Le Père Paul (Maurice) Dupont, abbé émérite (1956-1971), s’est éteint le dimanche 12 janvier 2025, à l’âge de 103 ans, dans sa 76è année de profession religieuse, la 74è de son sacerdoce. Les funérailles auront lieu à Mondaye le mercredi 22 janvier 2025 à 14h30.
Le Père Paul (Maurice Dupont) est né à Belfort, le 14 mai 1921. Ses parents, André Dupont et Jeanne Cheillan, s’étaient mariés à Paris, et leur foyer allait bientôt abriter quatre garçons : leur aîné Gilbert, puis Roger, puis Maurice (futur frère Paul) et enfin Jean-Marie. Éducation chrétienne de l’époque, foyer uni, un père industriel, très attentif à l’éducation et aux études de ses enfants. Pour Mme Dupont, elle tient de sa propre mère des formules pour chaque instant du jour, qui se gravent dans le cœur des petits. Quand une poussière s’est glissé dans l’œil, on doit dire : « Mon Dieu mettez-y la main, avant que j’y mette la mienne ». Et le soir, quand les garçons ont fait des bêtises toute la journée, ils doivent dire : « Allez, allez, vilain péché, qui avez ôté le petit Jésus de dedans mon cœur ». Maurice restera marqué par le comportement chrétien naturel de ses parents. Le matin, il apercevait son père qui faisait à genoux ses prières, au pied de son lit.
Maurice reçoit aussi sa formation chrétienne dans le scoutisme, à la « 1ère Belfort ». Il fait sa promesse en 1934, est chef de patrouille en 1936, et bientôt chef de troupe. Le garçon sportif et élancé (totémisé « Gazelle » chez les scouts) pratique sans modération la natation et l’escrime. Réfléchissant vers la fin de sa vie aux grandes influences de sa jeunesse, le Père Paul en mentionnait trois : le scoutisme, Charles de Foucauld – dont on découvrait alors l’histoire avec passion – et enfin une influence plus intime, peut-être, le choc de l’athéisme à Belfort, ville fortement ouvrière, communiste : le jeune Maurice discute à perte de vue avec un ami, « Faucon rouge » (des scouts communistes).
Il vient d’avoir dix-neuf ans quand la guerre fait irruption dans sa vie. Son parcours personnel en sera profondément altéré. D’abord séminariste à Nice pour l’année 1940-1941, le brillant sujet n’y reste pas : avec l’accord de l’archevêque de Besançon Mgr Dubourg, il rejoint Paris pour faire une licence de philosophie à l’Institut Catholique, et loge au séminaire universitaire des Carmes. Malgré les restrictions de la guerre, les jeunes et talentueux séminaristes sont heureux, la plupart des anciens scouts de France, certains promis à une belle carrière ecclésiastique et d’autres à une mort glorieuse dans la Résistance.
Ses travaux d’étudiants conservés dans les archives de Mondaye montrent que le jeune Maurice disserte souvent en psychologie ou en morale sociale sur « le chef » – grand sujet des éducateurs de l’époque, grand problème aussi d’une Europe tenaillée entre führer et duce. Insatiable, il lit Thibon, Berdiaef, Blondel. Pourtant, en 1943, Maurice, qui termine sa troisième année de licence scholastique (c’est-à-dire de philosophie) est hésitant. Il écrit à son curé de Belfort : Philosopher ? Ce n’est pas étudier des théories bizarres, c’est quelque chose qui engage toute la vie. C’est sortir de soi-même pour atteindre le réel. Ici, je tourne à vide… Voilà un garçon de 22 ans fatigué par les abstractions, qui réalise qu’il n’a aucune expérience humaine concrète de la vie réelle et vit sans s’engager. Comment sortir de cette ambiance scholastique un peu irréelle en ce temps de guerre ?
