Billet de l’évêque de Papeete, Mgr Jean-Pierre Cottanceau, en date du 11 septembre :
“La Croix de notre Seigneur Jésus Christ sera à l’honneur ce Samedi 14, puisque l’Église nous invite à célébrer la fête de la Croix glorieuse. Nous pourrions nous demander comment il est possible d’associer l’idée de gloire à un instrument de souffrance, d’humiliation et de mort ? Et comment rapprocher l’idée de Dieu associée à la toute-puissance de vie, avec la perspective de mort sur la croix qu’affronte librement celui qui est Fils de Dieu !
Abandonné des siens, Jésus se livre et s’abandonne librement. Pourquoi ? Remis entre les mains des hommes, Jésus continue de rendre témoignage à la vérité de Dieu : un amour pour nous qui va jusqu’à se laisser dépouiller de lui-même. Livré, Jésus fait don de lui-même : « Ma vie… personne ne me l’enlève ; mais je la dépose de moi-même » (Jn 10, 18). Pourquoi ? Mis entre les mains des hommes, Jésus continue de rendre témoignage à la vérité de Dieu. Il s’en remet à son Père pour ce qui concerne son propre avenir. Son amour pour nous va jusqu’au dépouillement de lui-même. Saint Paul écrira : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu… Nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Cor 1, 18). Cette puissance de Dieu manifestée en Jésus est capacité à se vider de soi pour se livrer à d’autres. La passion du Fils met en lumière que Dieu est fondamentalement don et communication de soi. Cette communication de soi suppose une dépossession de soi. Dans l’ordre de l’amour, plus on s’oublie soi-même, plus on devient soi-même. Ainsi, plus Dieu est dépossédé de lui-même, plus il est lui-même. De toute éternité, Dieu n’existe que comme don de soi, don qui fait naître, et ce don culmine dans la passion et la mort du Christ. Ainsi, Jésus en acceptant librement sa mort sur la croix exprime la véritable puissance de Dieu, une puissance qui s’exprime non selon le registre de la puissance humaine, mais selon un autre registre que les disciples mettront du temps à comprendre : le registre de l’amour offert et de la puissance de vie.
Mais c’est une puissance de vie que les hommes peuvent mettre à mort ! Et cependant, cette puissance de vie, même mise à mort, débouche sur la résurrection. Elle demeure donc toujours puissance de vie. La force de Dieu est intérieure. Elle permet à Jésus de prendre sur lui la violence, le péché, leurs souffrances et leurs peurs, leurs angoisses. Elle permet à Jésus de descendre dans l’enfer des Hommes jusque dans leur mort, et c’est de là qu’il les rend à la vie.
C’est aussi un amour qui peut être refusé, même s’il reste toujours offert. Jésus se remet entre les mains de l’Homme, comme un amour livré. Si cet amour peut être rejeté, rien pourtant, ni personne ne peut l’éteindre ou l’empêcher d’exister. Dieu se manifeste en Jésus comme puissance d’amour qui demeure intact, même si elle est refusée par les hommes. On ne peut l’enchaîner ni la détruire. Au cœur de sa passion, le Christ affronte le mal en toute vérité. Il crie sa peur et sa soif, mais il ne se détourne pas. Il trouve même des paroles de pardon envers ceux qui le condamnent, des paroles d’avenir envers ceux qui l’entourent, des paroles d’amour envers sa mère et l’apôtre Jean, des paroles de confiance et de foi envers son Père quand il s’en remet à lui. C’est une puissance d’amour qui est sans puissance à la manière dont les hommes sont puissants, car c’est un amour « désarmé ». Et si la force des puissants de ce monde peut s’y opposer un moment, elle ne parvient en fait qu’à la mettre davantage en évidence et ne peut en rien l’altérer ou la dégrader. C’est aussi un amour désarmant car il va jusqu’à l’amour des ennemis et au pardon.
« O Croix, sublime folie, O Croix de Jésus Christ
Dieu rend par toi la vie et nous rachète à grand prix,
L’amour de Dieu est folie, O Croix de Jésus Christ »
+ Monseigneur Jean-Pierre COTTANCEAU