Une chronique du docteur Philippe de Labriolle sur la situation à Quimper, les bricolages liturgiques à répétition du diocèse, et la haine affichée envers la messe traditionnelle :
Telle est la mise en garde de Saint Paul dans son épitre aux Galates, lue en chaire ce dimanche 1er septembre 2024. L’aphorisme est saisissant d’évidence, et Jean Madiran en avait fait le titre de l’un de ses ouvrages (NEL, Paris, 1957), pour dénoncer, sous Pie XII, les outrages déjà infligés à l’Eglise de France avec la complicité de son épiscopat.
La dérision, à l’instar de l’esclavage, est de toutes les époques, mais les modalités de son exercice s’adaptent au contexte. L’habileté voltairienne tient au soutien de la religion comme étant nécessaire à la morale d’un vain peuple. Le châtelain de Ferney ne voulait pas être volé par ses gens de maison. Mais au-delà de cette utilité sociologique, point d’affaire avec l’Infâme (autorité du clergé) chez ce libertin au verbe agile.
Le subtil Umberto Eco (1932/2016), à la prose élégante et déliée, a su séduire le monde intellectuel par son humour, et l’aisance d’un touche-à-tout de haut vol, sans que jamais, au-delà du jeu de l’esprit, son adhésion à quelque conviction précise ne soit confiée à son lecteur. On peut y prendre un plaisir extrême, si l’on ne perd pas de vue qu’il s’agit d’un jeu philosophique pour ceux qui pensent, avec Hegel, que la philosophie est un dévoilement rationnel plus riche que la pensée religieuse, qu’elle dépasse et périme sans nécessité de la combattre.
L’actualité illustre aisément la dérision qu’un clergé diocésain initié inflige à une population décrite comme « fidèle au Missel de 1962 », comme si l’Histoire s’était figée « cette année-là », telle que chantée par Claude François. L’évêque de Quimper, Mgr Dognin, ayant suggéré de contenter les « fidèles » coincés dans les couloirs du Temps par l’envoi en mission fraternelle, à leur intention, de son clergé le plus hostile, que croyait-on qu’il arrivât ? Notamment quand le sermon de septembre 2024 s’employait, par dérision, à choquer le sensus fidei de l’assistance ?
En chassant la FSSP, Mgr Dognin tentait de sauver son siège. Ne soyons pas dupe de cette priorité. Mais en choisissant de remplacer les pasteurs appréciés de tous par des apparatchiks stériles et toutefois imbus d’eux-mêmes, l’Ordinaire voulait sans doute mettre au pied du mur son clergé jaloux, et aux dents longues. La manœuvre n’est pas sans habileté quant à la gouvernance, mais elle n’est d’aucun intérêt sous l’angle de la Mission.
Les fidèles réputés « scotchés » à l’année 1962 sur le plan cultuel et le clergé diocésain avide de promotion en 2024 n’ont pas la même religion. Mais ceux-ci sont au pouvoir, et ceux-là n’y sont pas. Tous sont égaux, en ces temps synodaux, mais, comme le remarquait Orwell en des circonstances antérieures et analogues, certains sont plus égaux que les autres. Si Dieu seul sonde les reins et les cœurs, tout observateur avisé voit qu’une oligarchie, celle que décrit l’organigramme diocésain, s’emploie à dépasser la religion d’hier, afin qu’advienne l’esprit, qu’il soit des Lumières ou de Vatican II, c’est-à-dire du « penser par soi-même » à la pensée des Pères Conciliaires, simple étape dans la synthèse hégélienne. Une telle subversion ne saurait être pensée sans qu’un gradient d’intelligence avec l’Ennemi du genre humain ne soit postulé, constaté et déploré. Fût-ce sous la forme abâtardie de la haine de soi.
