Lors de la journée diocésaine du 5 octobre dernier au lycée collège Saint Joseph de Périgueux, l’évêque Mgr Mousset, en poste depuis dix ans, a prononcé une homélie sur l’évangélisation :
“Chers frères et sœurs, chers amis,
Depuis dix ans déjà, je sillonne notre diocèse en ayant à cœur d’écouter ce qui se vit, et je peux attester que l’envoi en mission de Jésus que nous venons d’écouter reste pour vous d’une actualité brûlante. Le premier objectif annoncé est sans ambiguïté à mes yeux : « faites des disciples ». Oui, mais voilà, comment faire des disciples dans un monde qui a considérablement changé ? Probablement comme beaucoup d’entre vous, j’ai le sentiment, face à ce beau défi, de me trouver devant la porte étroite de l’évangile avec des bagages trop gros, remplis de ces certitudes qu’il n’y a rien à changer dans nos manières de faire et de vivre parce qu’on a toujours fait comme ça !
Nous le savons : la tentation est grande face au défi de l’évangélisation de nous replier sur nous-mêmes et de ne compter que sur nos propres forces dont nous constatons pourtant qu’elles s’amenuisent ! Or, dans la finale de saint Matthieu, avant l’envoi en mission, il y a la rencontre de Jésus, Christ et Seigneur. « Quand ils le virent, ils se prosternèrent … ». Comme un appel à ne pas oublier que dans la mission de l’Eglise tout commence avec la rencontre étonnante du Christ !
Je ne vous apprends rien en soulignant que nous sommes entrés dans des temps nouveaux pour l’évangélisation. Certes, nous sommes plus pauvres en personnes et en moyens financiers, davantage encore dans les diocèses ruraux comme le nôtre où nos institutions se sont affaiblies et fragilisées. Dans ce contexte d’appauvrissement, seule la rencontre du Christ vécue au quotidien peut nous permettre de reconnaitre tout ce que Dieu nous donne déjà : ces personnes, jeunes et adultes, qui reçoivent le baptême ou le sacrement de confirmation comme on entre dans une vie nouvelle et qui attendent de nous et de nos communautés que nous les aidions à affronter avec eux le mystère de la vie avec la force de la foi.
Oui, avec l’envoi en mission des disciples du Christ que nous sommes et que nous voulons être, comment ne pas entendre, accueillir et accompagner ces attentes de plus en plus exprimées, sans complexe et sans détour, par des nouveaux croyants, des catéchumènes, des recommençants, des jeunes et des enfants (je salue leur présence parmi nous) qui vivent l’entrée dans le mystère de la foi comme un renouveau dans leur existence ?
Chers amis, « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer » (St Jean Paul II) Oui, si nous avons vraiment fait l’expérience de la présence du Seigneur ressuscité comme une source d’eau vive en nous, comment ne pas être habités par le désir que d’autres puissent faire cette même expérience ? C’est pourquoi je souhaite que puissent se développer les groupes de partage de la Parole de Dieu, pour qu’ensemble, à l’écoute de cette Parole nous nous aidions à reconnaître la présence du Seigneur à l’œuvre dans nos vies et dans la vie de ce monde (des documents diocésains existent pour accompagner cette démarche).
C’est bien cette écoute partagée de la Parole de Dieu et la grâce des sacrements qui nous conduisent à reconnaître les conversions personnelles et pastorales que nous avons à vivre aujourd’hui pour mieux servir la mission d’une Eglise en sortie, selon l’expression du Pape François. Cet appel à sortir et à être attentifs aux fractures et fragilités du monde, est adressé à tous, tant sur le plan personnel qu’au sein de nos communautés paroissiales, des Services diocésains, des Mouvements et de l’Enseignement Catholique. Il en va de l’élan missionnaire de notre Eglise diocésaine.
Dans cette dynamique missionnaire, le temps est venu d’élaborer dans chaque paroisse un projet missionnaire au plus près des personnes, des communautés et de la vie des territoires. Et si ce projet existe déjà, il peut s’avérer important d’y revenir pour l’aménager en tenant compte des changements intervenus depuis son élaboration. Dans tous les cas, il nous faut apprendre à voyager plus léger. Et, même si cela s’avère parfois difficile, il y a urgence à discerner les priorités missionnaires dans les paroisses en cherchant à y associer tous les baptisés, et l’ensemble du diocèse avec les services de l’évêché…
Dans un document quevous allez recevoir dans un instant, j’adresse à notre Eglise diocésaine une feuille de route « Allez, faites des disciples ». Je propose des pistes concrètes pour répondre à l’appel du Christ à « faire des disciples ». Vous prendrez le temps de les accueillir, de les recueillir et le Seigneur vous guidera librement quant à leur possible mise en œuvre. Oui, chers frères et sœurs, chers amis, au terme de cette journée, c’est avec joie que je vous envoie en mission ici en Périgord. Montre le Christ par ta vie et tu verras que ta parole trouvera un réel écho. Vis de telle façon qu’en te voyant vivre on en vienne à se demander « Qui est Celui qui te fait vivre », pour qu’ils n’en restent pas, ce qui est terrible, à des caricatures ou des clichés sur le Christ.
A vous, frères et sœurs, d’écouter avec patience leurs joies et leurs tristesses, leurs espoirs et leurs angoisses, à vous de les porter dans votre prière et leur offrir la force du Christ que vous recevez dans la méditation de la Parole et à chaque eucharistie. Car même s’ils ne savent pas nommer ce à quoi ils aspirent en profondeur, ne doutez pas que ces hommes et ces femmes, ces jeunes et ces enfants, dans le secret de leur cœur assoiffé, sont comme la femme de Samarie en recherche d’eau vive, en attente d’une réponse à leurs questions, désireux de trouver un sens à leur vie, et un salut à leur avenir.
Mais quand la rencontre fraternelle a lieu et qu’elle donne à voir qu’une amitié peut se tisser, chemin faisant, alors les hommes et les femmes rencontrés n’hésitent plus à poser leurs questions existentielles car ils perçoivent que nous sommes tous à égalité devant elles : qu’est-ce que la vie ? pourquoi la mort ? pourquoi le mal et le malheur ? Et là, nous le savons bien, ils n’attendent pas des réponses toutes faites, mais le témoignage de ce que l’évangile a mis dans notre cœur. Alors, offrons à Dieu l’hospitalité de notre cœur.
Et, pour terminer, gardons au cœur ces paroles de la vénérable Madeleine Delbrêl, notre compatriote : « […] On ne peut pas être missionnaire sans avoir fait en soi cet accueil franc, large, cordial à la Parole de Dieu, à l’Evangile, […] et quand nous sommes ainsi habités par elle, nous devenons aptes à être missionnaires » (La sainteté des gens ordinaires). Amen !
+ Philippe MOUSSET,
Evêque de Périgueux et Sarlat