L’ex abbé Mercier, renvoyé de l’état clérical et excommunié fin 2022, à la tête de la fausse abbaye de Tarasteix, incarcéré depuis le 12 juillet 2023, a été renvoyé devant la cour criminelle des Hautes-Pyrénées pour abus sur mineur. La très épaisse ordonnance de renvoi (44 pages) fait état de nombreux faits plus anciens – accablants, mais prescrits – et des enquêtes des autorités religieuses à son sujet, mais aussi les comptes-rendus des nombreuses auditions. Cette affaire est aussi un cas d’école de la prise en compte des conséquences de la CIASE, presque trois ans, jour pour jour, après la publication du rapport.
Selon nos informations, l’ex-abbé Mercier pourrait sortir de prison pour être incarcéré sous bracelet électronique et avec un contrôle judiciaire strict. Néanmoins, le sud-ouest étant ce qu’il est, est-ce que les bracelets électroniques, dont les technologies sont, tout a moins, perfectibles, empêcheront le mis en cause de tout tenter pour acheter les consciences, comme l’explique Marianne dans un long article, après avoir lu aussi ladite ordonnance de renvoi qui détaille de nombreux flux financiers entre le mis en cause, ses victimes voire des proches qui les lui rabattaient ? L’on peut légitimement s’en inquiéter.
“Devant la justice“, écrit Marianne, “Jean-Claude Mercier reconnaît des relations sexuelles avec l’intéressé […] ainsi que l’achat du silence de V.C [la victime] contre des sommes allant de 2000 à 6000 francs que ce dernier utilisait pour acheter de l’héroïne. Des écoutes téléphoniques le confirment […] Le 12 juin 2023 Jean-Claude Mercier l’indique à un interlocuteur […] que tout est arrangé : ”Mais n’empêche que ça m’a coûté encore de l’argent ça aussi, ils sont complètement cinglés avec leur saloperie de drogue […] alors ça change bien ma situation, on s’en sort, d’accord, mais financièrement c’est la catastrophe”.
Et Marianne de poursuivre, toujours en lisant l’ordonnance de renvoi, “Jean-Claude Mercier a versé de l’argent à une dizaine de jeunes hommes. Certains affirment que le prêtre les aidait […] d’autres assurent que c’était un moyen d’acheter leur silence. Parfois même Jean-Claude Mercier se retrouve dans la position de l’extorqué. En tout, ce sont plus de 160 mandats cash de la Banque postale qui sont présents dans le dossier”.
Et à l’autre bout, comme la petite pension de l’ex-abbé Mercier, perçue avant son renvoi de l’état clérical, ne suffisait pas à des versements qui peuvent s’élever à des milliers d’euros, les donateurs qui croyaient aider la fausse abbaye de Tarasteix à financer sa rénovation voyaient leur argent partir dans ce type de dépense… ce qui explique aussi l’état très décati des bâtiments, où aucune rénovation d’ampleur n’a été faite depuis des années.
L’évêché de Tarbes au courant depuis 1992 ?
Entre autres, le mis en cause y reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec au moins trois mineurs de quinze ans; on y apprend aussi que Mgr Brouwet – aujourd’hui sur le siège de Nîmes, avait initié en 2017 un signalement à la justice de Tarbes, auquel étaient joint sept courriers, dont quatre au moins dénonçaient des abus. Deux de ces courriers relatant des abus avaient été écrits en 1999 – alors que Mgr Perrier était évêque – et 1992 – alors, il s’agissait de Mgr Sahuquet.
De 1992 à 2017 il a fallu un quart de siècle pour que l’évêché de Tarbes réagisse et transmette les faits à la justice civile… qui s’est elle même endormi sur le dossier encore quatre ans – le premier signalement a été classé en 2018, et il a fallu un témoignage reçu par la CIASE en avril 2021, puis une question pendant la conférence de presse de l’assemblée générale de la CEF consacrée, en novembre 2021 au rapport de la CIASE, pour que la justice se réveille. Et il a fallu trente ans à l’Eglise pour renvoyer définitivement l’abbé Mercier de l’état clérical, 46 ans après son installation à Tarasteix sans aucune mission diocésaine…
De 2017 à 2024, il a encore fallu sept ans entre le signalement de Mgr Brouwet et l’ordonnance de renvoi devant la cour criminelle. Trop tard pour certaines des victimes – l’une d’elles est décédée en 2019, une autre au moins a été incarcérée à son tour pour viols sur mineurs.
Les faits les plus récents resteront dans l’ombre ?
Néanmoins cette ordonnance de renvoi semble garder le silence sur des faits beaucoup plus récents – de 2019, sur lesquels l’instruction s’est endormie. Selon nos informations, l’enfant, rabattu vers l’ex abbé Mercier par un de ses proches, était placé. A-t-on voulu éviter de mettre en cause les services sociaux concernés ?
De même, la justice ne s’est guère intéressée aux courses d’orientation organisées dans le domaine de Tarasteix par un collège public du département, même après le renvoi de l’état clérical de l’ex-abbé Mercier pour abus. Là encore, on peut se demander si un établissement privé diocésain ou hors contrat, s’il avait eu la même initiative, aurait été traité avec un silence bienveillant des institutions – le rectorat de Toulouse lui, n’a jamais répondu ni aux sollicitations de la presse, ni à celles des parents qui se sont inquiétés après coup.