Cette année-là, pour la première fois, bref séjour à Mondaye en Normandie, avec son condisciple de la Catho, le jeune chanoine prémontré Yves Bossière. Cinquante ans plus tard, le P. Paul se souvient :
Je suis venu à Mondaye trois ou quatre jours. J’ai gardé l’impression d’un petit joyau rural, au bout du monde. Il y avait des arbres partout autour de l’abbaye. Un lieu ravissant avec une très vieille communauté. On aurait dit des trappistes, d’où sortaient périodiquement des missionnaires diocésains pour prêcher des retraites. Une communauté très pauvre. Le père abbé était le P. Norbert Huchet, il m’avait fait une grande impression, un homme très ascétique, intuitif, volontariste, une belle tête…
Cependant le temps n’est pas venu encore de la vie religieuse. Il s’agit pour l’instant d’échapper au STO en Allemagne, et Maurice a appris que les mineurs de fond pouvaient rester à leur poste. Pourquoi ne pas se faire mineur de fond ? Si bien que le jeune lion de Belfort quitte Paris à l’été 43 et part travailler à la mine de Peyrebrune, dans le Tarn. Pendant près d’un an, il fait le manœuvre par 500 mètres de fond, pour extraire le plomb, le zinc et l’argent. Il plonge surtout dans le réel, un peu à l’image de sa contemporaine Simone Weil, passée de la philosophie à l’usine pour comprendre le travail ouvrier asservissant.
Maurice Dupont passe ensuite de la mine au maquis du Tarn. En 1944, il est de ces maquisards de Vabre qui vont devenir, après la libération du Tarn, le 12e Dragon de Dunoyer de Segonzac, au sein de la 1ère armée du général De Lattre. Au milieu de ces méridionaux expansifs, tous volontaires, tous braves, Maurice Dupont fait toute la campagne des Vosges, jusqu’aux « Rhin et Danube ». Expérience inoubliable.
La paix revenue, il faut ranger les souvenirs brûlants, se remettre à penser à l’avenir. L’étudiant mûri a repris ses études : licence en philosophie à l’Institut Catholique, en juin 1946, licence ès Lettres en Sorbonne, en juillet 1946. Diplômes en poche, il se présente à Mondaye, où l’a recruté – avec cinq autres compagnons ! – le frère Yves Bossière, persuadé de l’avenir de la vie canoniale. Il reçoit l’habit blanc le 19 octobre 1946, au milieu d’une communauté âgée, mais comptant quelques jeunes religieux enthousiastes qui veulent rénover Mondaye, en faire un lieu où le mot d’ordre « France, pays de mission » serait vécu pleinement, quoique dans un Ordre ancien, aux traditions vénérables. L’année suivante 1947, le frère Yves est nommé abbé de Mondaye par Rome, sur l’instigation de l’abbé général Hubert Noots. Le nouvel abbé a 29 ans, c’est un mystique, charismatique, un séducteur.
L’abbaye d’après-guerre n’est pas riche – deux vaches ! – et pas en bon état : Une centaine de bombes, peut-être, étaient tombées sur l’église et sur le couvent, il pleuvait partout. L’hiver, il a neigé dans l’abbatiale, il fallait nous voir avec les grandes chapes blanches, dans cette neige… Mais le père-abbé Yves est très médiatique, il circule partout, vante la vie prémontrée, recrute. Et Mondaye ouvre, en 1949, à l’ombre de la faculté de théologie des dominicains du Saulchoir, le prieuré d’études d’Etiolles. C’est le jeune frère Paul qu’on envoie organiser le nouveau prieuré :
Le P. Yves m’a dit : « Voilà 10 000 francs, vous allez faire fonctionner le prieuré ». Etiolles, c’était une ferme en ruine, une mauvaise ruine. J’ai pris des adresses de parisiens… J’ai fait les greniers pour meubler la maison. Quelle histoire ! J’ai installé l’eau dans la cuisine, tout en commençant la théologie. J’ai toujours aimé bricoler, le travail des mains. A côté de nous, le Saulchoir : ça a été extraordinaire, il y avait tous les grands, Congar et les autres…
Frère Paul aime passionnément ces nouvelles études, il obtiendra la licence en théologie, en décembre 1951.
Dans l’intervalle il a fait profession simple (1948) puis solennelle (1951). En réalité, l’abbé Yves a besoin de lui pour le seconder, le plus tôt possible, alors on brûle un peu les étapes, en cette année 1951 : frère Paul est profès le 1er août, il est sous-diacre le 5 août, diacre le 15 août, et prêtre le 23 septembre, ordonné par Mgr Brems, ancien évêque prémontré au Danemark. Trois mois plus tard (1er janvier 1952), il est prieur de la communauté, avec seulement cinq ans et trois mois d’ancienneté dans la maison.
