qui a vécu cette période. Au passage, les quelques règles existantes en matière de protection et de suivi des mineurs accueillis, disparaissent. C’est désormais le père Antoine qui décide de tout ».
Refusant systématiquement que les personnes chargées de l’écoute psychologique des migrants restent seules avec sans sa présence, d’après un bénévole cité par ENASS, il « tenait à chaque fois à obtenir un traitement médicamenteux psychiatrique pour ses victimes. Au départ, ces traitements étaient obtenus auprès du Service des maladies psychiatriques, le n°36 du CHU de Casablanca », puis auprès d’une psychiatre indépendante qui lui faisait confiance.
Depuis son départ précipité en France, le service d’accueil d’urgence des migrants géré par le père Exelmans a été fermé par la paroisse de Casablanca. Comme un problème ? Les bénévoles qui ont côtoyé le prêtre rennais penchent pour une volonté de l’institution de lui éviter des poursuites judiciaires dans le pays : « quelques jour après son départ la paroisse de Casablanca nous avait dit qu’il était en vacances. Pour moi, c’est une exfiltration pour échapper à toute poursuite judiciaire au Maroc »
Le diocèse de Rabat communique, pas le diocèse de Rennes
Par communiqué transmis à l’AFP, le cardinal Romero affirme avoir coopéré avec les autorités marocaines, que l’abbé Exelmans est « assigné à résidence » en France et qu’une seule victime s’est rapprochée de l’Eglise, qui l’a pris en charge :
« Dès que les faits ont été portés à notre connaissance, nous avons engagé les démarches prévues par le droit de l’Eglise et coopéré pleinement avec les autorités civiles compétentes, au Maroc comme à l’étranger, en leur transmettant les résultats de notre enquête« . L’archevêque affirme que « la seule victime mineure que nous connaissons » a été prise en charge par l’Eglise. Il précise que le prêtre n’est pas en fuite mais « actuellement assigné à résidence (…) et a été entendu par la police judiciaire en France ».
A ce jour, le diocèse de Rennes refuse d’indiquer où est-il précisément, certifiant cependant qu’il n’est plus en service actif et n’est pas au contact de mineurs. Selon nos informations, après six mois de repos dans sa famille, il se serait rapproché d’une fraternité de prêtres jésuites. Quatre ans après la CIASE, le silence du diocèse de Rennes, pendant que les victimes sont livrées à elles-mêmes et que les ex-fidèles du père Exelmans s’interrogent, est assourdissant.
Le diocèse de Rabat parle de « burn-out » avant de reconnaître des « abus sur des personnes fragiles »