La haine de la Messe traditionnelle, dont l’ultime version de 1962 passe pour une date de fabrication aux ignorants, ou la neutralisation de sa puissance sacrée par une prédication antagoniste, est un signe certain d’apostasie. La synchronisation de la mise en garde de Saint Paul et de l’imposture quimpéroise est, somme toute, providentielle. Le clergé dévoyé qui espère marquer des points en réduisant, comme au golf, son handicap d’épiscopable, traite les tradis en « minus habens ». Il n’a même pas cherché à passer alliance, dévoilant en chaire son venin. A tout prendre, ceux qui veulent rester catholiques seraient mieux nourris chez la Fraternité Saint Martin, auxquels des paroisses sont offertes. Reste à savoir selon quelles conditions. Si le desservant, à l’instar de son fondateur l’abbé Guérin, officiait dans le Nouvel Ordo avec l’esprit traditionnel de son ainé, au point que l’espion de Mgr Marty s’y soit trompé, tout en offrant une prédication réellement soucieuse du salut des âmes, pourquoi refuser un tel sas de décontamination des bricolages liturgiques quels qu’ils soient, et d’où qu’ils viennent ?
La voie choisie par l’abbé Guérin en 1970 était une voie d’obéissance, ce qui ne suffit pas à la valider, car l’abbé a « traditionnalisé » le nouvel ordo, dont la vocation était, dès l’origine, la plasticité. Or en 1976, aucun évêque français ne voulait de sa Fraternité naissante, d’où l’exil à Gênes. Le succès posthume des « Saint-Martin » dans les diocèses français donne-t-il raison à Mgr Guérin pour son adoption du Nouvel Ordo ou pour le fait de ne rien lâcher d’autre afin de former des prêtres d’esprit authentiquement tridentin ? Les mois qui viennent, à Quimper notamment, seront décisifs. Le clergé hostile à la Messe Traditionnelle devrait aussi, en toute logique, manifester son allergie aux « Saint-Martin ».
Comme le suggère l’abbé Barthe, et si le Nouvel Ordo a pour péché originel d’être malléable à plaisir, jusqu’à l’insignifiance, il n’est pas impossible, selon la créativité d’un metteur en scène, de pallier les faiblesses d’un livret sans les souligner. Célébrer en latin et face au Tabernacle suffit à dissoner, là où l’on s’emploie à dénaturer le renouvellement du Sacrifice de la Croix en convivialité festive, blasphématoire. La symbolique est parlante, et notamment par sa rupture avec la praxis qui désacralise. Cette alliance par défaut avec la Fraternité Saint Martin, fût-ce à titre provisoire, et sous réserve de rectitude guérinienne, aurait l’avantage de resituer à sa place l’exigence légitime d’un baptisé, c’est-à-dire d’être instruit dans une foi catholique exacte, et non dans quelque succédané conçu in vitro. Ce droit du baptisé concerne tous les baptisés, y compris ceux qui vont à la Cathédrale par défiance de la marginalité. Le Covid est passé par là, drainant les fidèles de bonne volonté des lieux clos vers les lieux de piété rémanente. Dans l’adversité, la vraie charité doit rechercher de judicieuses alliances, à évaluer au cas par cas. Ce qui ne supprime pas la responsabilité gravissime de Mgr Dognin d’avoir préféré sa quiétude personnelle au bien des âmes.
J’ai suivi la messe pendant mes années étudiantes à La Chapelle Polonaise où officiait le dimanche après-midi Monsieur l’Abbé Guy Montarien : il célébrait le rite Paul VI en latin, ad orientem, chantait l’introît, la collecte… disait le canon romain, les chants étaient beaux, notamment certains cantiques de saint Louis-Marie Grignon de Montfort, avec un peu de polyphonie quand c’était possible ; il enseignait et tout cela nourrissait l’âme des nombreux étudiants présents.
Dernièrement, j’ai suivi deux ou trois messes célébrées par des pères de St. Martin : des messes classiques, plutôt soignées, mais parfois avec des servantes d’autel…, des prières universelles qui m’ont semblé ‘bavardes’, et rien dans la langue universelle de l’Eglise ; et je me suis demandé si c’était bien encore la ligne de l’Abbé Guérin, que mon curé de campagne de la Sarthe tenait en très haute estime.
Oui, cela fait souffrir, et je me demande où est le “doux Christ en terre” de sainte Catherine de Sienne.