En réalité, le Père abbé Yves et son prieur Paul sont deux intellectuels, idéalistes, bien trop jeunes pour gouverner.
Le problème du recrutement était très difficile, ni le P. Yves ni moi n’avions l’expérience de la sélection. On a eu un déchet terrible, à cette époque. Et chaque fois le cœur en prenait un coup, car on s’attachait. C’était très dur.
Cependant, ces premières années sont denses, le duo Yves-Paul entraîne les jeunes frères dans la réflexion sur la vie canoniale et la préparation de « prieurés-paroisses » – un concept ancien revisité : un groupe de religieux en mission communautaire dans les villes ou les banlieues. Car Mondaye suit de près le bouillonnement de l’Eglise de France de ces années-là : journées nationales de Catéchèse, sessions du Centre de Pastorale Liturgique, liens étroits avec la « Mission de France ».
Mais la vie du jeune P. Paul va prendre un tour imprévu en 1955. Le Père abbé Yves Bossière – peut-être surmené, peut-être traversé de doutes physiques ou métaphysiques – démissionne brusquement, et quitte Mondaye pour toujours. Le prieur Paul se retrouve à la tête d’une communauté secouée, désorientée. Il fait face avec courage, sans doute à cause des jeunes – sept frères étudiants au prieuré d’Etiolles cette année-là – et parce que son tempérament le porte vers l’avant, sans qu’il ait bien le temps de se demander s’il est l’homme de la situation. De fait, l’été 55 est très actif, et voit notamment la construction de la nouvelle hôtellerie (le « Pavillon ») dans le jardin nord, grâce aux « Compagnons bâtisseurs », tandis que les jeunes frères aident à monter les parpaings. Croire à l’avenir, malgré tout…
Le nouvel état de fait est sanctionné par l’élection du P. Paul comme abbé. Le matin du jeudi de Pâques 1956, quelque 600 personnes se pressent dans l’église abbatiale de Mondaye pour la bénédiction abbatiale du nouveau prélat de Mondaye par l’évêque de Bayeux, Mgr Jacquemin. À plusieurs reprises, au cours de cette heureuse et étrange journée, la présence invisible du père abbé Yves – dont la communauté est sans nouvelles – est évoquée délicatement. Lors du repas qui suit la cérémonie, le nouvel abbé porte un toast : Je veux continuer le sillon ouvert par mon prédécesseur…
Commencé en fanfare avec une belle exposition nationale consacrée au peintre Restout, architecte de Mondaye au XVIIIesiècle, l’abbatiat du Révérendissime Père Paul Dupont semble prometteur. Le P. Paul a 35 ans et beaucoup d’énergie, peut-être même trop : on le voit diriger la vie pastorale de ses confrères, les finances et l’intendance de la maison. Les riches archives de l’abbatiat montrent un supérieur ami des règlements, des horaires et des consignes du quotidien. Il écrit toute la journée des notes précises pour se souvenir – après avoir reçu un de ses religieux comme après un entretien avec le plombier. Il s’occupe d’ailleurs lui-même de plomberie, de menuiserie, adore les plans et les travaux d’intérieur : il perce des portes, des fenêtres, rénove la cuisine. En décembre 1956, il aménage le grand réfectoire que la communauté vient de réoccuper, après quinze ans d’interruption : on y stockait, depuis la guerre, des tableaux du musée de Caen.
Le nouvel abbé donne l’habit à trois novices en 1956, six en 1957, quatre en 1958. Le Catalogus de 1959 recense 45 frères : au bout de trois ans d’abbatiat, le P. Paul donne l’impression d’avoir rempli la maison. Mais si le recrutement est magnifique, le suivi et la formation semblent plus problématiques : la plupart des frères entrés pendant cette décennie ne persévéreront pas. En attendant, le temps de fondation des fameux « prieurés-paroisses » – rêvés par son prédécesseur – est arrivé : le P. Paul ouvre le prieuré de Noisy-le-Grand en 1960, puis le prieuré de Saint-Julien de Caen en 1961.
