Dans l’Année Liturgique, Dom Prosper Guéranger nous donne quelques clefs pour rentrer dans le mystère de cette fête :
« La Transfiguration du Seigneur est célébrée par toutes les Églises d’Orient comme l’une des fêtes majeures de l’année. Elle remonte au Ve siècle, car elle était reçue dès les environs de l’année 500 par l’Église nestorienne et au VIIe siècle par l’Église syrienne d’Antioche, mais le lectionnaire de Jérusalem ne la connaît pas encore. Certains la mettent en relation avec la dédicace des basiliques du Thabor. Il semble que sa date a été choisie en fonction de l’Exaltation de la sainte Croix : le 6 août précède de quarante jours le 14 septembre. Or, selon certains apocryphes, la Transfiguration aurait eu lieu 40 jours avant la Crucifixion. En tout cas, il est indéniable que la liturgie byzantine rattache la Transfiguration à l’Exaltation de la Croix en commençant à dire à partir du 6 août les catavasia de la Croix.
La Transfiguration apparait en Occident au milieu du IXe siècle. Non seulement elle est inscrite au calendrier de Naples, mais le martyrologe métrique de Wandelbert de Prùm en fait foi pour les Pays germaniques (848) et un évêque espagnol du nom d’Eldefonse estime, en 845, que tous les fidèles doivent communier ce jour-là comme pour Noël et l’Ascension. Au Xe siècle, on trouve la Transfiguration aussi bien à Tours et à Bari qu’en Espagne. Le XIe et le XIIe siècles voient sa diffusion s’accentuer. En Espagne, les sacramentaires de Vich et de Ripoll contiennent la messe du 6 août et celui de Vich y ajoute la messe de la vigile. Pour la France, V. Leroquais a répertorié onze témoins de la fête au XIe siècle et quinze au XIIe. Au début du XIIe siècle, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, se fait le propagandiste fervent de la fête. Non content de l’inscrire au calendrier clunisien en 1132, il compose un office de la Transfiguration. Sa lettre aux moines latins du Mont-Thabor et le sermon qu’il a laissé sur ce mystère révèlent quelle place le Christ rayonnant de gloire tenait dans sa contemplation. Cluny devait être, durant tout le XIIe siècle, un artisan efficace de la propagation de la fête du 6 août. Si celle-ci touche peu les Pays alémaniques (Fulda, Reichenau, Saint-Gall l’ignorent), elle connaît une solide implantation en Italie dès le XIe siècle, de Bologne au Mont-Cassin. Il convient de relever que la fête est surtout célébrée dans les milieux monastiques. Les moines d’Occident rejoignent ceux d’Orient pour faire du Christ en gloire l’Icône de leur propre vie, qui doit consister à se laisser transfigurer par la lumière du Ressuscité.
Transfiguratio domini nostri Iesu Christi. Le martyrologe de Saint-Pierre annonce la fête du 6 août en première position, avant celle de saint Xyste II et de ses compagnons. Mais les deux autres témoins du XIe siècle, l’épistolier de Saint-Saba et le sacramentaire de Saint-Laurent in Damaso, portent des traces d’influences monastiques et orientales. C’est pourquoi il semble que la fête a pu venir des monastères du sud, du Mont-Cassin et de Bari. Au XIIe siècle, le sacramentaire de l’Archivio de Sainte-Marie Majeure, qui révèle peut-être ici son appartenance au Vatican, connaît à la fois la fête et sa vigile, comme le sacramentaire de Vich et certains sacramentaires français et italiens du siècle précédent. Le calendrier de Saint-Pierre ne fait donc pas figure de novateur à Rome en mentionnant la Transfiguration. Ceux qui l’y ont inscrite n’ont pas seulement ratifié une tradition séculaire, ils sont surtout entrés dans un courant spirituel qui était intense en leur temps ».
Evangile du jour (Matth, 17, 1-9)
En ce temps-là : Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère, et les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige. Et voici que Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Alors Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit ; et voici qu’une voix sortit de la nuée, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances ; écoutez-le. Les disciples, l’entendant, tombèrent le visage contre terre, et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et leur dit : Levez-vous, et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Lorsqu’ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.