Chers amis pèlerins,
Le beau temps de l’Avent rempli d’espérance a été troublé ces derniers jours par les bruits d’une possible « interdiction de cathédrale » à Chartres lors de notre prochain pèlerinage. Les articles et enquêtes se sont multipliés avec les commentaires de gauche… comme de droite faisant penser à ces mots de Raymond Devos « Je n’ai rien à dire et je tiens à ce que cela se sache ! »
Que penser de tout cela ? D’abord, redisons-le, Notre-Dame de Chrétienté ne dispose d’aucune information directe. Nous n’avons été contactés par aucune autorité ecclésiastique. Nous aussi ne faisons que commenter les rumeurs.
« Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites ! Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes… Et ne m’objectez pas que vos amis sont sûrs, Et que vous parlez bas »(1).
Ces rumeurs sont-elles réalistes ? Il nous faut bien répondre positivement puisque les pèlerinages frères de Notre-Dame de Chrétienté de Covadonga (Espagne) et Lujan (Argentine) ont subi récemment des interdictions de cathédrale.
Cette nouvelle persécution est-elle importante pour l’organisation du prochain pèlerinage ? En aucune manière. Une interdiction serait incomprise par les catholiques de France, sans oublier les pèlerins étrangers si nombreux à Chartres puisque notre notoriété dépasse largement les milieux français.
Est-ce vraiment important pour les pèlerins, marcheurs ou organisateurs, d’être interdits de cathédrale ? Je ne le crois pas. En revanche, comme je le disais au journal la Croix, ce serait une tristesse à défaut d’un étonnement.
Si j’ai bien compris la mécanique vaticane : le Dicastère pour le Culte Divin et la discipline des Sacrements se prononcerait à la demande de l’évêque du lieu l’interrogeant sur l’autorisation de célébrer une messe tridentine dans la cathédrale. Le cardinal Roche, préfet de ce Dicastère, est connu pour son animosité envers la liturgie traditionnelle qui semble pour lui l’un des graves problèmes de l’Eglise du XXIe siècle. Il ne faudrait pas s’étonner que le Dicastère préconise l’application du rescrit du pape François du 21 février 2023 pour interdire une messe de rite tridentin dans la cathédrale de Chartres. Je ne suis pas du tout certain que le Saint-Père soutienne ce zèle administratif mais le motu proprio Traditionis Custodes a bien été voulu par lui.
Les observateurs de toutes tendances ont du mal à penser que cette machinerie répressive soit motivée par le salut des âmes. Cet imbroglio ne nous impressionne en rien. Armé du seul « sens de la foi des fidèles », le bon sens catholique, l’un des thèmes de prédilection du pape François, nous ne croyons pas que cet autoritarisme cléricalisant soit utile au salut des âmes. Notre expérience de pèlerin de terrain, de père de famille, de catholique de base nous fait penser exactement le contraire. Lors de notre dernier pèlerinage, nous avions lancé en ce sens une supplique au Saint Père, lors de la messe de Pentecôte célébrée aux Courlis.
Comment comprendre l’activisme forcené de certaines excellences ou éminences quand, il y a peu, elles appliquaient avec lenteur, prudence et réticence le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI ?
Nous en perdons notre latin et notre confiance ce qui est plus grave.
Cet été, j’avais participé à l’université d’été de Renaissance Catholique (un moment très utile de formation que je recommande) à Abilly en Indre-et-Loire. Abilly est un bourg d’un millier d’habitants, construit autour de l’église Saint-Martin. Comme dans beaucoup d’églises de France, les fidèles sont devenus rares. Pourtant la mairie a tenu à restaurer l’église en investissant largement ces dernières années. Quelle n’a pas été la surprise des habitants d’Abilly (et du maire) de constater que l’église Saint-Martin (qui n’est pourtant pas une cathédrale) était interdite de messe tridentine, et pour les 4 jours de l’université, alors que pour une fois il y avait un prêtre et des fidèles, des familles dans le bourg ! Une situation ubuesque qui ne servira pas le rayonnement de l’Eglise synodale et évangélisatrice dans la région.
Je vous en avais déjà parlé lors d’un article après le pèlerinage dans l’Appel de Chartres, j’ai décidé de ne pas me présenter pour un nouveau mandat de président de Notre-Dame de Chrétienté après douze années de service.
Je voudrais d’abord remercier le Bon Dieu et la Très Sainte Vierge Marie d’avoir protégé notre pèlerinage et notre association pendant tout ce temps.
Grâce à la confiance de nos aumôniers généraux, de tous les prêtres, des pèlerins, des membres de l’assemblée générale, du conseil d’administration et de tout l’encadrement, nous avons fait croître ensemble cette œuvre magnifique pour la plus grande gloire de Dieu. J’ai voulu pendant toutes ces années vous rappeler les intuitions de nos fondateurs, vous raconter notre histoire dont nous pouvons être fiers, approfondir les raisons intellectuelles de nos choix notamment liturgiques. J’ai voulu, et merci d’avoir supporté mes répétitions lassantes, redonner le sens de l’engagement militant en évitant les divisions entre nous. Notre-Dame de Chrétienté est une œuvre spirituelle avec une volonté d’action politique (dans le sens noble du mot politique) puisque « le combat politique est le lieu privilégié du combat de l’Église contre le démon » (Père Roger-Thomas Calmel).
Comme pour ponctuer ces douze années, le thème de 2025 pour le centième anniversaire de Quas Primas sera « Pour qu’Il règne, sur la terre comme au ciel ». Magnifique thème à l’origine de la création de notre pèlerinage traditionnel de chrétienté. Toutes ces années, nous avons cherché, avec Péguy, Dom Gérard, Madiran entre autres, à approfondir cette indispensable alliance du temporel et du spirituel (la chrétienté), ignorée de nos jours et pourtant si importante : « Car le surnaturel est lui-même charnel, Et l’arbre de la grâce est raciné profond, Et plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond »(2).
Chers amis pèlerins, je vous remercie infiniment de votre confiance et de votre engagement au service du Bon Dieu. Notre-Dame de Chrétienté a besoin de vous, de votre enthousiasme, de vos prières pour demain. Un immense merci de rester fidèles et unis comme doivent l’être les membres de la famille des pèlerins de Chartres.
Je proposerai au conseil d’administration comme prochain président Philippe Darantière, qui saura mener et développer avec force et fidélité notre association. Comme l’avait fait auparavant mon ami Hervé Rolland, à qui Notre-Dame de Chrétienté doit beaucoup, je resterai auprès de Philippe au conseil d’administration de Notre-Dame de Chrétienté, si la prochaine assemblée générale en décide ainsi, bien évidemment.
Je vous souhaite très chers amis un bon temps de l’Avent, un joyeux Noël fervent, doux et confiant en Notre Seigneur Jésus Christ.
Soyons tous unis par la prière pendant la messe de minuit devant la crèche en pensant aux éprouvés tout autour de nous.
Prions enfin pour le pape, nos évêques, nos prêtres et la Sainte Eglise, en demandant au Saint Esprit d’éclairer et de renforcer notre foi dans la charité.
Notre-Dame de Paris, priez pour nous,
Notre-Dame de Chartres, priez pour nous,
Notre-Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous,
Jean de Tauriers
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(1) Les Mots, poème de Victor Hugo (in Toute la lyre, recueil posthume, 1888)
(2) Charles Péguy, dans Eve (Les Cahiers de la Quinzaine, 1913), in Œuvres poétiques complètes(Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1941)