Ces ouvertures missionnaires ne peuvent cependant pas cacher les difficultés du père-abbé Paul. Une première crise en 1962, occasionnée par les départs de frères en série et par l’opposition frontale de plusieurs religieux, suscite une longue visite canonique. Les tensions avec la communauté sont d’autant plus dures que par éducation et par devoir, le prélat, tendu, ne laisse pas souvent paraître ses sentiments. Un jour, cependant : J’ai pleuré comme un homme peut pleurer, confie l’abbé à son cérémoniaire, un matin de fête. Les frères ont du mal à comprendre leur supérieur. Un ancien de la communauté, qui a vécu sous son abbatiat, se rappelle :
En fait, il y avait deux pères Paul, il y avait celui de l’abbaye avec sa mitre, pas très facile, pas très drôle, et celui de l’extérieur, délicieux. Je me rappelle qu’il m’avait emmené une fois à Toulouse pour un colloque national des Vocations, en 2 CV, il était drôle, délicat, charmant. C’était vraiment un autre homme, dehors. Mais dans sa fonction, il était assez seul (et en désaccord avec les autres responsables de la maison). Au fond, il n’arrivait pas à être abbé ! Il se réfugiait dans les idées : les après-midi, il partait avec un fauteuil pliant et un bouquin de philo, et il lisait au soleil, quelque part…
Un engrenage d’activités intenses contribue cependant à masquer les problèmes personnels. Toujours captivé par les questions pastorales et l’avenir des paroisses, le P. Paul se lance dans une nouvelle aventure, avec quelques amis prêtres. Le cardinal Koenig de Vienne avait souhaité que, dans une Europe en train de se faire, on puisse unifier la pastorale des paroisses urbaines. Sitôt dit, sitôt créé le « Colloque Européen des Paroisses », dont le P. Paul devient la cheville ouvrière et le secrétaire général. Le premier Colloque (Lausanne, 1961) est un succès, on y fait un status quaestionis de la paroisse, on y ébauche des propositions pour faire des paroisses un lieu missionnaire. Les colloques suivants (Vienne, 1963, Barcelone 1967, Turin, 1969), en plein concile Vatican II et après-Concile, développeront les mêmes thématiques. Leur organisation passionne l’abbé de Mondaye (notamment parce que ces rencontres viennent de la « base », sans avoir été commanditées par la hiérarchie) mais elles sont un surcroît de labeur dans ses tâches ordinaires.
Car le Concile exige maintenant l’aggiornamento des Ordres et des communautés. À Mondaye, l’année 1965, le P. Paul veille sur les grandes adaptations liturgiques (premières concélébrations, disparition des grilles qui ferment le sanctuaire, introduction du chant en français, etc.). Au niveau international de l’ordre de Prémontré, le P. Paul va être également happé par les grandes manœuvres de « renouveau ». L’intellectuel-penseur-novateur resurgit toujours chez lui : très vite, il est nommé président de la « Commission Centrale de rénovation » de l’Ordre, qui s’active dans les chapitres généraux de Wilten (Autriche) en 1968 et 1969. Flanqué d’une infatigable secrétaire, le père-abbé Paul traduit les nouveautés de l’Esprit-Saint en milliers de pages de circulaires dactylographiées, textes et notes, consultations, motions, comptes rendus diffusés dans l’Ordre entier.
Pour grisante que soit la tâche de « penser l’ordre de Prémontré » en vue du prochain millénaire, dans des chapitres internationaux enthousiastes, il faut ensuite rentrer chez soi, et le quotidien du monastère est moins facile. Le recrutement, qui s’est tassé, au début des années 60, semble certes reparti : Aux cinq novices de l’an dernier, écrit-il à un ami en décembre 1969, viennent se joindre deux autres garçons cette année, un jeune diacre de 24 ans de Coutances, un autre de 26 ans, qui termine Sup’de Co. Paris. Par ailleurs, l’aggiornamento continue : depuis Pâques 1968, le rez-de-chaussée du monastère et la bibliothèque sont ouverts à la visite touristique ; en 1970, pour les hôtes et les fidèles, c’est l’opération « Stalles ouvertes », qui permet la prière avec les laïcs dans le chœur de l’abbatiale. Des fraternités de laïcs naissent autour de l’abbaye (comme autour des prieurés satellites de Caen ou de Noisy-le-Grand).
