Quand la mer se retire (Jean-Pierre Maugendre)

Dans le dernier numéro de l’Appel de Chartres (n°282, Novembre 2024), Jean-Pierre Maugendre évoque le livre qu’il vient publier : “Quand la mer se retire – La tragédie de l’Eglise aux XXIème siècle” (Editions Contretemps).

On peut également lire les articles de l’abbé Barthe sur le Christ Roi ou celle de Rémi Fontaine sur l’histoire du Pèlerinage.

Votre livre s’appelle “Quand la mer se retire, la tragédie de l’Égliseau XXI ème siècle”. Ce titre fait penser au livre du père Calmel “Sur nos routes d’exil. Les béatitudes”. Ce sont deux livres de chroniques, existe-t-il une parenté entre ces deux ouvrages ?

C’est trop d’honneur que de me positionner dans la filiation intellectuelle du père Calmel (1914-1975). Il fut un grand dominicain qui apporta une immense contribution à la défense de la Tradition catholique : d’abord par son accompagnement des dominicaines du Saint-Nom de Jésus, ensuite par ses articles, en particulier dans la revue de Jean Madiran, Itinéraires.

Chacun de ses articles est une merveille pour l’intelligence. Le propos est toujours clair, tranchant et simple comme la vérité, animé d’un profond sens de l’Église et d’un grand esprit surnaturel. Ma parenté avec l’œuvre du père Calmel, s’il y en a une, tient à ce que je suis un lecteur régulier et toujours admiratif de ses écrits. Mon constat et celui du père Calmel, à quelques décennies d’intervalle, se rejoignent.

L’Église et la société civile vivent une crise d’une acuité telle qu’elle nous condamne à une forme d’exil intérieur si nous voulons rester fidèles aussi bien à l’intégralité des promesses de notre baptême, dans une pleine fidélité à toute la Tradition de l’Église, qu’à la vocation chrétienne de la France. Face à ce désastre, au spectacle désolant laissé par la mer qui s’est retirée, à l’école du père Calmel, nous nous efforçons de repousser la triple tentation de la résignation, de l’aveuglement et du désespoir.

Nous préparons par nos fidélités, nos actions et en l’occurrence nos écrits le retour inéluctable de la marée montante que nous nous efforçons de hâter.

Comment introduiriez-vous votre livre devant un chef de chapitre de Notre-Dame de Chrétienté de 20 ans ?

Mon ami tu as la grâce, passagère, d’avoir 20 ans et d’avoir compris sur les routes de Chartres, que la jeunesse n’est pas d’abord le temps des plaisirs et de l’insouciance mais celui de l’héroïsme, du don de soi et de l’apprentissage de la sainteté.

Ce monde que tu découvres, ou dans lequel tu es né, porte une conception de l’homme et de Dieu aux antipodes des valeurs promues par la société moderne et, trop souvent, par l’Église elle-même. Tu as choisi la transcendance, la beauté, le mystère, la sacralité, le silence, l’exigence, le sacrifice contre la banalité, le bavardage, la facilité, l’agitation, le conformisme, le laxisme.

Tu as compris que tu étais d’abord un héritier participant d’un immense et sublime héritage que tu découvres peu à peu.

Cet héritage t’a été caché, parfois trahi, mais il n’a pas été perdu. D’autres avant toi ont lutté pour qu’il soit préservé. C’est, d’une certaine manière, l’histoire de leurs luttes, de leurs résistances, de leurs espoirs, de leurs (trop) brèves victoires mais aussi de leurs défaites durant ces vingt dernières années que se propose de faire revivre devant toi ce livre.

Tu croiseras les acteurs religieux (Benoît XVI, le pape François, les cardinaux Sarah ou Muller, NNSS Vingt-Trois, Aupetit, Rey, Aillet) ou politiques (Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, Christiane Taubira) qui ont marqué ces années. Tu revivras l’élection de Benoît XVI mais aussi sa renonciation, l’élection de Nicolas Sarkozy, l’insurrection de La Manif Pour Tous, la révolte des gilets jaunes puis la crise du Covid 19. Les chroniques sont ordonnées dans l’ordre chronologique, ce qui permet à chacun, en fonction de ses centres d’intérêt, de choisir le sujet qui l’intéresse.

Il ne s’agit pas de cultiver la nostalgie du « c’était mieux avant » mais de rendre hommage à ceux qui ont tenu le terrain et de tirer les leçons d’une histoire qui est là pour nous instruire parce qu’elle est un irremplaçable vivier d’expériences.

Elle nous donne les clés de compréhension du présent et nous aide à préparer l’avenir. Cet héritage national et religieux devient peu à peu le tien. Je te souhaite de chaque jour mieux te l’approprier, de l’enrichir puis de le transmettre augmenté. Si les réflexions et expériences ici rassemblées t’y ont aidé je serai comblé.