Choisi pour succéder au cardinal Ayuso, décédé le 25 novembre dernier, le cardinal indien George Jacob Koovakad restera chargé de l’organisation des voyages pontificaux. Né en 1973, il est depuis 2020 à la Secrétairerie d’État du Saint-Siège et depuis le 12 septembre 2021, il y est chargé de planifier les voyages pontificaux. Le 6 octobre 2024, le pape François annonce qu’il sera admis au Collège des cardinaux le 7 décembre 2024, alors qu’il n’était pas évêque. Il est sacré le 24 novembre 2024.
Il livre ses premières impressions :
Comment avez-vous accueilli cette nomination?
Avec une grande gratitude pour le Pape qui, en moins de deux mois, m’a inclus de manière inattendue dans le Collège des cardinaux, m’a nommé archevêque et me confie maintenant un dicastère qui, jusqu’à récemment, était dirigé par un homme sage et bon comme le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot et, avant lui, par un homme de foi profonde et un infatigable bâtisseur de paix comme le cardinal Jean-Louis Tauran, lui aussi jusqu’à la fin de sa vie. J’avoue que cela me donne beaucoup d’inquiétude et un sentiment d’inadéquation. En même temps, je me fie beaucoup aux prières de tous ceux qui ne cessent de rêver d’un monde dans lequel les diversités religieuses non seulement coexistent en paix entre elles, mais sont elles-mêmes des éléments irremplaçables dans la construction de la paix entre les peuples. Je me fie aux conseils du Saint-Père, ainsi qu’au chemin déjà tracé avec une profonde sagesse par ceux qui m’ont précédé. Et je me fie surtout à l’aide des collaborateurs du dicastère rencontrés ces dernières heures et qui m’ont déjà accueilli avec amitié, et m’ont fait me sentir chez moi.
Vous êtes né il y a 51 ans à Chethipuzha, dans l’État du Kerala. En tant qu’Indien, même si vous avez vécu de nombreuses années loin de votre pays, vous portez dans votre ADN le thème de la coexistence entre des religions très différentes…
Oui, je suis né et j’ai été élevé dans une société multiculturelle et multireligieuse, où toutes les religions sont respectées et assurent l’harmonie. La différence est une richesse! J’aime souligner que le dialogue interreligieux en Inde est traditionnellement lié au monachisme. Dès 1500, le jésuite Roberto De Nobili a revêtu la robe et les coutumes des moines indiens, apprenant les langues locales et essayant d’assimiler tout ce qui pouvait être valorisé dans ces traditions. Une tentative qui n’est pas sans risque, même si, comme nous l’enseigne le Pape, en sortant et en marchant, on risque toujours quelque chose. Mais ce que je voudrais souligner, c’est cette attitude d’ouverture, de sympathie et de proximité avec les autres traditions. La foi chrétienne est capable d’inculturation: les chrétiens sont appelés à être des semences de fraternité pour tous. Cela ne signifie pas renoncer à sa propre identité, mais plutôt être conscient que l’identité n’est pas et ne devrait jamais être une raison pour ériger des murs ou discriminer les autres, et qu’elle est toujours une occasion de construire des ponts. Le dialogue interreligieux n’est pas simplement un dialogue entre religions, mais entre croyants appelés à témoigner dans le monde de la beauté de la foi en Dieu, de la pratique de la charité fraternelle et du respect.
L’une des missions de votre nouveau dicastère est celle des relations avec le monde islamique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Le Concile œcuménique Vatican II a donné lieu à une nouvelle saison dans les relations avec les autres religions et donc aussi avec l’islam. Je voudrais rappeler des paroles et des gestes prophétiques, comme celui de saint Paul VI qui, en pèlerinage en Ouganda en 1969, a rendu hommage aux premiers martyrs chrétiens africains en faisant une comparaison qui associait également les croyants musulmans au martyre qu’ils avaient tous subi de la part des rois tribaux locaux. Je me souviens ensuite des paroles adressées par saint Jean-Paul II à de jeunes musulmans à Casablanca, au Maroc, en 1985, lorsqu’il leur a dit: «Nous croyons au même Dieu, le Dieu unique, le Dieu vivant, le Dieu qui crée les mondes et amène ses créatures à leur perfection». Seize ans plus tard, le même Souverain pontife franchissait pour la première fois le seuil d’une mosquée en entrant dans la mosquée des Omeyyades à Damas, lors de son voyage en Syrie. L’image de Benoît XVI se recueillant en silence dans la Mosquée bleue d’Istanbul en 2006 est encore bien présente dans les mémoires. Et comment ne pas évoquer les nombreuses démarches du Pape François, comme la signature du document sur la fraternité humaine signé avec le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb le 4 février 2019 à Abu Dhabi, suivie un an plus tard de la publication de l’encyclique Fratelli tutti.
Les épisodes que vous citez sont presque tous liés aux pèlerinages apostoliques des Papes et cela m’amène à relier ce qui a été dit jusqu’à présent à votre rôle d’organisateur des voyages de François…
C’est vrai: les voyages du Saint-Père ont presque toujours des implications interreligieuses, des rencontres avec les représentants d’autres religions, des moments de fraternité vécue. Je pense au récent voyage en Asie et en Océanie, en septembre 2024, lorsque François a béni le “tunnel de l’amitié” qui relie la mosquée à la cathédrale de Jakarta, en Indonésie. J’ai été impressionné par les gestes d’amitié du Grand Imam Nasaruddin Umar. Avec la nonciature apostolique et les collaborateurs du service des voyages de la Secrétairerie d’État – que je remercie pour le travail accompli -, nous avions longuement préparé, en dialogue avec les autorités musulmanes, la visite à Dubaï prévue début décembre 2023 à l’occasion de la COP28 sur le changement climatique, puis annulée quelques jours avant le départ en raison de la convalescence du Pape. Et je voudrais aussi mentionner la merveilleuse expérience que j’ai vécue quelques mois plus tôt en Mongolie, où seulement 1,3% de la population est chrétienne. Sans oublier les voyages apostoliques au Kazakhstan et au Bahreïn. Le contexte du dicastère pour le Dialogue interreligieux est complètement nouveau pour moi, mais je crois que l’expérience que j’ai eue jusqu’à présent, et que je continuerai à avoir dans l’organisation des voyages, m’a été et me sera utile. De même, j’espère que mon service dans les nonciatures apostoliques en Algérie, en Corée du Sud et en Iran me sera utile. En 2021, je n’étais pas encore impliqué dans les voyages pontificaux, mais les images du dialogue du Saint-Père avec le Grand Ayatollah Sayyid Ali al-Sistani à Nadjaf, lors de la visite historique en Irak, sont restées gravées dans ma mémoire.