Le dernier numéro de la lettre aux Amis du Monastère vient de paraître (Abbaye Sainte Madeleine du Barroux, n°195, 8 septembre 2025). Dom Louis-Marie de Geyer, Père Abbé, y évoque la question de la souffrance.
Editorial de Dom Louis-Marie de Geyer
Au mois de juillet, en fin d’après-midi, un de nos Pères a eu un accident de mobylette…
8 septembre 2025
Nativité de la Sainte Vierge
L’âme face à la souffrance
Au mois de juillet, en fin d’après-midi, un de nos Pères a eu un accident de mobylette. Il se pressait de revenir à l’abbaye quand son engin fut stoppé net, le projetant brutalement à terre. Le pauvre Père a eu une syncope et, heureusement, des voisins en promenade l’ont trouvé et nous ont alertés. Les pompiers sont arrivés très rapidement, et dès que le Père a repris connaissance, ils lui ont demandé d’évaluer sa douleur sur une échelle de un à dix. Il répondit : « Huit. »
Aux urgences de Carpentras, on découvrit qu’il avait une douzaine de fractures à sept côtes, une vertèbre et une clavicule cassées. Rien à la tête, heureusement. Après une dizaine de jours à l’hôpital, le Père est enfin revenu, et il s’en sortira sans séquelles durables, mais pour l’instant il ressent encore les conséquences de cet accident par des douleurs et des nuits chaotiques.
Pendant ce temps, un autre de nos Pères se faisait opérer du cœur à Marseille, un peu en urgence. Tout s’est bien passé, mais là aussi, la souffrance physique se fait bien sentir, et de façon durable.
Confronté à cette souffrance que l’on peut percevoir dans le regard, la voix et les traits du visage, j’ai eu l’idée de faire relire au réfectoire la lettre apostolique Salvifici Doloris de saint Jean-Paul II : la souffrance salvifique. C’est l’un des documents les plus lumineux que j’aie jamais lus ; d’une précision, d’une pédagogie, d’une profondeur doctrinale et d’un regard contemplatif sur le Christ, qui font de ce texte un motif fort de crédibilité de la foi catholique. Je vous recommande sa lecture, d’une grande actualité dans le contexte du projet de loi sur l’euthanasie, lequel prétexte la souffrance pour justifier le droit de tuer.
Saint Jean-Paul II tente de définir la souffrance en elle-même, en précisant avec humilité qu’elle demeure un mystère et que chaque souffrance vécue possède quelque chose d’incommunicable.
Puis, à partir de la Révélation divine, il cherche le sens de la souffrance dans le plan du salut. Il montre tout d’abord que les Écritures révèlent un lien entre le péché et la souffrance, car cette dernière est une conséquence du mal, c’est-à-dire d’une atteinte faite au bien de la création. Dans le livre de Job, les amis de ce dernier affirment à Job que s’il souffre de tant de maux, c’est qu’il a péché gravement : la souffrance serait donc une façon d’expier le péché commis et de préserver l’ordre moral. Mais si cela est vrai, ce n’est pas tout.
Saint Jean-Paul II montre précisément que la souffrance de Job n’est pas la conséquence directe du péché, mais une épreuve. La souffrance permet de discerner la sincérité et la profondeur de la religion de Job. Mais ce n’est pas tout.
Finalement, saint Jean-Paul II montre, à partir du grand texte d’Isaïe (Is 52, 13 – 53, 12) — le chant du Serviteur souffrant — que déjà dans l’Ancien Testament était indiqué le sens salvifique de la souffrance. Ce serviteur mystérieux est décrit comme totalement innocent, acceptant de prendre la souffrance sur lui pour le salut de ses frères. Il s’agit là d’une des prophéties les plus précises du mystère de la passion salvatrice de Notre-Seigneur.
Jésus, le Verbe de Dieu, a pleinement embrassé la souffrance pour le salut de chacun d’entre nous et du monde entier. Saint Jean-Paul II offre alors une vision doctrinale et contemplative de la souffrance du Christ, qui a souffert plus que tout homme au monde, car, dans sa passion il a souffert en ce qui lui était le plus cher : sa relation au Père. « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Si l’on avait demandé au Seigneur, sur une échelle de 1 à 10, combien il souffrait, il aurait pu répondre que sa souffrance reliait la terre au ciel pour sauver les âmes, qu’il a aimées jusqu’au bout.
Abbaye Sainte Madeleine (Barroux)
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