Les Sacramentaires romains ignorent complètement cette messe, qui fut rédigée plus tard, en utilisant les collectes de rechange notées dans le gélasien, et la lecture évangélique attribuée originairement à la synaxe eucharistique de la IVe férie après la Théophanie, depuis longtemps déjà tombée en désuétude. Tout le reste est comme le jour de l’Épiphanie.
La collecte est splendide et a toute la saveur de l’âge léonien. « Seigneur dont le Fils unique apparut parmi nous revêtu de notre nature corporelle elle-même, faites que, au moyen de Celui que nous reconnaissons semblable à nous extérieurement, nous soyons renouvelés intérieurement. »
La lecture de saint Jean, avec le récit de la théophanie au bord du Jourdain (I, 29-34), se relie à la très ancienne et primitive signification de la fête opposée par les catholiques aux gnostiques, qui vénéraient dans le baptême reçu au Jourdain la naissance de Jésus moyennant l’infusion de la divinité. L’Église considère néanmoins le baptême du Rédempteur dans les eaux de la pénitence comme l’une des plus importantes théophanies. Jésus y prend la place de l’homme pécheur et s’humilie sous le rite mystérieux du Baptiste ; en même temps cependant, le Père et le Paraclet proclament sa Divinité, et toute l’auguste Trinité sanctifie le baptême de la Nouvelle Alliance, lui donnant la vraie vertu pour régénérer ex aqua et Spiritu sancto les fils adoptifs de Dieu. Ce n’est donc pas tant la naissance de Jésus, que notre renaissance à la vie surnaturelle que nous fêtons en ce jour, où nous nous écrions avec raison dans l’office nocturne : Christus apparuit nobis, venite adoremus.
La collecte sur l’oblation a une saveur antique et classique : « Nous vous présentons, Seigneur, nos offrandes, en la fête de l’apparition de votre Fils incarné, vous suppliant que, de même qu’il est l’instituteur de cette oblation, de même aussi il l’accueille avec miséricorde. »
L’ « Eucharistie », ou action de grâces après la réception des saints dons, s’inspire de l’ancien titre que les Byzantins donnaient à la solennité de ce jour, la fête des saintes Lumières : « Que nous prévienne, Seigneur, et nous accompagne partout votre splendeur, afin que nous contemplions d’un regard limpide le mystère auquel vous nous avez fait prendre part, et que nous le recevions avec la dévotion convenable. »
Le chrétien est enfant de lumière, aussi convient-il que dans ses actes il n’y ait jamais rien de ténébreux, rien qui ne soit droit, rien qui ne soit vrai. Marcher en avant avec vérité, au dire de saint Jean, signifie vivre selon la plénitude de l’idéal chrétien, réalisant son contenu divin, et vivant de la vie de Jésus-Christ.
Bienheureux Cardinal Schuster