Mais le prélat, à l’abord de la cinquantaine, ressent une grande fatigue intérieure. Un de ses successeurs dans la charge abbatiale, réfléchissant, longtemps après, aux paradoxes du P. Paul, les évoque en ces termes :
L’autorité lui allait bien, mais en même temps elle le rendait malade. Je le revois dans sa stalle, courbé en deux par des crampes d’estomac. Il ne vivait pas une autorité libre.
Début 1971, la communauté a compris que son abbé jette l’éponge. Lui-même écrit à une amie de Belgique :
Les astuces du Mauvais sont effroyables, vous dirais-je que je le sens de nouveau à l’œuvre chez nous. Confidentiellement, je suis presque convaincu que ces vingt années de gouvernement à Mondaye sont presque un maximum et que j’aurais bien besoin d’un recyclage.
Le père Paul Dupont résigne la charge abbatiale le 23 février 1971. Cette démission sera acceptée par Rome en juillet. C’est l’année du 850e anniversaire de l’ordre de Prémontré. Mais quelle fatalité s’attache-t-elle donc aux abbatiats du XXe siècle : quinze ans après le départ inopiné du Père Yves, la communauté doit vivre celui, non moins douloureux, du Père Paul. L’abbé général Norbert Calmels nomme le P. Gildas Sévère administrateur de l’abbaye. Le P. Paul quitte Mondaye, et tout en restant canoniquement religieux prémontré, n’y reviendra plus jamais vivre.
Le P. Paul a cherché, à peine sorti de Mondaye, à entrer non pas dans une douce retraite ecclésiastique d’abbé émérite, mais dans une vie professionnelle active : Le monde du travail, de l’économie et de l’entreprise m’appelaient, écrit-il. Installé à Paris – où il logeait au presbytère de Saint-Germain-des-Prés – le P. Paul a suivi une formation au management et à la gouvernance d’entreprise, et s’est fait embaucher comme DRH d’une entreprise métallurgique de 3000 salariés : et ceci jusqu’à une retraite civile méritée. Prêtre au travail – mais « prêtre cadre » – il crée des équipes MCC (mouvement des cadres et dirigeants chrétiens) et au bout de quelques années devient aumônier régional de Paris pour ce mouvement. L’activiste – jamais loin – cumule aussi, pendant certaines années, avec l’aumônerie de l’université Paris-Dauphine. Relisant sa vie « professionnelle », il dit :
J’ai apprécié le contact avec les personnes lors de l’étude des postes, des qualifications, des organigrammes et des salaires. J’ai vraiment approché à la fois les hommes au travail dans leurs métiers et les réalités générales de l’économie. J’ai gagné ma vie. Sans que cela soit calculé, cela m’a donné une certaine liberté intérieure. Non par refus de la hiérarchie, mais par refus de définir la vie chrétienne par l’obéissance.
Les dernières années de sa vie, dans une retraite active qui voit la publication de ses travaux sur « l’évangile du travail », le P. Paul partage son temps entre sa résidence d’Elancourt, dans les Yvelines, et un petit chalet qu’il a construit lui-même en 2010 à Ronel, à 15 km d’Albi, dans le Tarn de sa jeunesse maquisarde. C’est là qu’il fête ses 100 ans, très entouré, en 2021.
La dernière fois que le Père abbé est allé le rencontrer, en novembre 2024, le père Paul lui a dit :
l’abbatiat m’a mangé la vie, avec joie, j’ai été très heureux, serviteur… un peu serviteur en difficulté parce que ce n’était pas facile. Je reste accroché à ma vocation de suivre l’Evangile. J’ai gardé longtemps le silence mais aujourd’hui je vous parle : mon cœur est à Mondaye.
Il avait alors insisté pour y être enterré.
Il meurt à Nemours, où il était soigné, le 12 janvier 2025, fête du baptême du Seigneur, âgé de 103 ans, dans sa 76eannée de profession religieuse, 74e de sacerdoce. Requiescat in Pace.