La dernière lettre Les Amis du Monastère Sainte Madeleine du Barroux (n°191, 9 septembre 2024) vient de paraître. Dans son éditorial, Dom Louis-Marie de Geyer, Père abbé de l’Abbaye, évoque la question des conversions :
Parmi les amis du monastère, il y a beaucoup d’âmes éprouvées, parfois désespérées ou anéanties par l’épreuve. Elles viennent chercher au monastère un peu de lumière. Je revois encore ce père de famille ayant perdu brutalement son épouse à la naissance de leur quatrième enfant. Il est reparti, sûr qu’à la frontière de ses ténèbres des Frères priaient pour lui et sa famille. Il sait désormais que des moines, avec beaucoup de délicatesse, lui « volent » sa souffrance pour mieux l’offrir au Seigneur, suppléant par leur espérance ce qui peut manquer à son âme. Je revois aussi ce prêtre venu passer la Semaine sainte à l’abbaye, après avoir traversé une campagne médiatique d’une violence inouïe et profondément injuste. Ce clerc a pu expérimenter la valeur du soutien fraternel des moines. En effet, ceux-ci mirent en pratique la prescription de saint Benoît au sujet de ceux qui ont failli : envoyer des Frères sages et avisés auprès du malheureux afin que celui-ci ne se laisse pas engloutir par une trop grande tristesse. Oui, la conversion est un chemin sur lequel il arrive de faire des faux pas et où il est bon de trouver une main tendue qui vous porte secours.
Est-il vrai qu’il n’y a que des âmes en recherche de vérité qui viennent à l’abbaye ? Pas tout à fait. Il y a aussi les curieux, les touristes, ceux qui repartiront avec un petit rayon de lumière chrétienne. Il y a également ceux qui repartent offusqués par la rigueur monastique, mais ils sont rares. Plus rare encore, les fous et les folles qu’il faut gérer avec force et douceur…
Toutefois, le plus surprenant réside dans le nombre croissant des convertis. Des jeunes, le plus souvent. Nous avons déjà accueilli des groupes de jeunes adultes assez virils et bien français. Cette jeunesse a soif de vérité. Nous constatons avec émerveillement comment la grâce de Dieu travaille ces âmes, sans que nous y soyons pour quelque chose. Je me souviens de ces deux personnes qui se sont présentées à l’abbaye : elles étaient issues d’un milieu athée, assez anticlérical. Toutes les deux s’étaient converties après une expérience spirituelle. La première a vu un choix se présenter devant elle : la mort ou la foi. La seconde a dû choisir entre la folie ou la foi. Finalement, toutes les deux se sont décidées en faveur du Seigneur, et donc de la vie.
Les moines accueillent toutes ces personnes avec une joie particulière, car ils sont eux-mêmes entrés au monastère dans le but de se convertir. C’est-à-dire en vue de mieux connaître, mieux aimer notre Seigneur Jésus-Christ, par la prière d’adoration, la lectio divina et le travail. La conversion, chez saint Benoît, consiste à suivre le Seigneur jusque dans sa gloire. Selon le chapitre 72 de la Règle, c’est encore « ne rien préférer à l’amour du Christ qui daigne nous conduire tous ensemble vers la vie éternelle », donc chercher le bon plaisir de Dieu en préférant ce qui est utile au prochain plus qu’à soi.